Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 août 2019, M. F..., représenté par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 3 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été édicté par une autorité incompétente ; il n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire préalable, en violation des articles L. 121-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; il est insuffisamment motivé ; il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence ; elle est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'erreur d'appréciation ; elle méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle ne fixe pas le pays de destination en méconnaissance de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de circulation sur le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'erreur d'appréciation ; elle méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2019, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les conclusions sont irrecevables car dépourvues d'objet.
Par une décision du 3 septembre 2019, M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant italien né le 21 novembre 1997, déclare être arrivé en France en août 2012 avec sa famille. Par un jugement du tribunal correctionnel des Sables-d'Olonne rendu le 27 juin 2019, il a été condamné à une peine d'emprisonnement de trois ans dont deux ans avec sursis pour des faits de vol, violences avec usage ou menace d'une arme et menace de mort avec ordre de remplir une condition. Il a été incarcéré entre le 6 février 2019 et le 16 août 2019. Par un arrêté du 17 juillet 2019, le préfet de la Vendée a fait obligation à M. F... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit en cas d'exécution d'office et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de douze mois. M. F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1908106 du 26 juillet 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. M. F... relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Le préfet de la Vendée fait valoir qu'il a fait procéder à l'éloignement de M. F... le jour de sa levée d'écrou, le 16 août 2019, et que, par conséquent, la requête est dépourvue d'objet. Toutefois, la circonstance qu'une décision ait produit ses effets avant la saisine du juge d'appel n'est pas, à elle seule, de nature à priver d'objet l'appel contre le jugement de première instance. Dans ces conditions, le préfet de la Vendée n'est pas fondé à soutenir que la requête serait irrecevable pour défaut d'objet.
Sur les moyens dirigés contre l'arrêté du 17 juillet 2019 dans son ensemble :
3. En premier lieu, le signataire de l'arrêté contesté, M. A... E..., disposait pour ce faire d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du préfet de la Vendée du 4 septembre 2018 régulièrement publié dans le recueil des actes administratifs spécial n° 72 de la préfecture de Vendée le 4 septembre 2018. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ".
5. Il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français dans un délai déterminé. Dans ces conditions, les dispositions, citées au point 4, de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du même code, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, l'arrêté contesté mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est, par suite, suffisamment motivé.
7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté serait entaché d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d'exécution d'office. / (...) ".
9. M. F... fait valoir qu'il est arrivé en France en 2012 à l'âge de 14 ans, que sa mère vit à Colombes, son père en Brière, et qu'il est en couple avec Mme G... C... avec laquelle il projette de fonder une famille à sa sortie de prison. Cependant, M. F... n'a apporté aucun élément permettant d'établir que les membres de sa famille résident bien en France. Il n'apporte surtout aucune précision sur les liens qu'il entretiendrait avec les membres de sa famille. Le préfet de la Loire-Atlantique a d'ailleurs précisé dans son mémoire en défense produit en première instance que M. F... s'était brouillé avec ses parents et avait déménagé pour cette raison dans un autre département. S'agissant de sa relation avec Mme C..., l'attestation que celle-ci produit ne permet pas à elle seule de justifier de l'ancienneté et de l'intensité de cette relation. Enfin, l'appréciation de l'atteinte à la vie privée et familiale doit être mise en balance avec la gravité des faits ayant donné lieu à la condamnation de M. F.... En l'espèce, compte tenu de la gravité des faits rappelés au point 1, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
10. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. ".
11. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence.
12. En deuxième lieu, la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire vise les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce les raisons pour lesquelles la condition d'urgence posée par cet article est remplie en l'espèce. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.
13. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 511-3-1 autorisent l'autorité administrative à fixer, en cas d'urgence, un délai de départ volontaire inférieur à trente jours. En l'espèce, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur l'existence d'une menace réelle, actuelle et grave à l'ordre public pour en déduire que la condition d'urgence était remplie. Par suite, ce moyen doit être écarté.
14. M. F... soutient qu'il était en attente d'un procès devant se dérouler le 12 septembre 2019 et que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire l'a empêché de faire valoir ses droits et a par conséquent porté atteinte à son droit à un procès équitable, tel que garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, l'intéressé disposait de la possibilité de se faire représenter par l'intermédiaire d'un avocat. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
16. En second lieu, en indiquant que l'intéressé sera reconduit à destination de son pays d'origine, le préfet de la Loire-Atlantique a bien fixé le pays de destination, conformément à ce que prévoit l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :
17. En premier lieu, pour assortir la décision d'obligation de quitter le territoire français d'une décision portant interdiction de circulation sur le territoire français d'un an, le préfet de la Loire-Atlantique a mentionné les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il s'est fondé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
18. En second lieu, ainsi qu'il a été rappelé au point 14, l'intéressé disposait de la possibilité de se faire représenter par l'intermédiaire d'un avocat à son procès prévu le 12 septembre 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 octobre 2020.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03462