1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 6 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Manche à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de le munir d'un récépissé le temps du réexamen de sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me C... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- il est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant interdiction de retour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. D... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... E..., de nationalité soudanaise, est entré en France le 1er juillet 2016 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 5 octobre 2018. Le 14 décembre 2018, il a présenté une demande d'admission au séjour à titre exceptionnel. Par un arrêté du
15 mai 2019, le préfet de la Manche a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 6 novembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. D... E... fait appel de ce jugement.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse et de l'absence d'examen complet de la situation de M. D... E..., que ce dernier reprend en appel sans apporter de nouvel élément.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que si le requérant, entré en France en 2016, vit en couple avec une ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant et s'est marié, ces circonstances sont postérieures à la décision litigieuse. En outre, il n'établit pas, en produisant des documents d'ordre général, être personnellement menacé en cas de retour au Soudan du seul fait de son appartenance à l'ethnie arabe djemaya, sa demande d'asile ayant d'ailleurs été rejetée par les instances chargées de l'asile. Les seules circonstances qu'il parle couramment français, est titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée, puis d'une promesse d'embauche et qu'il a effectué des activités de bénévolat, ne peuvent être regardées comme des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
5. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4, les liens d'ordre privé et professionnel du requérant en France étant très récents ou postérieurs à la décision contestée et M. D... E... n'étant pas dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :
8. En premier lieu, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet.
9. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse prononçant une interdiction de retour sur le territoire français, qui vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la durée de la présence en France de M. D... E... ainsi que la nature et l'ancienneté de ses liens sur le territoire français. Si cette décision mentionne que l'intéressé était célibataire, il n'est pas établi que la relation de concubinage existait avant la décision contestée, le requérant reconnaissant lui-même qu'il a emménagé avec sa compagne en juillet 2019. Cette décision comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
10. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 4 et 5.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté, par le jugement attaqué, sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
P. A...
Le président,
F. BatailleLa greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04759