Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 mars 2019 et 20 juillet 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la proposition de rectification du 13 août 2012 est insuffisamment motivée ; cette insuffisance de motivation porte atteinte aux droits de la défense et méconnaît le paragraphe 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision du 7 novembre 2016 portant rejet de sa réclamation est insuffisamment motivée ;
- la société civile immobilière (SCI) du 123 avenue du général Leclerc a valablement exercé l'option à l'impôt sur les sociétés ; la volonté d'opter à l'impôt sur les sociétés a été confirmée par tous les associés de la SCI lors de l'assemblée générale extraordinaire du 28 février 2010 ;
- le fait d'avoir adressé à la SCI, à la suite de sa demande d'option, les imprimés " cerfa " de relevés d'acomptes et de solde d'impôt sur les sociétés constitue une prise de position formelle de l'administration fiscale ;
- l'option a ensuite été reconnue par l'administration dans des courriers du 19 juin 2014 et du 23 juin 2014, ce qui constitue là encore une prise de position formelle ;
- le fait de n'avoir pas alerté la société sur le caractère incomplet de son courrier du 28 février 2010 relatif à l'option à l'impôt sur les sociétés méconnaît l'article 2 du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ; le fait de remettre en cause cette option quatre ans après les faits, sans avoir alerté le contribuable et après avoir en outre adressé des formulaires relatifs à l'impôt sur les sociétés, constitue une atteinte au principe de loyauté ainsi qu'au principe de sécurité juridique ;
- contrairement à ce qu'a estimé l'administration, les charges afférentes à la propriété dénommée " Villa Vicensini ", située à Solaro (Haute-Corse), sont déductibles, dès lors que la SCI AEPM Solenzara a fait toutes les démarches nécessaires pour donner cette propriété en location et ne peut ainsi être regardée comme s'en étant réservé la jouissance ;
- les intérêts de retard étant supérieurs à l'intérêt légal, ils constituent une sanction, ainsi que l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme ; le contribuable doit en conséquence se voir appliquer la loi la plus douce ;
- l'application des majorations pour manquement délibéré est insuffisamment motivée ;
- ces majorations ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 20 septembre 2019 et 23 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé et au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 pris pour l'application du chapitre II du titre II de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à l'accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... est associé de plusieurs sociétés civiles immobilières (SCI), dont la SCI du 123 avenue du Général Leclerc et la SCI AEPM Solenzara. Par proposition de rectification du 13 août 2012, l'administration fiscale lui a notifié un rehaussement de ses revenus fonciers au titre de l'année 2010 à hauteur de 291 388 euros. Après mise en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en résultant, M. C... a présenté le 5 avril 2013 et le 23 décembre 2013 des réclamations préalables qui ont été rejetées par des décisions, respectivement, du 20 septembre 2013 et du 19 juin 2014. Ces décisions n'ont pas été contestées devant le juge de l'impôt. M. C... a ensuite présenté une nouvelle réclamation le 12 octobre 2015. Après rejet de cette réclamation, M. C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge de ces impositions. Par un jugement n° 1603765 du 15 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. M. C... relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir partielle opposée par le ministre à la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article R. 190-l du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial (...) de la direction générale des finances publiques (...) dont dépend le lieu d'imposition ". Aux termes de l'article R. 200-2 de ce livre : " (...) Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à 1'administration ". En application de ces dispositions, un requérant n'est recevable à contester une imposition le concernant que dans la limite du quantum de sa réclamation devant l'administration.
3. Le ministre fait valoir en défense, à juste titre, que la réclamation préalable du 12 octobre 2015 ne portait que sur une somme de 54 626 euros. Il est donc fondé à soutenir que les conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à la charge de M. C... au titre de l'année 2010 ne peuvent excéder ce montant de 54 626 euros.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. M. C... reprend en appel les moyens, qu'il avait invoqués en première instance et tirés du défaut de motivation de la proposition de rectification du 13 août 2012 et de la décision du 7 novembre 2016 portant rejet de sa réclamation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif d'Orléans. Les moyens tirés de la violation des droits de la défense et, en tout état de cause, de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés par voie de conséquence.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés de la SCI du 123 avenue du général Leclerc :
5. En application du b du 3 de l'article 206 du code général des impôts, les sociétés civiles mentionnées au 1° de l'article 8 du même code sont soumises à l'impôt sur les sociétés si elles optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 de ce code. Aux termes de l'article 239 de ce code : " 1. Les sociétés et groupements mentionnés au 3 de l'article 206 peuvent opter, dans des conditions qui sont fixées par arrêté ministériel, pour le régime applicable aux sociétés de capitaux (...) / L'option doit être notifiée avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l'impôt sur les sociétés (...) ". L'article 22 de l'annexe IV au code général des impôts dispose que : " La notification de l'option prévue à l'article 239 du code général des impôts est adressée au service des impôts du lieu du principal établissement de la société ou du groupement qui souhaite exercer cette option. / La notification indique la désignation de la société ou du groupement et l'adresse du siège social, les nom, prénoms et adresse de chacun des associés, membres ou participants, ainsi que la répartition du capital social ou des droits entre ces derniers. Elle est signée dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, par tous les associés, membres ou participants. Il en est délivré récépissé. / L'option ainsi exercée est irrévocable (...) ".
6. Par un courrier du 30 mars 2010, reçu le 2 avril 2010, M. C..., en sa qualité de gérant de la SCI du 123 avenue du Général Leclerc, a demandé l'assujettissement de cette société à l'impôt sur les sociétés à compter du 1er janvier 2010. Toutefois, ce courrier n'était signé que par M. C... et non par l'ensemble des associés. En outre, ce courrier ne mentionnait ni le nom des associés ni la répartition du capital social entre eux. Enfin, il est constant que le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 28 février 2010, au cours de laquelle les deux associés de la SCI ont décidé d'opter pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, n'a pas été joint au courrier du 30 mars 2010. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la société n'avait pas valablement opté pour le régime de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés.
7. Contrairement à ce que soutient M. C..., l'envoi des formulaires destinés au relevé des acomptes et l'envoi du solde de l'impôt sur les sociétés par l'administration fiscale ne sauraient constituer une prise de position formelle sur la situation de fait dans laquelle la société était placée. De plus, ni le courrier de rejet de la réclamation daté du 19 juin 2014 ni le courrier du 23 juin 2014, au demeurant postérieurs à l'année d'imposition en litige, ne prennent position sur la validité de l'option à l'impôt sur les sociétés. Il suit de là que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position formelle de l'administration.
8. M. C... fait ensuite valoir qu'en application de l'article 2 du décret du 6 juin 2001 relatif à l'accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives, l'administration fiscale aurait dû l'informer du caractère incomplet de sa demande. Toutefois, en application de l'article 3 de ce décret, l'accusé de réception, sur lequel doit figurer la liste des pièces manquantes, n'est pas délivré lorsque la demande " tend à la délivrance d'un document ou au service d'une prestation prévus par les lois et règlements pour laquelle l'autorité administrative ne dispose d'aucun autre pouvoir que celui de vérifier que le demandeur remplit les conditions légales pour l'obtenir. ". Dans ces conditions, et en tout état de cause, l'administration fiscale n'était pas tenue d'informer le contribuable du caractère incomplet de sa demande.
9. Enfin, M. C... fait valoir qu'en remettant en cause la validité de l'option à l'impôt sur les sociétés deux ans après la demande d'option, et après avoir adressé des formulaires d'acompte relatifs à l'impôt sur les sociétés, l'administration fiscale a méconnu le principe de loyauté ainsi que le principe de sécurité juridique. Toutefois, il n'est pas contesté que la société n'a déposé sa déclaration d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2010 que le 22 octobre 2012, postérieurement au début des opérations de contrôle. La SCI n'a pas davantage déposé sa déclaration de bénéfices au titre de l'année 2010 pour les sociétés non soumises à l'impôt sur les sociétés malgré l'envoi d'une mise en demeure le 19 septembre 2011. Enfin, la société n'a pas produit, comme le prévoit l'article 202 ter du code général des impôts, le bilan d'ouverture du premier exercice relevant de l'impôt sur les sociétés. Dans ces conditions, le contribuable n'est pas fondé à invoquer les principes de loyauté et de sécurité juridique.
En ce qui concerne le résultat déficitaire allégué de la SCI AEPM Solenzara :
10. Aux termes de l'article 15 du code général des impôts : " (...) II. - Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ". Il résulte de ces dispositions que les charges afférentes à ces logements ne peuvent pas venir en déduction du revenu imposable. Il appartient au propriétaire qui entend, pour déduire les charges afférentes à un logement resté vacant, se prévaloir de ce qu'il a entendu le louer et non s'en réserver la jouissance d'apporter la preuve des diligences qu'il a accomplies pour la location de ce logement.
11. La SCI AEPM Solenzara, dont M. C... est associé et gérant, a acquis le 15 janvier 2010 une maison d'habitation située à Solaro (Haute-Corse), dont il n'est pas contesté qu'elle est restée vacante au cours de l'année 2010. Pour justifier des diligences accomplies par la SCI AEPM Solenzara pour louer cette habitation, M. C... se borne à produire deux mandats de location établis, l'un le 3 juin 2010 avec la société à responsabilité limitée (SARL) " les Bergeries d'Agavezza ", située à Ventiseri (Haute-Corse), l'autre le 17 septembre 2010 avec la société " Elyse avenue ", située à Toulouse (Haute-Garonne). Toutefois, ces seuls documents sont insuffisants pour établir que la SCI a accompli les diligences nécessaires afin de louer ce bien. Dès lors, aucune charge afférente à cet immeuble ne pouvait venir en déduction du résultat de la SCI AEPM Solenzara. Le résultat de cette société n'étant ainsi pas déficitaire, M. C... n'est pas fondé à demander l'imputation sur ses revenus d'une quote-part d'un tel déficit.
Sur les pénalités :
En ce qui concerne les intérêts de retard :
12. M. C... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance, tiré de l'application immédiate de la loi pénale la plus douce. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu à bon droit par le tribunal administratif d'Orléans.
En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré relative à l'année 2011 :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
14. En l'absence de réponse des services fiscaux à la demande d'option à l'impôt sur les sociétés que M. C... avait formulée, en tant que gérant de la SCI, et compte tenu également de l'envoi de formulaires d'acomptes à l'impôt sur les sociétés de la part de l'administration fiscale, M. C... a pu légitimement penser que la demande d'option à l'impôt sur le revenu n'avait pas été validée par les services fiscaux. Toutefois, l'administration fiscale fait valoir que la SCI du 123 avenue du général Leclerc, dont M. C... était le gérant, n'a pas déposé de déclaration de bénéfices en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2010, et que M. C... ne pouvait ignorer les obligations déclaratives auxquelles la société était soumise compte tenu des différents contrôles dont la société a été l'objet au cours des années antérieures. L'administration fiscale, qui a suffisamment motivé sa proposition de rectification, apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré du manquement.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Alain C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 19NT010962