Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement n'est pas régulier dès lors que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas produit de mémoire ni versé des pièces en première instance et que le tribunal administratif n'a pas communiqué l'arrêté préfectoral portant délégation de signature ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et a été pris par une autorité incompétente ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'interdiction définitive de retour sur le territoire français porte atteinte à son droit à la libre circulation dans l'Union européenne garanti par l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- les dispositions de l'article L. 622-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient une interdiction de retour sur le territoire français ne sont pas applicables à l'égard d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ;
- les modalités d'exécution de l'arrêté l'astreignant à se présenter chaque jour à la brigade de gendarmerie de La Chapelle-sur-Erdre portent une atteinte disproportionnée à son droit d'aller et venir ;
- l'arrêté contesté comporte une atteinte disproportionnée à l'ensemble de ses droits et libertés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité roumaine, relève appel du jugement du 5 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 28 mai 2020 portant assignation à résidence.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La circonstance que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas produit de mémoire ni versé des pièces en première instance ne rend pas irrégulier le jugement.
3. Le tribunal n'a pas non plus rendu un jugement irrégulier en ne communiquant pas l'arrêté préfectoral portant délégation de signature dès lors que cet acte réglementaire avait été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
4. M. A... reprend devant la cour sans apporter aucun élément nouveau en fait et en droit les moyens invoqués en première instance et tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, de l'insuffisante motivation de cet arrêté et de l'absence d'un examen particulier de sa situation personnelle. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné, d'écarter ces moyens.
5. Pour assigner M. A... à résidence, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur l'existence d'une interdiction définitive de retour sur le territoire français qui a été prononcée par le tribunal correctionnel de Rennes du 29 septembre 2014. M. A... entend soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de cette décision, en invoquant les moyens tirés de ce que, d'une part, celle-ci porte atteinte à son droit à la libre circulation dans l'Union européenne, garanti par l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, d'autre part, la circonstance que les dispositions de l'article L. 622-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à l'égard des ressortissants communautaires.
6. Aux termes de l'article 131-30 du code pénal : " Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit. / L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. / Lorsque l'interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d'exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. / L'interdiction du territoire français prononcée en même temps qu'une peine d'emprisonnement ne fait pas obstacle à ce que cette peine fasse l'objet, aux fins de préparation d'une demande en relèvement, de mesures de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de permissions de sortir. ". Aux termes de l'article 729-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'un étranger condamné à une peine privative de liberté est l'objet d'une mesure d'interdiction du territoire français, d'interdiction administrative du territoire français, d'obligation de quitter le territoire français, d'interdiction de retour sur le territoire français, d'interdiction de circulation sur le territoire français, d'expulsion, d'extradition ou de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen, sa libération conditionnelle est subordonnée à la condition que cette mesure soit exécutée. Elle peut être décidée sans son consentement. / Par exception aux dispositions de l'alinéa précédent, le juge de l'application des peines, ou le tribunal de l'application des peines, peut également accorder une libération conditionnelle à un étranger faisant l'objet d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire français en ordonnant la suspension de l'exécution de cette peine pendant la durée des mesures d'assistance et de contrôle prévue à l'article 732. A l'issue de cette durée, si la décision de mise en liberté conditionnelle n'a pas été révoquée, l'étranger est relevé de plein droit de la mesure d'interdiction du territoire français. Dans le cas contraire, la mesure redevient exécutoire. ". Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 3° Doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction judiciaire du territoire prise en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ; (...). ".
7. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative peut décider l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une interdiction du territoire à titre de peine complémentaire lorsqu'il justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français, ne pas pouvoir regagner son pays d'origine ni se rendre dans un autre pays. En l'espèce, M. A... ne critique pas le motif retenu par le préfet de la Loire-Atlantique selon lequel il ne peut pas quitter immédiatement le territoire français même si l'exécution de l'arrêté fixant le pays de destination dont il fait l'objet le 28 mai 2020, pris pour l'exécution de l'interdiction définitive du territoire français prononcée à son encontre par le tribunal correctionnel de Rennes le 29 septembre 2014 et sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, demeure une perspective raisonnable.
8. L'interdiction de retour sur le territoire français a été prononcée par le tribunal correctionnel de Rennes le 29 septembre 2014. De ce fait, M. A... ne peut utilement soutenir devant la juridiction administrative qu'elle porte atteinte, compte tenu de son caractère définitif, à son droit à la libre circulation dans l'Union européenne garanti par l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
9. Aux termes de l'article L. 622-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers condamnés au titre de l'un des délits prévus à l'article L. 622-5 encourent également l'interdiction définitive du territoire français, dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal. ". Contrairement à ce que soutient M. A..., ces dispositions sont applicables à l'égard d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne.
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de la nature même de l'assignation à résidence et de ce que l'interdiction définitive de retour sur le territoire français a été prononcée par le juge judiciaire le 29 septembre 2014, les modalités d'exécution de l'arrêté l'astreignant à se présenter chaque jour à la brigade de gendarmerie de La Chapelle-sur-Erdre portent une atteinte disproportionnée à son droit d'aller et venir. Alors que le requérant se prévaut de la création d'un projet de famille en France avec son épouse, qui est engagée dans une démarche de procréation médicalement assistée, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté comporte une atteinte disproportionnée à l'ensemble des autres droits et libertés de M. A....
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.
Le rapporteur,
J.E. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01597