Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2018, M. et Mme B... A..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification du 3 décembre 2015 est insuffisamment motivée ;
- les dépenses de travaux engagées ont le caractère de travaux d'entretien, de réparation et d'amélioration au sens de l'article 31 du code général des impôts, déductibles au titre des revenus fonciers, et non de dépenses de reconstruction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... A... ont acquis à Cherbourg-Octeville, le 26 septembre 2008, un ensemble immobilier situé au 7 rue du Val de Saire, le 26 janvier 2010, un ensemble immobilier situé au 2/6 rue Amiral Courbet et le 19 novembre 2012 un autre ensemble immobilier à la même adresse en fond de cour. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause, par la proposition de rectification du 3 décembre 2015, la déduction, de leur revenu foncier, des dépenses correspondant aux travaux de restauration de ces biens immobiliers. Par deux réclamations des 1er août 2016 et 3 janvier 2017, M. et Mme A... ont contesté, en vain, les cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014. Ils ont demandé au tribunal administratif de Caen la décharge de ces impositions. Par un jugement du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 3 décembre 2015 comporte la désignation des impôts concernés, de la période d'imposition et de la base d'imposition et énonce suffisamment les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour justifier les rectifications envisagées. En particulier, si elle indique, pour les années 2012, 2013 et 2014 que les intéressés n'ont fourni aucun document permettant de justifier les charges portées en déduction des revenus fonciers, elle mentionne également, au préalable, qu'une demande de justificatifs leur a été adressée le 14 août 2015 et est restée sans réponse, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par les requérants. En outre, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir, comme ils le reconnaissent eux-mêmes, de la motivation de la réponse aux observations du contribuable du 18 avril 2016 à l'encontre de la proposition de rectification. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification du 3 décembre 2015 ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportés par le propriétaire ; (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, au sens de ces dispositions, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui équivalent à une reconstruction. Des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros oeuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable.
En ce qui concerne l'ensemble immobilier situé au 7 rue du Val de Saire à Cherbourg-Octeville :
5. Il est constant que, de 1970 à 2008, le propriétaire de l'immeuble situé au 7 rue du Val de Saire à Cherbourg-Octeville a été assujetti à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la taxe d'habitation selon les éléments figurant dans la déclaration H1 souscrite le 26 septembre 1970. Il ressort de cette déclaration H1 que l'immeuble présentait une surface totale des pièces et annexes affectées exclusivement à l'habitation de 54 m², à laquelle s'ajoutait 26 m² de cellier et 30 m² de grenier. Entre le 23 octobre 1970 et les travaux effectués par M. et Mme A... à partir de la fin de l'année 2008 et en 2009, aucune autre déclaration n'a été souscrite. Les requérants n'apportent aucun élément permettant d'établir que l'immeuble litigieux présentait, avant travaux, une surface habitable supérieure à celle mentionnée dans cette déclaration, se bornant à déduire les surfaces initiales d'après les surfaces réalisées après travaux. Les travaux effectués par M. et Mme A... ont notamment consisté, après démolition des cloisons, des contre-cloisons, des portes intérieures, en la réfection des planchers, des sols, en la redistribution des surfaces et la création de deux appartements au rez-de-chaussée d'une surface de 40,5 m2 et 36,5 m², d'un appartement au premier étage d'une surface de 39 m², d'un appartement au deuxième étage d'une surface de 39 m² et d'un appartement de 38 m2 au dernier étage. Ces travaux, qui ont porté la surface habitable de l'immeuble de 110 m² à 193 m² équivalent, par leur importance, à une reconstruction. A supposer même que certains travaux pris isolément puissent être regardés comme des travaux ayant occasionné des charges déductibles au sens des dispositions citées au point 4, ils ne sont toutefois pas dissociables de l'opération d'ensemble. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions de l'article 31 du code général des impôts que l'administration fiscale a refusé de prendre en compte le montant de l'ensemble des travaux pour la détermination des revenus fonciers de M. et Mme A....
En ce qui concerne l'immeuble situé au 2/6 rue de l'Amiral Courbet et au 55 rue de l'Abbaye :
6. En premier lieu, il résulte de la déclaration H2 souscrite en 1970 que l'immeuble situé au 2/4 rue de l'Amiral Courbet était constitué de deux bâtiments, le premier, composé de deux logements, d'une surface de 91 m2 et le second, composé de cinq logements (13 m2, 14 m2, 12 m2, 35 m2 et 44 m2), d'une surface de 118 m2, soit 209 m2 au total. Après les travaux effectués en 2010 et 2011 par M. et Mme A..., cinq appartements ont été réalisés (48 m2, 37 m2, 47 m2, 25 m2 et 45 m2), d'une surface totale de 202 m2. Dès lors, les travaux n'ont pas eu pour conséquence d'accroître la surface habitable. Toutefois, les requérants, à qui incombe la charge de la preuve, n'ont fourni aucune facture de nature à établir le montant et la nature des travaux ou, au moins, des matériaux utilisés. En outre, ils se sont bornés à produire des photographies de l'extérieur de l'immeuble. Par conséquent, ils n'établissent pas que les travaux effectués n'ont pas affecté le gros oeuvre et que le montant de ces travaux était déductible pour la détermination de leur revenu net.
7. En second lieu, il est constant que le bâtiment situé au n° 6 était un local commercial (librairie) de 53 m2 qui, par les travaux en cause effectués en 2010 et 2011, a été transformé en logement de la même surface. Ainsi, ce changement de destination doit être regardé comme la création d'un nouveau local d'habitation, assimilable à des travaux de reconstruction au sens des dispositions citées au point 4 et le montant des travaux le concernant n'était pas déductible pour la détermination du revenu net des requérants.
En ce qui concerne l'immeuble situé au 6 rue Amiral Courbet (en fond de cour) et impasse Leflammand :
8. Si les requérants soutiennent que les travaux effectués en 2013 et 2014 sur l'immeuble situé au 6 rue Amiral Courbet en fond de cour n'ont entraîné ni augmentation de la surface habitable ni modification notable du gros oeuvre, il est constant qu'ils n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations, alors qu'il appartient au contribuable qui entend déduire de son revenu brut les dépenses constituant, selon lui, des charges de la propriété, de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
P. C...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 18NT03135 2
1