Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2020, le préfet de la Vendée demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les arrêtés du 11 septembre 2019 et du 20 janvier 2020 et lui a enjoint de délivrer à Mme D... épouse E... et à M. E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de les munir, dans l'attente, d'autorisations provisoires de séjour.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé dès lors qu'il ne précise pas les médicaments dont le principe actif ne serait pas disponible en Arménie et dont le défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dès lors qu'il a pris en considération des éléments sans incidence sur la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour soins médicaux ;
- aucun des moyens soulevés en première instance par M. et Mme E... n'est fondé.
La requête a été régulièrement communiquée à M. et Mme E... qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D... épouse E..., ressortissante arménienne née le 12 avril 1958, est entrée en France le 6 mars 2017 sous couvert d'un visa de court séjour, accompagnée de son petit-fils. L'intéressée a vu sa demande de reconnaissance du statut de réfugié rejetée par une décision du 11 janvier 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Cette décision a été confirmée par une décision du 18 octobre 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Mme E... a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Vendée du 2 janvier 2019 portant obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Nantes par un jugement du 29 mai 2019. Par un arrêté du 11 septembre 2019, le préfet de la Vendée a pris à son encontre un nouveau refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré ou tout autre pays pour lequel elle établit être admissible et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine au commissariat de la Roche-sur-Yon, sis 3 rue Delille, afin d'indiquer ses diligences pour la préparation de son départ. Mme D... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Par un arrêté du 20 janvier 2020, le préfet de la Vendée a pris à son encontre un refus de titre de séjour " mention vie privée et familiale " assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... épouse E... en a également demandé au tribunal l'annulation.
2. M. E..., ressortissant arménien né le 29 mars 1953, est entré irrégulièrement en France le 6 mars 2017. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du 11 janvier 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Cette décision a été confirmée par une décision du 10 juillet 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Il a, par la suite, sollicité du préfet de la Vendée la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 2 janvier 2019 du préfet de la Loire-Atlantique. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Nantes. L'intéressé a une nouvelle fois sollicité la demande d'un titre de séjour sur le même fondement. Par un arrêté du 11 septembre 2019, le préfet de la Vendée a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré ou tout autre pays pour lequel il établit être admissible et l'a astreint à se présenter une fois par semaine au commissariat de la Roche-sur-Yon, sis 3 rue Delille, afin d'indiquer ses diligences pour la préparation de son départ. L'intéressé a demandé au tribunal d'annuler cet arrêté.
3. Par un jugement du 15 juillet 2020, le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'annulation de la décision du 11 septembre 2019 du préfet de la Vendée prise à l'égard de Mme E... et la demande d'injonction sous astreinte correspondante, a annulé les arrêtés du 11 septembre 2019 et du 20 janvier 2020 du préfet de la Vendée et a enjoint au préfet de la Vendée de délivrer à Mme D... épouse E... et à M. E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et de les munir, dans l'attente, d'autorisations provisoires de séjour. Le préfet de la Vendée fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé les arrêtés du 11 septembre 2019 et du 20 janvier 2020 et lui a enjoint de délivrer à Mme D... épouse E... et à M. E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et de les munir, dans l'attente, d'autorisations provisoires de séjour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Si les premiers juges ont indiqué, au point 8 du jugement attaqué, que " M. E... produit deux listes faisant figurer les médicaments disponibles en Arménie, dont l'une, datée de l'année 2018, laisse apparaître que l'ensemble du traitement médicamenteux dont il dispose en France n'est pas disponible en totalité en Arménie ", ils ont pu ne pas mentionner les médicaments en cause, qui étaient précisés par M. et Mme E... dans la demande de première instance, sans entacher d'irrégularité le jugement. En outre, si le préfet soutient que le tribunal a pris en considération des éléments sans incidence sur la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour soins médicaux, cet argument est relatif au bien-fondé du jugement et non pas à sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un certificat de résidence. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un certificat de résidence dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
7. Dans son avis du 9 août 2019, le collège des médecins de l'Office a estimé que l'état de santé de M. E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et il peut voyager sans risque vers ce pays.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a eu un accident vasculaire-cérébral en 2017 avec déficit moteur de la jambe gauche, souffre de troubles de la marche et de troubles cognitifs et d'un syndrome parkinsonien vasculaire. Il ressort des ordonnances produites que son traitement médicamenteux est composé de Kardegic, Atorvastatine, Mianserine, Havlane/Loprazolam, Amlodipine, Perindropil, Tahor. Si le préfet produit la liste des médicaments disponibles en Arménie au 31 décembre 2016 et une fiche du Medical country of origin information (MEDCOI) mise à jour en mars 2015, M. et Mme E... ont produit en première instance la même liste des médicaments disponibles en Arménie mais mise à jour au 31 décembre 2018 et donc plus récente. Au vu de cette liste établie en 2018, les médicaments suivants ou des molécules de substitution ne sont pas disponibles en Arménie : Atorvastatine, Mianserine, Havlane/Loprazolam, Amlodipine, Perindropil, Tahor. Si le préfet soutient que le Diazepam est l'équivalent du Loprazolam et que le Sivastatin est l'équivalent du Tahor, ces deux médicaments ne sont pas davantage mentionnés sur la liste de 2018. Enfin, le préfet ne conteste pas que l'Atorvastatine ou des molécules de substitution ne sont pas disponibles en Arménie. Dès lors, le préfet de la Vendée a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. E... un titre de séjour sur ce fondement.
9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Vendée n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 11 septembre 2019 par lequel il a refusé de délivrer à M. E... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
10. Comme indiqué par les premiers juges et d'ailleurs non contesté en appel par le préfet, l'annulation de l'arrêté en date du 11 septembre 2019 pris à l'encontre de M. E... entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2020 édicté par le préfet de la Vendée à l'encontre de Mme E..., son épouse, en vertu du principe de l'unité de famille qui se déduit des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Vendée n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le préfet de la Vendée a refusé de délivrer à Mme E... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Vendée est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... D... épouse E... et à M. B... E....
Copie en sera adressée au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.
La rapporteure,
P. PicquetLe président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT02176