- la présentation des capacités financières est insuffisante en l'absence de précision sur le coût des phases de fonctionnement et de démantèlement ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement en raison des inconvénients présenté par le projet pour la commodité du voisinage et en raison des atteintes portées au paysage, aux monuments et à la santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2020, la société d'exploitation éolienne Maigné, représentée par son représentant légal en exercice, par Me E..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer sur la requête en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement pendant le temps nécessaire à l'instruction de la demande d'autorisation modificative ou, le cas échéant, de prononcer une annulation partielle de l'arrêté limitée à l'avis de l'autorité environnementale et ordonner une reprise d'instruction limitée à cette phase de la procédure d'instruction, et, en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de chacun des requérants une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors, d'une part, que le principe de spécialité des associations a été méconnu et que les requérants, personnes physiques, n'établissent pas leur intérêt à agir ;
- aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé ;
- à titre subsidiaire, si le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande en tant qu'il porte sur les capacités financières de la société exposante, il est demandé à la cour soit de prononcer une annulation partielle de l'autorisation afin de permettre la régularisation de ce vice soit de surseoir à statuer le temps de le régulariser en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2020, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...'hirondel,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Y..., représentant l'association de préservation du patrimoine chemiréen - ALTEO et autres, et de Me E..., représentant la société d'exploitation éolienne Maigné.
Une note en délibéré présentée par l'association de préservation du patrimoine chemiréen a été enregistrée le 9 octobre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. L'association de préservation du patrimoine chemiréen - ALTEO et autres demandent à la cour de prononcer l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2019 par lequel le préfet de la Sarthe a délivré à la société d'exploitation éolienne Maigné une autorisation d'exploiter un parc éolien composé de quatre éoliennes (E1 à E4) et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Maigné (72).
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la société d'exploitation éolienne Maigné :
2. Selon ses statuts publiés au Journal officiel de la République française du 25 octobre 2014, l'association de préservation du patrimoine chemiréen - ALTEO a pour objet de " protéger les espaces naturels, le patrimoine bâti, les sites et les paysages du département de la Sarthe (...) et plus particulièrement de la commune de Chemiré-le-Gaudin et des communes avoisinantes ; lutter contre toutes les atteintes qui pourraient être portées à l'environnement, aux hommes, à la faune et la flore chaque fois qu'elles seront susceptibles de toucher au caractère naturel des espaces et des paysages, aux équilibres biologiques, et d'une façon générale, à la santé et à la sécurité des hommes et des animaux ou à la préservation du patrimoine ; s'opposer, y compris par toute action en justice, aux projets d'installations industrielles dédaigneuses des intérêts de la nature, des personnes, du patrimoine paysager et du bâti ; contrôler les projets d'installations d'usines d'aérogénérateurs dites parcs éoliens ; combattre les nuisances de ces installations, défendre les intérêts des riverains et obtenir réparations amiables et/ou judiciaires des préjudices subis ". L'arrêté contesté a pour objet d'autoriser l'exploitation d'une installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent comprenant quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Maigné, voisine de la commune de Chemiré-le-Gaudin. L'association justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de cet arrêté. La circonstance, à la supposer établie, que les autres auteurs de la demande ne justifieraient pas d'un intérêt à agir ne fait, en tout état de cause, pas obstacle à ce que les conclusions de cette demande soient jugées recevables en tant qu'elle est présentée par l'association de préservation du patrimoine chemiréen-ALTEO. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la société d'exploitation éolienne Maigné doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. -l'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas.".
4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude paysagère et patrimoniale présentée à l'appui de la demande, que le parc éolien contesté, composé de quatre aérogénérateurs d'une hauteur de 149,4 mètres en bout de pale, doit s'implanter sur un plateau agricole en promontoire, situé entre deux vallées, celle de la Gée à l'Ouest et celle du Renon à l'Est. Ce plateau agricole, en " openfield " composé de parcelles de grandes tailles, est caractérisé par la présence de quelques arbres isolés en plein champ ou le long des routes, telles les routes départementales n°s 31 et 43 et l'absence de haies bocagères. Un habitat diffus, formé pour l'essentiel de corps de fermes accompagnés des bâtiments d'exploitation agricole subsiste dans les portions Nord-Est et Sud-Est. Sur le plateau, les visions sont lointaines sans qu'aucun obstacle ne vienne quasiment s'interposer entre l'observateur et l'horizon.
5. Il ressort également du rapport et de l'avis du commissaire enquêteur, que la commune de Maigné, qui comprend 130 maisons, sera, dans son intégralité, bien en-deçà de la distance de 1 000 mètres par rapport à trois éoliennes, notamment les éoliennes E3 et E4. Selon l'avis défavorable émis par le paysagiste-conseil de l'Etat, cette commune, qualifiée de " bourg préservé " par l'Atlas des paysages de la Sarthe et qui comprend notamment le manoir de la Seigneurie, monument du XVIème siècle inscrit à l'inventaire des monuments historiques par un arrêté du 17 février 1928 pour ses façades et toitures, sera très impactée visuellement par le site éolien depuis sa centralité, depuis son cimetière et depuis ses deux entrées et sorties. L'architecte des bâtiments de France, chef du service territorial de l'architecture et du patrimoine de la Sarthe, a émis cinq avis défavorables, les 12 janvier 2015, 7 juillet 2015, 17 novembre 2015, 14 décembre 2016 et 1er mars 2018. Selon son avis du 17 novembre 2015, le projet d'installation de cinq éoliennes entraînerait une profonde dénaturation du paysage formant le cadre paysager de la commune de Maigné, riche d'un patrimoine de qualité eu égard à un conflit d'échelle entre deux gabarits d'architecture totalement étrangers l'un à l'autre alors que, de plus, le manoir de la Seigneurie sera placé dans le même champ de vision que le parc éolien depuis la route de Pirmil, au sud, de sorte que les aérogénérateurs seront très perceptibles depuis l'édifice et son jardin. Le commissaire enquêteur, qui dit avoir longuement examiné les photomontages produits par le porteur du projet et s'être déplacé sur les points précis de Maigné où ils ont été réalisés, retient, pour émettre un avis défavorable, que le parc éolien, qui s'imposera fortement dans le paysage, aura un caractère prégnant pour la commune de Maigné, dont l'impact, pour le bourg comme pour le manoir, est qualifié de " très fort ". De même, la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) des Pays de la Loire, dans son avis du 26 octobre 2018, a regretté, alors que le bourg de Maigné regroupe potentiellement le plus grand nombre d'habitations riveraines et que des points de vue depuis l'espace public seront impactés, que les photomontages, également produits à l'appui des demandes de permis de construire, ne contiennent pas plus de vues, alors qu'en tout état de cause, celles déjà réalisées permettent d'apprécier l'omniprésence du parc éolien vis-à-vis du bourg alors que l'implantation discontinue des éoliennes, qui résulte de l'obligation de respecter la distance de 500 mètres des habitations et d'autres contraintes techniques, multiplie les points d'appel du regard et participe à une vision confuse du paysage. Ces différents avis, tous défavorables, sont confirmés par les planches n° 24, 25, 26, 48 et 49 du dossier de photomontages réalisé pour le compte de l'exploitant, qui montrent le caractère extrêmement prégnant des aérogénérateurs vis-à-vis du bourg. Selon le commentaire de ce dernier photomontage, " Quatre éoliennes seront perceptibles depuis ce point de vue (mâts, nacelles et pales). / La logique d'implantation n'est pas clairement lisible, avec des écarts très variables entre les aérogénérateurs dans le champ visuel horizontal. / Deux d'entre elles apparaissent dans le même champ visuel que les habitations, générant ponctuellement un effet de rupture d'échelle et d'écrasement ".
6. Dans ces conditions, en raison de la dimension des quatre éoliennes faisant l'objet de l'autorisation d'exploiter, de leur faible distance par rapport au bourg de Maigné, alors que les visions sont lointaines, le parc éolien projeté, qui ne s'intègre pas à l'environnement existant, est de nature à porter atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement tenant à la commodité du voisinage, à la protection des paysages et à la conservation des sites et des monuments. Dès lors, en délivrant l'autorisation sollicitée, le préfet de la Sarthe a méconnu les dispositions de cet article.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'association de préservation du patrimoine chemiréen - ALTEO et autres sont fondés à solliciter l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 27 juin 2019.
Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par la société d'exploitation éolienne Maigné :
8. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. "
9. Compte tenu du motif d'annulation retenu au point 6 et qui porte sur l'atteinte portée par le parc éolien dans son ensemble, à la commodité du voisinage, à la protection des paysages et à la conservation des sites et des monuments, atteinte à laquelle il ne pourrait être remédiée sans apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même, l'arrêté contesté ne peut donner lieu, ni à une annulation partielle, ni à un sursis à statuer dans l'attente de sa régularisation. Par suite, les conclusions de la société d'exploitation éolienne Maigné tendant à la mise en oeuvre des dispositions du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ne peuvent être que rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que l'association de préservation du patrimoine chemiréen - ALTEO et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la société d'exploitation éolienne Maigné soit mise à la charge des requérants, qui n'ont pas la qualité de partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Sarthe en date du 27 juin 2019 délivrant à la société d'exploitation éolienne Maigné une autorisation d'exploiter une installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune de Maigné est annulé.
Article 2 : Les conclusions de l'association de préservation du patrimoine chemiréen - ALTEO et autres tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de préservation du patrimoine chemiréen - ALTEO, représentant unique désigné par Me Y..., mandataire, au ministre de la transition écologique et à la société d'exploitation éolienne Maigné.
Une copie sera adressée au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- Mme D..., présidente assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.
Le rapporteur,
M. AU...Le président,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT04144