Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 juillet 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'ordonner au préfet du Calvados de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le préfet du Calvados a estimé qu'elle ne remplissait pas la condition de revenu relative à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et s'en rapporte, pour l'essentiel, à ses écritures de première instance.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... C..., ressortissante ivoirienne née le 2 avril 1995 à Adjame (Côte d'Ivoire), a déclaré être entrée en France le 23 décembre 2015 munie d'un visa. Elle a obtenu, en sa qualité d'étudiante, deux cartes de séjour temporaire valables du 28 février 2018 au 26 septembre 2019. Saisi d'une demande de renouvellement de ce titre de séjour, le préfet du Calvados a pris à son encontre un arrêté du 21 octobre 2019 lui refusant la délivrance du titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 1902640 du 18 mars 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. / Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre Etat d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable. ". Aux termes de l'article 14 de la même convention : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par les législations respectives des deux Etats ". Aux termes du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". (...) ".
3. Il résulte des stipulations précitées de l'article 14 de la convention franco-ivoirienne que l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants ivoiriens désireux de poursuivre leurs études en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cette convention. Par suite, l'arrêté du 21 octobre 2019 du préfet du Calvados ne pouvait être pris sur le fondement de l'article
L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
5. En l'espèce, la décision de refus de délivrance du titre de séjour portant la mention " étudiant " en litige trouve son fondement légal dans les stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne. Ces stipulations peuvent, ainsi que le tribunal, préalablement à l'intervention du jugement attaqué, en a informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, être substituées à celles de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver Mme C... d'une garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un ou l'autre de ces deux textes. Par conséquent, il y a lieu de procéder à cette substitution de base légale.
6. Il résulte des dispositions de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du gouvernement français, applicables aux étudiants sollicitant le renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne précitée, que pour justifier de la possession de moyens d'existence suffisants, l'étudiant doit disposer de ressources équivalentes à 615 euros par mois.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a perçu, entre le mois d'octobre 2018 et août 2019, l'aide spécifique annuelle de 5 551 euros, ainsi qu'un complément de grande vacances de 1 110 euros. Elle a donc touché, au cours de cette période, une somme de 555 euros mensuelle. Au cours des mois de septembre et d'octobre 2019, elle percevait également l'aide spécifique annuelle 2019/2020, d'un montant de 5 612 euros, soit 467 euros par mois. En 2018, Mme C... a déclaré 1237 euros de salaires, soit 103 euros par mois en octobre 2018 et décembre 2018. En 2019, Mme C... a déclaré 889 euros de salaires, soit 74 euros par mois entre janvier et octobre 2019. Au cours de la période des douze mois précédant la décision contestée, l'appelante a ainsi perçu 7 459 euros, soit 621 euros par mois. Elle justifiait donc de moyens d'existence suffisants. Dès lors, doit être accueilli le moyen tiré de ce que c'est à tort que le préfet du Calvados lui a opposé cette condition.
8. Le préfet du Calvados s'est également fondé, pour refuser la délivrance du titre séjour, sur le fait que Mme C... ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de ses études. Si les bulletins scolaires de la première année de BTS font en effet état d'un travail et de résultats insuffisants, il ressort cependant du bulletin du deuxième semestre que Mme C... a été admise en deuxième année de BTS. Dans ces conditions, le préfet du Calvados a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en considérant, pour refuser de renouveler son titre de séjour, que la première année d'études supérieures suivie par l'intéressée ne démontrait pas le caractère sérieux des études entreprises.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2019 implique que le préfet du Calvados réexamine sa demande dans un délai d'un mois.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me B..., conseil de Mme C..., d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902640 du 18 mars 2020 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Calvados du 21 octobre 2019 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Calvados de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021.
Le rapporteur,
H. A...Le président,
O. Couvert-CastéraLa greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 20NT02230