Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 avril 2021 M. B..., représenté par Me Rodrigues-Devesas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 13 avril 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII ne lui a jamais été communiqué ; il n'est pas établi que l'avis donné par les trois médecins compétents l'a été à l'issue d'une délibération collégiale et non à la suite d'avis rendus individuellement par chacun des médecins, à des dates différentes ; rien n'indique que le médecin auteur du rapport médical relatif à son état de santé n'était pas en outre membre du collège auteur de l'avis ;
- cette décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- il est dans l'impossibilité de se conformer à cette obligation compte tenu de la suspension des liaisons maritimes, terrestres et aériennes pour limiter la propagation du coronavirus ;
- cette décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
S'agissant du refus de lui accorder un délai de départ volontaire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- le préfet s'est à tort estimé en situation de compétence liée pour prendre cette décision ;
- cette décision méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son éloignement était impossible en raison de la suspension des liaisons maritimes, terrestres et aériennes.
S'agissant de l'interdiction de retour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de l'assignation à résidence :
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier ;
- elle méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de présentation au commissariat est inutile et disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Brasnu a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est un ressortissant tunisien né le 4 septembre 1980. Il déclare être entré en France en septembre 2017. Il a sollicité le 12 juin 2018 un titre de séjour pour raisons médicales sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 avril 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour pour une durée d'un an. Par un second arrêté du même jour, le préfet de la Loire-Atlantique a décidé d'assigner M. B... à résidence. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ces arrêtés. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministère de la santé (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. En l'espèce, le préfet de la Loire-Atlantique a produit l'avis, émis le 26 mars 2020 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui précise que l'état de santé de M. B... ne nécessite pas de prise en charge médicale et lui permet par ailleurs de voyager sans risque vers son pays d'origine. M. B... se borne à contester le sens de cet avis sans apporter aucune précision sur sa situation médicale. Il n'a en outre produit, ni en première instance, ni en appel, aucun document permettant de remettre en cause le sens de cet avis. Il suit de là qu'il n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2.
5. En deuxième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Au demeurant, M. B... n'a pas sollicité de titre de séjour sur ce fondement.
6. En troisième lieu, si M. B... fait valoir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort des pièces du dossier qu'il est arrivé très récemment en France. S'il fait valoir que ses quatre sœurs vivent en France de manière régulière, il n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation. En tout état de cause, M. B... n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. En quatrième lieu, si M. B... fait valoir qu'il était dans l'impossibilité de se conformer à l'obligation de quitter le territoire français sans délai compte tenu de la suspension des liaisons maritimes, terrestres et aériennes pour limiter la propagation du coronavirus, l'arrêté contesté prévoit expressément qu'en cas de suspension des liaisons maritimes, terrestres et aériennes, l'intéressé devra quitter le territoire français sans délai à compter du rétablissement de ces liaisons. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique se serait estimé en situation de compétence liée au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En dernier lieu, et pour le surplus, M. B... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que l'avis rendu par le collège de médecins est irrégulier, de ce que la décision refusant d'accorder un départ volontaire est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen complet, de ce que la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée et méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que l'arrêté portant assignation à résidence est insuffisamment motivé, est entaché d'un défaut d'examen complet, méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que l'obligation de présentation au commissariat est inutile et disproportionnée. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.
Le rapporteur
H. BRASNULa présidente
I. PERROTLa greffière
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01198