Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 décembre 2019, le 6 novembre 2020 et le 16 décembre 2020 (non communiqué), la SAS Altho, représentée par Me Dahan, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer ces décharges ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, il y a lieu d'appliquer la méthode forfaitaire prévue au dernier alinéa du II de l'article 1609 vicies du code général des impôts sinon, en réservant aux seuls importateurs de produits alimentaires cette possibilité, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques ;
- à titre subsidiaire, la méthode dite " des consommations " doit être appliquée ;
- à titre infiniment subsidiaire, la méthode dite " des exonérations " doit être appliquée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 octobre 2020 et 7 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions de la SAS Altho en réduction de droits de taxe spéciale en tant qu'elles portent sur des sommes supérieures à la taxation dont elle est redevable, soit 900 733 euros en droits pour 2011, 793 631 euros en droits pour 2012, 1 138 534 euros en droits pour 2013, 1 159 298 euros en droits pour 2014 et 1 409 080 euros en droits pour 2015 ne sont pas recevables dès lors que ces sommes, qui correspondent à des montants de la taxe, ont été payées par les raffineurs ;
- les moyens soulevés par la SAS Altho ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dahan, représentant la SAS Altho.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Altho, dont l'activité est la fabrication de chips, qu'elle commercialise sous sa propre marque et également sous des marques de distributeurs, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2011 à 2013, à l'issue de laquelle l'administration, par des propositions de rectification des 15 décembre 2014 et 13 mai 2015, selon la procédure de rectification contradictoire, a procédé à des rappels de taxe spéciale sur les huiles végétales du fait de ses acquisitions intracommunautaires d'huiles auprès de fournisseurs espagnols et néerlandais. Le 3 août 2017, l'administration a rejeté sa réclamation du 8 février 2017 par laquelle la société a demandé le remboursement d'une fraction de la taxe assise non seulement sur les huiles acquises auprès de ces fournisseurs, mais également auprès de fournisseurs français au motif que cette fraction avait été établie sur de l'huile qui, au terme du processus de fabrication des chips, ne pouvait pas être regardée comme destinée à l'alimentation humaine. Parallèlement, la SAS Altho a formé le 23 décembre 2016 une réclamation portant sur le même motif pour les années 2014 et 2015. L'administration a admis partiellement cette seconde réclamation en acceptant de lui rembourser, au titre de l'année 2015, un montant de taxe spéciale sur les huiles de 69 393 euros. La société a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, à titre principal, la décharge des droits de taxe spéciale sur les huiles qu'elle a supportés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, à concurrence de 439 523 euros, et au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, à concurrence de 632 131 euros et, à titre subsidiaire, la décharge des droits de taxe spéciale sur les huiles qu'elle a supportés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, à concurrence de 27 702 euros, et au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, à concurrence de 173 937 euros et, d'autre part, à titre principal, la décharge des droits de taxe spéciale sur les huiles qu'elle a supportés au titre de la période du 1er janvier 2011 au
31 décembre 2011, à concurrence de 370 230 euros, au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, à concurrence de 479 079 euros, et au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, à concurrence de 466 640 euros, à titre subsidiaire, la décharge des droits de taxe spéciale sur les huiles qu'elle a supportés au titre de la période du 1er janvier 2011 au
31 décembre 2011, à concurrence de 91 891 euros, au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, à concurrence de 136 064 euros, et au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, à concurrence de 106 371 euros et, à titre infiniment subsidiaire, la décharge des droits de taxe spéciale sur les huiles qu'elle a supportés au titre de la période du
1er janvier 2011 au 31 décembre 2011, à concurrence de 44 425 euros, au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, à concurrence de 53 783 euros, et au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, à concurrence de 45 657 euros. Par un jugement du
16 octobre 2019, dont la SAS Altho relève appel, le tribunal a rejeté les demandes.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par le ministre des finances, de l'économie et de la relance en tant qu'elle concerne les huiles acquises auprès de fournisseurs français :
2. Les conclusions qui concernent les huiles acquises auprès de fournisseurs français qui, alors même qu'ils ont mentionné sur les factures délivrées à une société le montant des taxes spéciale sur les huiles, en ont été les seuls redevables en application des dispositions de l'article 1609 vicies du code général des impôts, ces taxes constituant pour la société requérante uniquement une composante du prix d'acquisition des huiles en cause et non une imposition, ne sont pas recevables. Dès lors, le ministre est fondé à soutenir que les conclusions de la SAS Altho en réduction de droits de taxe spéciale sur les huiles en tant qu'elles portent sur des sommes supérieures à la taxation dont elle est redevable, soit 900 733 euros en droits pour 2011, 793 631 euros en droits pour 2012, 1 138 534 euros en droits pour 2013, 1 159 298 euros en droits pour 2014 et 1 409 080 euros en droits pour 2015 sont irrecevables dès lors que ces sommes qui correspondent à des montants de la taxe, ont été payés préalablement par les raffineurs et non par elle.
Sur le bien-fondé du surplus des conclusions :
3. Aux termes de l'article 1609 vicies du code général des impôts, alors en vigueur : " I. - Il est institué en France métropolitaine, une taxe spéciale sur les huiles végétales, fluides ou concrètes, effectivement destinées, en l'état ou après incorporation dans tous produits alimentaires, à l'alimentation humaine. / Cette taxe est due : / a) Pour les huiles fabriquées en France métropolitaine, sur toutes les ventes ou livraisons à soi-même de ces huiles par les producteurs ; / b) Pour les huiles importées en France métropolitaine (y compris les huiles d'animaux marins qui, pour l'assujettissement à la taxe spéciale, sont assimilées aux huiles végétales alimentaires), lors de l'importation ; / c) Pour les huiles qui font l'objet d'une acquisition intracommunautaire lors de l'acquisition. / II. - Les taux de la taxe sont révisés chaque année au mois de décembre, par arrêté du ministre chargé du budget publié au Journal officiel, en fonction de l'évolution prévisionnelle en moyenne annuelle pour l'année suivante des prix à la consommation de tous les ménages hors les prix du tabac. Les évolutions prévisionnelles prises en compte sont celles qui figurent au rapport économique, social et financier annexé au dernier projet de loi de finances. / Pour les produits alimentaires importés ou qui font l'objet d'une acquisition intracommunautaire incorporant des huiles imposables, la taxation est effectuée selon les quantités et les natures d'huile entrant dans la composition. / Toutefois, pour les produits autres que la margarine, le redevable peut demander l'application d'un tarif forfaitaire, fixé par arrêté du ministre du budget sur des bases équivalentes à celles qui sont retenues pour les produits similaires d'origine nationale. / III. - Les huiles, y compris celles qui sont contenues dans les produits alimentaires visés ci-dessus, exportées de France métropolitaine, qui font l'objet d'une livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter ou d'une livraison dans un lieu situé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne en application de l'article 258 A, ne sont pas soumises à la taxe spéciale. / IV. - La taxe spéciale est établie et recouvrée selon les modalités, ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires. / Sont toutefois fixées par décret les mesures particulières et prescriptions d'ordre comptable notamment, nécessaires pour que la taxe spéciale ne frappe que les huiles effectivement destinées à l'alimentation humaine, pour qu'elle ne soit perçue qu'une seule fois, et pour qu'elle ne soit pas supportée en cas d'exportation, de livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter ou de livraison dans un lieu situé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne en application de l'article 258 A ".
4. Il résulte de ces dispositions que sont redevables de la taxe spéciale sur les huiles les producteurs et importateurs d'huiles destinées à être incorporées dans des produits élaborés pour l'alimentation humaine, à raison des quantités d'huiles produites ou importées, ainsi que les importateurs de produits destinés à l'alimentation humaine qui contiennent des huiles taxables, à raison des quantités d'huiles effectivement présentes dans le produit fini.
5. Le dernier alinéa du II de l'article 1609 vicies du code général des impôts prévoit la possibilité, pour les seuls importateurs de produits alimentaires, de choisir entre une imposition déterminée selon les quantités et les natures d'huile entrant dans la composition des produits importés ou une imposition par application d'un tarif forfaitaire fixé par arrêté du ministre chargé du budget. Ces dispositions imposent au ministre d'arrêter et, en tant que de besoin, d'actualiser les tarifs applicables à l'imposition forfaitaire " sur des bases équivalentes à celles retenues pour les produits similaires d'origine nationale ".
6. En premier lieu, il est constant que la SAS Altho n'est pas un importateur de produits alimentaires. Dès lors, elle ne peut pas se prévaloir de l'application de la méthode forfaitaire prévue au dernier alinéa du II de l'article 1609 vicies du code général des impôts pour obtenir la décharge des rappels de la taxe sur les huiles végétales destinées à la consommation humaine.
7. La société requérante soutient qu'en réservant aux seuls importateurs de produits alimentaires la méthode forfaitaire, les dispositions en cause méconnaissent les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
8. En deuxième lieu, si la SAS Altho revendique, à titre subsidiaire, l'application d'une autre méthode qui est celle dite " des consommations ", cette méthode n'est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire.
9. Enfin, la SAS Altho demande ensuite, à titre plus subsidiaire, l'application de la méthode dite " des exonérations " pour obtenir un remboursement partiel des taxes résultant de la quantité d'huile utilisé pour des chips consommables et commercialisées et celle pour des chips ou des produits qui ne peuvent pas être commercialisées. A cette fin, elle soutient que l'administration doit prendre en compte les quantités d'huile qui n'ont pas été employées du fait de la destruction des chips, de la revente des huiles usagées, des déchets de chips dans le processus de production et des rejets en station d'épuration.
10. Aux termes de l'article 331 N de l'annexe III au code général des impôts, alors en vigueur : " Toute personne qui intervient dans la fabrication ou la distribution des huiles végétales, fluides ou concrètes, des huiles d'animaux marins ou des produits dans lesquels sont incorporées ces huiles est astreinte à la tenue d'une comptabilité matières d'un modèle agréé par l'administration chargée de l'assiette et du recouvrement de la taxe spéciale visée à l'article 1609 vicies du code général des impôts. / La comptabilité matières devra permettre de suivre chronologiquement et par produit, en quantité et en valeur les huiles taxables et les huiles exonérées ou exclues du champ d'application de la taxe spéciale, les huiles utilisées dans la fabrication de produits alimentaires et de produits non destinés à l'alimentation humaine ainsi que la provenance et la destination de ces marchandises. / Cette comptabilité devra, le cas échéant, contenir tous les éléments permettant de déterminer le rendement des graines, fruits oléagineux et autres matières premières utilisées dans la fabrication des huiles mentionnées au premier alinéa, brutes ou consommables ou utilisables en l'état ainsi que, par catégorie, les quantités d'huiles incorporées dans tous produits alimentaires. ". Aux termes de l'article 331 V de la même annexe, alors en vigueur : " La taxe spéciale ayant grevé les huiles qui ont effectivement été utilisées pour un usage autre qu'alimentaire ou qui ont été incorporées à des produits non destinés à l'alimentation humaine peut faire l'objet d'un remboursement. / Ce remboursement est accordé mensuellement aux personnes astreintes aux obligations énoncées à l'article 331 N. / A cet effet, les intéressés doivent souscrire une demande et apporter les justifications nécessaires, notamment en ce qui concerne la destination des produits, les quantités utilisées et le paiement antérieur de la taxe afférente à ces quantités. ".
11. Il résulte de la combinaison des articles 331 N et 331 V de l'annexe III au code général des impôts que pour obtenir le bénéfice d'un remboursement mensuel de la taxe spéciale ayant grevé les huiles qui ont été utilisées pour un usage autre qu'alimentaire ou qui ont été incorporées à des produits qui ne sont pas destinées à l'alimentation humaine, le redevable doit tenir une comptabilité matières.
12. En l'espèce, la SAS Altho, qui disposait de documents tenant lieu de comptabilité matières comme le précise au demeurant un rapport établi par un expert-comptable, doit être regardée comme justifiant la part quantifiable de déchets d'huile, donc d'usage hors alimentation humaine.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Altho est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande à hauteur des droits de taxe spéciale sur les huiles qu'elle a supportés au titre de la période du
1er janvier 2011 au 31 décembre 2011, à concurrence de 44 425 euros, au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, à concurrence de 53 783 euros, et au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, à concurrence de 45 657 euros.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La SAS Altho est déchargée des droits de taxe spéciale sur les huiles qu'elle a supportés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011, à concurrence de 44 425 euros, au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, à concurrence de 53 783 euros, et au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, à concurrence de 45 657 euros.
Article 2 : Le jugement est annulé en tant qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Altho une somme 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Altho et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.
Le rapporteur,
J.E. GeffrayLe président,
F. Bataille
La greffière,
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04767