Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 avril 2016 et un mémoire enregistré le 2 juin 2016, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er avril 2016 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre du préfet de la Mayenne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me C... en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2016, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M. A...par une décision du 5 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Delesalle.
1. Considérant que M. A..., ressortissant guinéen né en 1987, déclare être entré en France le 26 décembre 2009 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 17 mars 2011 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 16 avril 2012 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il a bénéficié, jusqu'au 9 octobre 2015, de titres de séjour délivrés sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il a demandé au préfet de la Mayenne la délivrance d'un nouveau titre de séjour sur le même fondement ou sur celui de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 22 décembre 2015, le préfet de la Mayenne a refusé de faire droit à ses demandes, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Guinée comme pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ; que M. A...en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Nantes, lequel, par un jugement du 1er avril 2016 dont il relève appel, a rejeté sa demande ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision, qui comporte les motifs de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée, alors même qu'elle ne précise pas les éléments sur lesquels le préfet s'est fondé pour s'écarter de l'avis favorable au demandeur émis par le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...). / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;
4. Considérant que si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé pour prendre une décision de refus de délivrance de carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il lui appartient néanmoins, si ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et que l'intéressé ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à écarter cet avis médical ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'un syndrome anxio-dépressif ; que contrairement à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire, le préfet de la Mayenne a estimé que des substances substituables aux médicaments qui sont prescrits au requérant étaient disponibles dans les centres de soins et hôpitaux de Guinée ; que le requérant n'apporte aucun élément de nature à contredire la possibilité de procéder à cette substitution, laquelle est confirmée par des documents extraits de la base de données en ligne des prescripteurs libéraux ; qu'en outre, la disponibilité des médicaments de substitution est corroborée par la liste nationale des médicaments essentiels établie en 2012 par le ministère de la santé et de l'hygiène publique de Guinée dont l'obsolescence, à la date de la décision, n'est pas établie ; qu'enfin, il ressort des documents produits par le préfet que la Guinée dispose d'infrastructures sanitaires adaptées aux troubles psychologiques et psychiatriques ; que le préfet pouvait se fonder sur l'ensemble de ces éléments quand bien même ils n'auraient pas été soumis à un médecin, et notamment au médecin de l'agence régionale de santé ; que le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des deux derniers alinéas de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement " ;
7. Considérant que M. A...soutient que, souffrant d'une hypertension artérielle sévère qu'il ne pourrait pas effectivement faire soigner en Guinée et ses troubles psychologiques étant dus aux forces armées guinéennes toujours présentes, il justifie de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens de ces dispositions ; que, néanmoins, la gravité de l'hypertension artérielle et l'origine du traumatisme du requérant ne sont pas établies ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors et en tout état de cause, être écarté ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...). " ;
9. Considérant que en se bornant à soutenir qu'il serait exposé en Guinée à des risques de persécution en raison de son appartenance politique et qu'il justifie d'une activité professionnelle régulière en qualité d'ouvrier d'abattoir ou d'employé d'usine de nettoyage, disposant en dernier lieu d'une promesse d'embauche établie le 30 mai 2016, au demeurant postérieure à la décision contestée, M. A...ne fait valoir aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel de nature à justifier que lui soit accordée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A... et de la méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 10, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté ;
12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
13. Considérant que M. A...se prévaut de ce que ses deux parents étant décédés, il n'a plus d'attaches familiales en Guinée, et de ce qu'il est bien intégré à la société française ainsi que l'établissent les attestations de voisins qu'il produit, le fait qu'il a eu une activité professionnelle avant le refus de renouvellement de son titre de séjour et le paiement de ses loyers et de ses impôts ; que, toutefois, le requérant est célibataire et sans enfant et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Guinée où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans ; que, dans ces conditions, le refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté ;
14. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. A...;
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. Considérant que M. A..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il encourrait, en cas de retour en Guinée, des risques pour sa vie ou sa liberté ou qu'il y serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants compte tenu, notamment, du changement politique intervenu depuis son départ ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2015 du préfet de la Mayenne ; que, doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 décembre 2016.
Le rapporteur,
H. DelesalleLe président,
S. Aubert
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00576