Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 août 2019 et 12 octobre 2019, Mme E... épouse C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle méconnaît le droit d'être entendu, tel que garanti par le droit de l'Union européenne ; elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; cette décision est illégale dès lors que le préfet ne justifie pas que les autorités italiennes auraient refusé la demande de réadmission sur le fondement de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français étant illégale, la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 janvier 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Par une décision du 23 août 2019, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante marocaine née le 14 septembre 1975, déclare être entrée irrégulièrement en France le 25 juillet 2015. Elle a sollicité auprès du préfet de Maine-et-Loire la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 février 2019, le préfet de Maine-et-Loire a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré ou tout autre pays pour lequel elle établit être admissible. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Elle relève appel du jugement n° 1902813 du 24 juillet 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... est présente sur le territoire français depuis, au plus, le mois de juillet 2015. Si Mme C... fait valoir que la mesure d'éloignement de son époux ne lui a jamais été notifiée, M. C... n'a cependant pas contesté la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour. En outre, Mme C... n'établit ni même n'allègue que son époux serait en situation régulière en France ou serait en droit de bénéficier d'un titre de séjour. De plus, Mme C... ne fait état d'aucune attache familiale en France. Enfin, si Mme C... fait valoir que ses enfants sont scolarisés et qu'elle est intégrée à la société française, ces circonstances ne permettent pas de caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
4. En troisième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
5. En l'espèce, si Mme C... fait valoir que ses enfants sont scolarisés en France, qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche, maîtrise la langue française, adhère aux valeurs de la République et est insérée dans le tissu social angevin, ces circonstances ne permettent pas d'établir qu'en refusant de régulariser sa situation, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de titré de séjour dont elle découle, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre [...]. ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union et que sa méconnaissance par une autorité d'un État membre ne peut, dès lors, être utilement invoquée. Il en va différemment, en revanche, de la méconnaissance du droit d'être entendu en tant qu'il fait partie intégrante du respect des droits de la défense, lequel constitue un principe général du droit de l'Union européenne. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait toutefois être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente serait tenue, dans tous les cas, d'entendre de façon spécifique l'intéressé, lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... ait été empêchée, avant que soit prise à son encontre la décision qu'elle conteste, de porter à la connaissance de l'administration des informations tenant à sa situation personnelle qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français en litige est intervenue au terme d'une procédure méconnaissant le droit d'être entendu doit être écarté.
9. En troisième lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
10. En quatrième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 3, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En cinquième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 5, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
12. En sixième lieu, l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-5, L. 513-1 et L. 513-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 212-1, L. 212-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne ". Il ressort de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union Européenne d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.
13. En l'espèce, l'arrêté contesté mentionne le fait que, par une décision du 21 février 2019, les autorités italiennes ont refusé la réadmission de Mme C.... En tout état de cause, Mme C... n'établit ni même n'allègue avoir sollicité en priorité une réadmission en Italie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
14. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
15. En second lieu, Mme C... reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu à bon droit par le tribunal administratif de Nantes.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
16. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'annulation de ces décisions.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... épouse C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 octobre 2020.
Le rapporteur,
H. A...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03191