Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 novembre 2015, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de le décharger, à hauteur de la somme de 7 366 euros, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti pour la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2011 et de la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du général des impôts ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il relevait du régime de taxation sur la marge : les articles 256 bis, I 2° bis), 297 A et 297 E du code général des impôts ne subordonnent pas l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à la condition formelle tenant à la présence sur la facture d'une mention spécifique relative à l'application de ce même régime par le fournisseur ; le service n'a apporté aucun élément démontrant qu'il ne pouvait ignorer que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti-revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge ; la jurisprudence du Conseil d'Etat du 29 octobre 2008 ne lui est pas applicable dès lors qu'il n'avait aucun lien privilégié avec ses fournisseurs, revendeurs et négociants ; les fournisseurs n'ont pas déclaré de manière non équivoque effectuer des opérations de livraison intracommunautaire exonérées de taxe sur la valeur ajoutée contrairement à ce qu'a estimé le service ; ses fournisseurs sont tous des professionnels assujettis revendeurs pour lesquels le régime de droit commun est celui de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; l'administration fiscale a attesté que chacun des véhicules introduits en France était en situation régulière au regard de la taxe sur la valeur ajoutée en lui délivrant un certificat fiscal pour l'ensemble des dossiers présentés ce qui lui a permis de vérifier le régime appliqué à chacune des opérations et donc à la revente des véhicules ; 45 % des factures ont été libellées de manière équivoque, imprécise ou ambiguë ; les deux factures pour lesquelles l'administration n'a pu obtenir de renseignements et la facture allemande comportant la mention " véhicule d'occasion " au titre de la mention relative à la taxe sur la valeur ajoutée doivent être regardées comme relevant du régime de droit commun ;
- il n'a pas commis de manquement délibéré : il ignorait le caractère erroné de l'application du régime de la marge et n'avait pas connaissance de l'identité et du régime de taxe sur la valeur ajoutée des précédents propriétaires des véhicules acquis ce qui est confirmé par l'absence de société écran et de fausse facturation et par le recours à l'entreprise individuelle ; le service ne peut se fonder sur le caractère répétitif des manquements compte tenu de son ignorance du régime applicable ; le quitus fiscal donné par l'administration par le visa apposé en application de l'article 242 terdecies I de l'annexe II au code général des impôts sur 19 dossiers démontre qu'il pouvait, de bonne foi, faire erreur sur le régime applicable alors que, si le service avait des doutes, il aurait pu exiger des éléments complémentaires ainsi que le prévoit la doctrine du BOI-TVA-SECT-70-30-10 n°130 ; ni le centre de gestion agréé auquel il avait adhéré ni le cabinet d'expertise comptable chargé de sa comptabilité, et contre lequel il a engagé une instance pour défaut de conseil, n'ont décelé d'irrégularité quant au régime de taxe sur la valeur ajoutée appliqué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delesalle,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
1. Considérant que M. C...exploite l'entreprise Garage d'Herbault et exerce une activité commerciale dans le domaine automobile, notamment la vente de véhicules d'occasion achetés dans des pays membres de l'Union européenne ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2007 au 28 février 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a remis en cause le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliqué à la vente d'un certain nombre de véhicules en considérant que la taxe devait être liquidée sur le prix total et a notifié en conséquence des rappels de cette taxe, assortis de l'intérêt de retard, de la pénalité pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts et de l'amende prévue par l'article 1788 A du même code, pour un montant total de 668 951 euros ; que M.C..., qui avait demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge de la somme de 7 366 euros en droits ainsi que de ces pénalité et amende, relève appel du jugement du 22 septembre 2015 rejetant sa demande en sollicitant la décharge des mêmes droits et de la seule pénalité ;
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2008 : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. / (...) 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006. / (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E de ce code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 313 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, reprenant depuis le 1er janvier 2007 l'article 26 bis de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont M. C...demande la décharge, correspondent à l'acquisition de trois véhicules auprès de fournisseurs allemands ; que, toutefois, la facture Brüggemann du 31 mars 2008 porte la mention libellée en allemand d'exonération pour livraison intracommunautaire d'un véhicule d'occasion ; que les factures des fournisseurs Auto Export Heinrich Ziller du 23 février 2010 et Autohaus Sölter du 17 janvier 2011 se bornent à mentionner " 0,00 " à la rubrique concernant la taxe sur la valeur ajoutée sans mention du régime de taxe applicable ; que ces trois factures ne comportaient ainsi aucune mention relative à l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge pratiqué par les fournisseurs de l'entreprise exploitée par M. C...et de nature à lui permettre de déterminer si elle pouvait elle-même faire application de ce régime ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant ne peut sérieusement soutenir que les mentions en langue étrangère ou les références aux seules législations nationales à l'exclusion de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 dans les factures ou la " confusion " pouvant " exister en matière de règles de facturation pour les opérations communautaires " étaient de nature à l'empêcher de déterminer le régime de taxe applicable compte tenu, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, qu'il procédait à la recherche des véhicules et accomplissait lui-même les démarches auprès de fournisseurs avec lesquels il était en relation constante et auprès desquels il pouvait obtenir l'ensemble des informations nécessaires et que, d'autre part, le système de taxe sur la valeur ajoutée fait l'objet d'une harmonisation à l'échelle de l'Union européenne ;
5. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que M. C...ait acquis des biens d'occasion auprès d'assujettis revendeurs n'était pas, par elle-même, de nature à lui ouvrir droit au bénéfice de ce régime dès lors qu'elle ne préjugeait pas du respect des autres conditions légales requises ;
6. Considérant, en dernier lieu, que le visa apposé par l'administration fiscale en application des dispositions de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts est délivré par l'administration, sur le fondement d'un contrôle en la forme des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la délivrance du certificat prévu par ces dispositions ne peut être regardée, en l'absence de toute mention expresse en ce sens, comme ayant le caractère d'une prise de position formelle de l'administration sur le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable à la transaction ; que, dans ces conditions, M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'en lui délivrant des certificats fiscaux l'administration fiscale a attesté que chacun des véhicules introduits en France était en situation régulière au regard de la taxe sur la valeur ajoutée ;
7. Considérant que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a estimé que les trois ventes devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur leur prix total et a déterminé les rappels sur cette base ;
Sur la pénalité pour manquement délibéré :
8. Considérant que, pour appliquer la pénalité pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, le service s'est fondé, ainsi qu'il ressort des mentions de la proposition de rectification du 30 novembre 2011, sur l'importance des rappels, sur la circonstance que la plupart des factures concernées des fournisseurs de l'entreprise portaient la mention du régime de taxation à la taxe sur la valeur ajoutée sous lequel ils entendaient placer leurs livraisons intracommunautaires, sur la qualité de professionnel du gérant de la société et sur la répétition de l'application erronée du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au cours de la totalité de la période vérifiée ; que, devant le juge de l'impôt, l'administration fait également valoir, ainsi qu'elle est en droit de le faire, que le volume des opérations en cause s'établissait à plus de deux cents véhicules, que dans le cadre de l'assistance internationale, les autorités allemandes ont transmis la copie de documents émanant du requérant, établissant que ce dernier a demandé à plusieurs reprises à différents fournisseurs d'appliquer le régime des ventes intracommunautaires en fournissant les éléments utiles afférents à la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou en signant des attestations indiquant qu'il exportait le véhicule vers la France où il s'engageait à y acquitter la taxe sur la valeur ajoutée et, enfin, sur le fait que le gérant se déplaçait personnellement pour acheter et prendre livraison des véhicules concernés, ce qui lui permettait de connaître l'origine des véhicules et le régime fiscal appliqué et qu'il effectuait les formalités administratives en France ; que pour contredire ces éléments, et ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, M. C...ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'administration a délivré le visa prévu par les dispositions de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts ; que le commentaire figurant au n° 130 du BOI-TVA-SECT-70-30-10 qu'il invoque ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ; que, si le requérant soutient que ni le centre de gestion agréé auquel il a adhéré, ni le cabinet d'expertise-comptable chargé de sa comptabilité n'ont décelé d'irrégularité dans le régime de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a appliqué, cette circonstance n'est pas de nature à contredire utilement les constatations du service dès lors que M. C...a été à l'origine du choix du régime et le bénéficiaire des sommes rappelées ; que le choix de la forme juridique de l'entreprise individuelle pour l'exercice de son activité, au titre de laquelle il répond de l'intégralité des dettes, n'est pas davantage de nature à établir son absence d'intention d'éluder l'impôt ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant, ainsi qu'il lui incombe, la preuve de l'existence d'un manquement délibéré ; qu'il suit de là que M. C...n'est pas fondé à demander la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré qui lui a été infligée ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les dépens :
10. Considérant qu'en l'absence de frais exposés au titre des dépens, les conclusions de M. C...tendant à la condamnation de l'Etat au versement de dépens doivent être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 31 août 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 septembre 2017.
Le rapporteur,
H. DelesalleLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03576