Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2018, Mme D..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas suffisamment motivée, méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11, du 10° de l'article L. 511-4 et de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du même code, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît les dispositions de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son époux est apatride ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation individuelle et familiale avant de prendre sa décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ; il n'a pas examiné la capacité de voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée, est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2018, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les observations de MeB..., représentant MmeD....
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante serbe, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 août 2017, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme D...tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme D...relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Le préfet de la Loire-Atlantique, qui, contrairement à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire, s'est fondé sur l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de Mme D...pour refuser un titre de séjour, n'avait pas à préciser les éléments justifiant de l'existence du traitement au regard de la pathologie dont souffre la requérante, et n'avait à mentionner ni la présence d'un frère et d'une soeur en situation régulière en France ni la prétendue qualité d'apatride de son époux. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la motivation de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour que le préfet de la Loire-Atlantique a examiné d'une manière précise la situation familiale et individuelle de Mme D...avant de prendre sa décision.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable conformément au VI de l'article 67 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, le 11° tel qu'il résulte du 3° de l'article 13 de cette loi s'appliquant aux demandes présentées après son entrée en vigueur, fixée au 1er novembre 2016 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
6. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant à l'appui de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de destination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Le 17 janvier 2017, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de Mme D...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas un traitement approprié dans son pays d'origine. Alors que le préfet, bien que n'ayant pas eu connaissance de la pathologie de MmeD..., qui n'a pas souhaité la divulguer, a produit en première instance la fiche d'information " Medical country of origin information " (MedCOI IV), établie par les autorités fédérales belges en septembre 2017, qui indique que de nombreux centres médicaux existent en Serbie et que la majeure partie des pathologies y sont prises en charge, Mme D...n'invoque aucun moyen spécifique permettant de démontrer l'impossibilité de traiter d'une manière appropriée son état de santé dans ce pays. En outre, la requérante ne démontre aucune circonstance particulière l'empêchant en ce qui la concerne d'avoir effectivement accès aux soins existants. Dès lors, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...). " et de celles de l'article R. 511-1 du même code en vertu desquelles l'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont inopérants à l'égard d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour.
9. Le moyen tiré de l'absence d'examen sur la capacité pour la requérante de voyager sans risque vers son pays d'origine est inopérant à l'égard d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour.
10. En cinquième lieu, si Mme D...reproche au préfet de la Loire-Atlantique de ne pas avoir étudié la qualité d'apatride de son époux, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait présenté une demande tendant à la reconnaissance d'un statut d'apatride auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu desquelles la qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides doit être écarté.
11. La prétendue qualité d'apatride de l'époux de Mme D...en raison de ce qu'aucun Etat de l'ex-Yougoslavie ne l'a reconnu comme un de ses ressortissants ne suffit pas à justifier de l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas donc commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
12. Enfin, il est constant que l'époux de la requérante fait lui-même l'objet d'un arrêté préfectoral portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dont la légalité est confirmée par arrêt de ce jour de la présente cour. La cellule familiale, comprenant également leurs enfants mineurs, peut être reconstituée dans le pays d'origine de M. et Mme D...ou tout pays dans lequel ils seraient légalement admissibles. Mme D...n'apporte pas d'éléments probants pour démontrer l'existence de nombreuses attaches personnelles en France. Dans ces conditions, alors même que Mme D...se prévaut de la durée et de l'ancienneté de ses séjours en France, soit de 2002 à 2006, puis à compter de 2010, et de la régularité de la situation administrative de membres de sa famille, qui sont ses soeur, beau-frère, belle-soeur et un de ses enfants, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
14. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). ".
15. Dès lors que la décision refusant la délivrance un titre de séjour est suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, et que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'insuffisance motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
17. La décision fixant le pays de destination mentionne la nationalité de Mme D...et le fait que l'intéressée n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacées dans son pays d'origine ou qu'elle est exposée à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est donc suffisamment motivée alors même que Mme D...soutient qu'elle ne mentionne aucun élément sur la qualité d'apatride revendiquée par son époux.
18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12 du présent arrêt, la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
J.-E. GeffrayLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02031