Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2016, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juin 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du 12 février 2016 par lesquelles le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé les pays à destination desquels il est susceptible d'être reconduit d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer " le titre sollicité vie privée et familiale en tant que travailleur ", de procéder au réexamen de sa situation complète et de lui accorder, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeA..., de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de son conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet de la Mayenne avait exigé une formalité impossible ; qu'ils ont également à tort écarté comme " inopérant " le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français emportait sur sa vie privée des conséquences disproportionnées par rapport au but poursuivi ;
- le préfet de la Mayenne n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation dès lors, d'une part, qu'il aurait dû examiner sa demande de titre de séjour au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non de l'article L. 313-10 de ce code et, d'autre part, qu'il n'a pas pris en compte les éléments, qu'il avait pourtant lui-même relevés dans son courrier du 9 août 2015, relatifs à son insertion professionnelle et de nature à justifier une régularisation ; en refusant de l'admettre au séjour en dépit des circonstances exceptionnelles qu'il présente, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité dont est entachée la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet aurait dû désigner expressément un autre pays de renvoi que le pays dont il est ressortissant ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2016, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
- dès lors qu'il aurait pris la même décision de refus de titre de séjour au regard de l'article L. 313-14, il est demandé à la cour de procéder, le cas échéant, à une substitution de base légale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C..., ressortissant de la République Démocratique de Congo né le 10 mai 1968, déclare être entré en France le 6 décembre 2007 ; qu'il a bénéficié de plusieurs titres de séjour en qualité d'étranger malade du 8 décembre 2011 au 26 juin 2015 ; que, par un arrêté du 9 août 2015, le préfet de la Mayenne a rejeté sa demande tendant au renouvellement de ce titre sans assortir cette décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que le même jour, il a invité le requérant à former une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a autorisé à séjourner sur le territoire français, sous couvert de récépissés, jusqu'au 9 février 2016 ; que, par un arrêté du 12 février 2016, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le délai de départ volontaire à trente jours et a déterminé les pays à destination desquels il est susceptible d'être reconduit d'office ; que, par un jugement du 12 février 2016 dont M. C...relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. C...soutenait notamment, à l'appui de ses conclusions de première instance dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour, qu'en exigeant l'obtention d'un emploi dans un délai de six mois, le préfet de la Mayenne lui a imposé une " formalité impossible " et a ajouté une condition non prévue par l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pas inopérant ; qu'ainsi le jugement attaqué est, dans cette mesure, entaché d'insuffisance de motivation ; que, dès lors, il y a lieu de l'annuler en tant qu'il rejette ces conclusions ;
3. Considérant qu'il suit de là qu'il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et, par la voie de l'effet dévolutif, sur le surplus des conclusions de la requête ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / (...) " ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 313-14 de ce code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, que M.C..., à qui il appartenait, s'il s'y croyait fondé, de former un recours contentieux contre l'arrêté du 9 août 2015 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de renouveler son titre de séjour au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut utilement se prévaloir, pour demander l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, ni de l'avis favorable du médecin de l'agence régionale de santé, que le préfet n'a pas suivi, ni de ce que le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade lui aurait permis d'obtenir une carte de résident en application de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne limitent pas la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " aux seules hypothèses d'activité professionnelle exercée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement ; qu'en refusant de délivrer ce titre de séjour à M. C... au motif que l'intéressé ne justifiait, à la date à laquelle il a pris sa décision, ni d'un contrat de travail visé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ni d'un engagement de longue durée de la part d'une société de travail intérimaire, le préfet de la Mayenne n'a ni restreint les conditions de délivrance du titre de séjour prévues par les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni exigé de la part du requérant l'accomplissement d'une " formalité impossible " ; que la circonstance que M. C... ne se serait pas, contrairement à ce qui est indiqué dans l'arrêté attaqué, engagé à trouver, dans un délai de six mois, un emploi remplissant ces conditions est, à cet égard, sans incidence ; qu'il suit de là que la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ;
8. Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. C...a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, en examinant sa demande de titre de séjour au regard de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non de l'article L. 313-14 de ce code, le préfet de la Mayenne, qui, au surplus, n'était pas tenu d'examiner, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, les éléments de la situation personnelle du requérant autres que ceux correspondant aux conditions de délivrance du titre de séjour portant la mention " salarié ", n'a pas commis d'erreur de droit ; que, pour la même raison, le requérant ne peut utilement soutenir que sa situation relevait de circonstances exceptionnelles justifiant sa régularisation ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet de la Mayenne a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation tant au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'au regard de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, laquelle est, en tout état de cause, dépourvue de toute valeur réglementaire, doit être écarté comme inopérant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, qu'en l'absence d'illégalité établie à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant, en second lieu, qu'au soutien du moyen tiré de ce que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, M. C...se prévaut uniquement de son insertion professionnelle sur le territoire français ; qu'il n'établit ni même n'allègue avoir développé en France des liens personnels anciens, stables et étroits ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Considérant, en premier lieu, le préfet de la Mayenne n'était pas tenu de désigner nommément les pays dans lesquels M. C... serait légalement admissible et à destination desquels il pourrait être reconduit d'office ;
12. Considérant, en second lieu, que M. C...reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2016 par laquelle le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées et que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du même jour par lesquelles le préfet de la Mayenne l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé les pays à destination desquels il est susceptible d'être reconduit d'office ;
Sur le surplus des conclusions :
14. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et, en l'absence d'une demande d'aide juridictionnelle, à celui des dispositions de l'article 37 de la loi du 19 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juin 2016 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Mayenne du 12 février 2016 portant refus de titre de séjour.
Article 2 : Les conclusions de première instance de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2016 par laquelle le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Bougrine, conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2016.
Le rapporteur,
K. BougrineLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16NT02281