Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2018, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. B...présentée devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal administratif a annulé l'arrêté en retenant un vice de procédure qui n'était pas soulevé et n'était pas d'ordre public et en tout état de cause, à le supposer d'ordre public, n'a pas été précédé de l'information des parties ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de fait en retenant comme motif d'annulation de l'arrêté un vice de procédure constitué par l'absence de précision quant à la durée prévisible du traitement et aux éléments de procédure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2018, M. B..., représenté par MeE..., conclut à ce que soit rejetée la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet de la Loire-Atlantique ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les observations de MeD..., représentant M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité guinéenne, né le 1er janvier 1950, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en tant qu'étranger malade. Par arrêté du 9 novembre 2017, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté. Le préfet de la Sarthe relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...)".
3. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
4. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".
5. Enfin, en vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) désigné afin d'émettre un avis doit préciser : " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays(...) ".
6. Il résulte de l'avis émis le 29 septembre 2017 par le collège des médecins de l'OFII que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Si, par ailleurs, l'avis rendu ne se prononce pas sur la durée prévisible du traitement dont M. B...a besoin, toutefois cette circonstance n'a pas été de nature à modifier le sens de la décision contestée dès lors que l'avis émis par le collège a permis au préfet de la Loire-Atlantique d'être informé de la possibilité pour M. B...d'accéder effectivement aux traitements appropriés à son état de santé disponibles dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler l'arrêté litigieux, sur le moyen tiré du caractère incomplet de l'avis rendu par le collège de médecins.
7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes.
8. M. A...C..., directeur de la réglementation et des libertés publiques, a reçu délégation de signature du préfet de la Loire-Atlantique par arrêté du 20 octobre 2017, publié le 23 octobre 2017 au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 118, pour signer, notamment, les décisions portant refus de titre de séjour assorties d'une mesure d'obligation de quitter le territoire et d'une décision fixant le pays de destination. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, dès lors, être écarté.
Sur la légalité de la décision refusant le renouvellement du titre de séjour :
9. En premier lieu, le préfet de la Loire-Atlantique, qui a visé notamment le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé à M. B...de renouveler son titre de séjour en tant qu'étranger malade au motif qu'il existe un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. En se fondant sur cette circonstance, il a suffisamment motivé sa décision en fait et en droit.
10. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen de la situation personnelle de M.B....
11. En troisième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
12. Par un avis du le 29 septembre 2017, le collège de médecins de l'OFII a estimé que M. B...souffrait d'une pathologie nécessitant une prise en charge dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pourrait bénéficier effectivement de cette prise en charge en Guinée. Ni le compte-rendu d'hospitalisation du 27 mars 2017 et le bulletin de situation établi le même jour par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes ni le certificat médical du même CHU du 15 décembre 2015 ne font état de la disponibilité ou non des médicaments en Guinée. Les deux attestations de deux médecins du CHU de Conakry, versés par M.B..., selon lesquelles cet établissement ne possède pas un pôle de médecine physique et de réadaptation pour la gestion des complications liées aux prothèses totales de la hanche et ne pratique pas l'insertion de sphincter urinaire artificiel, ne permettent pas d'infirmer l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, la décision refusant le renouvellement d'un titre de séjour n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Enfin, M.B..., qui n'est entré en France qu'en mai 2013, se contente d'affirmer, sans apporter des pièces justificatives, qu'il est pris en charge par sa fille de nationalité française et qu'il a développé de nombreuses attaches personnelles en France et s'est éloigné de ce fait de son pays d'origine. Ainsi, la décision refusant le renouvellement d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
15. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".
16. Dès lors que la décision refusant la délivrance un titre de séjour est suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, et que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'insuffisance motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
17. Contrairement à ce que soutient M.B..., l'avis du collège des médecins de l'OFFI du 27 septembre 2017 précise que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Le moyen tiré de cette absence de mention manque donc en fait.
18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12 du présent arrêté, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
19. La décision fixant le pays d'origine de M. B...comme pays de son renvoi mentionne sa nationalité guinéenne et précise qu'elle ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui sont visés par l'arrêté contesté. Ainsi, elle est suffisamment motivée en fait et en droit.
20. Si M. B...soutient que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément à l'appui de ce moyen.
21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. B...et relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 mars 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F...B...et à MeE....
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
J.-E. GeffrayLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01675