Par un jugement n° 1602752 du 6 juillet 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 septembre 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du vice-président désigné du tribunal administratif de Nantes du 31 mai 2016 en tant qu'il rejette les conclusions de sa demande sur lesquelles il a statué ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2016 ;
3°) d'annuler les décisions du 23 février 2016 par lesquelles le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 11 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen précis et approfondi de sa situation personnelle ; elle viole les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'insuffisance de motivation ; elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet s'est prononcé sur sa capacité à voyager sans risque sans indication de l'autorité médicale ; elle est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour ; elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une insuffisance de motivation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 22 août et du 1er septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chollet.
1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien né le 23 août 1987 à El Milia W Jijel (Algérie) est entré en France le 21 janvier 2014 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'il a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien le 26 mars 2013 ; que, par un arrêté du 23 février 2016, le préfet la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ; que M. B...relève appel des jugements des 31 mai et 6 juillet 2016 par lesquels le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces trois décisions ;
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision refusant à M. B...la délivrance d'un certificat de résidence d'un an comporte l'énoncé des motifs de droit ou de fait sur lesquelles elle repose et n'avait pas à préciser les éléments sur lesquels le préfet s'est fondé pour estimer que l'absence de prise en charge médicale de la pathologie que présente le requérant ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que cette pathologie pouvait faire l'objet d'un traitement approprié en Algérie ; que le requérant ne saurait utilement, s'agissant de la régularité formelle de la décision, critiquer le bien-fondé de ses motifs ; que, par suite, le moyen tiré de son défaut de motivation doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen précis et approfondi de la situation personnelle de l'intéressé ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens : " (...)Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) " ;
5. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d' un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
7. Considérant que, par un avis du 10 août 2015, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine ; que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer à M. B...le titre de séjour qu'il demandait au motif qu'il n'est pas établi que le traitement ne puisse se poursuivre de façon approprié dans son pays d'origine où toutes les pathologies sont prises en charge ;
8. Considérant que le préfet de la Loire-Atlantique a justifié de la possibilité pour le requérant de bénéficier en Algérie de la majorité des soins que nécessiterait son état de santé par la production d'un courriel envoyé en 2013 par un agent du service des visas du consulat général de France à Oran, de la fiche sanitaire relative à ce pays datée du 25 octobre 2006, établie par les services de l'Etat et du rapport du Fonds des Nations-Unies pour la population et traitant de l'état du système de santé algérien au cours de la période 2007-2011 ; qu'il ressort de ces documents que l'Algérie dispose d'infrastructures médicales dans lesquelles la majorité des soins est possible et d'une offre de médicaments globalement satisfaisante ; que si M. B...soutient que ces documents ne sont pas suffisamment probants il n'apporte aucun élément de nature à en remettre en cause la teneur ; que s'il se prévaut également de la capacité financière requise pour se procurer un traitement approprié à son état de santé, le préfet fait valoir sans être sérieusement contredit que l'Algérie dispose d'un système d'assurance maladie et que les personnes les plus démunies y bénéficient de l'aide sociale de l'Etat ; que le requérant n'apporte aucune précision qui, dans le respect du secret médical, permettrait au juge d'apprécier si, alors que la majorité des soins est disponible en Algérie, son état de santé justifie la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, le préfet a pu légalement s'écarter de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé et refuser la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité d'étranger malade ;
9. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant, présent en France depuis deux ans à la date de la décision contestée, est célibataire et sans enfant et n'établit pas ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales en Algérie ; que, dans ces conditions, et alors même que ses deux frères vivent en France en situation régulière, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
10. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision relative au séjour doit, compte tenu de ce qui vient d'être dit, être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
12. Considérant, en troisième lieu, que le refus de titre de séjour est suffisamment motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées dans l'arrêté contesté ; que, dès lors, la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée ;
13. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : (...) / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) " ;
14. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'arrêté du 9 novembre 2011 que le médecin de l'agence régionale de santé ne doit indiquer, dans son avis, si l'état de santé de l'étranger ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine que dans le cas où il estime que celui-ci peut bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays ; que dans le cas où ce médecin estime que l'étranger ne peut bénéficier d'un tel traitement et où le préfet entend s'écarter de cet avis et prendre un arrêté par lequel il refuse à l'étranger un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et assortit ce refus d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont l'étranger est originaire, il appartient au préfet, dès lors qu'il lui incombe de vérifier si l'étranger est en capacité de voyager sans risque et en l'absence de tout élément soumis à son appréciation lui permettant d'ores et déjà de se prononcer à cet égard, d'avertir à cette fin l'intéressé de son intention de lui refuser le titre de séjour demandé et de l'inviter à présenter ses observations ; que le préfet n'est toutefois pas tenu à peine d'irrégularité d'inviter expressément l'étranger à mentionner s'il estime se trouver dans l'incapacité à voyager sans risque ; qu'il appartient à l'étranger, s'il s'y croit fondé, de faire état d'une telle incapacité et de produire tout élément, même lorsqu'il entend ne pas lever le secret médical concernant la pathologie dont il souffre, de nature à démontrer cette incapacité ; que, dans le cas où l'étranger fait de telles observations, il appartient alors au préfet, s'il entend maintenir son projet de renvoi de l'étranger dans son pays d'origine, de mentionner dans son arrêté les raisons pour lesquelles il n'estime pas devoir prendre en compte ces observations ; qu'à l'inverse, dans le cas où l'étranger n'a fait aucune observation en ce sens, le préfet est réputé avoir examiné ce point au vu des éléments en sa possession sans avoir à motiver expressément son arrêté sur cette question ;
15. Considérant que dans son avis rendu le 10 août 2015, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas en Algérie de traitement approprié à cet état de santé et ne s'est pas prononcé sur sa capacité à voyager ; que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas lié par cet avis, a averti l'intéressé de son intention de lui refuser le titre de séjour demandé et l'a invité à présenter des observations par un courrier du 19 novembre 2015 ; que
M.B..., qui n'a pas fait état, en réponse à cette demande, de son incapacité éventuelle à voyager sans risque, se borne à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sans avis de l'autorité médicale sur ce point et ne le mentionne pas ; que, toutefois, le préfet de la Loire-Atlantique, qui a régulièrement mis en oeuvre une procédure contradictoire, est réputé avoir apprécié la capacité à voyager du requérant au vu des éléments en sa possession et n'avait pas à l'indiquer expressément dans son arrêté ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. B... pourra être reconduit, qui mentionne que le requérant n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées en cas de retour dans son pays d'origine ou qu'il y serait exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et vise cet article, est suffisamment motivée ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mars 2017.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
S. Aubert
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT03245