Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 mai 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 avril 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du 17 décembre 2015 par lesquelles le préfet de la Sarthe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 11 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'insuffisance de motivation et d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle viole les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que son droit à la santé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'insuffisance de motivation et d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2016, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chollet.
1. Considérant que M.B..., ressortissant congolais né le 28 novembre 1984 à Brazzaville (République du Congo), déclare être entré irrégulièrement en France le 3 janvier 2012 ; que sa demande de statut de réfugié a été rejetée par une décision du 18 février 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 19 décembre 2013 ; qu'il a sollicité le 12 mars 2013 un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que sa demande a été rejetée par une décision du 22 mai 2013 ; qu'il a à nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade le 31 décembre 2013 ; que, par des décisions du 28 avril 2014, le préfet de la Sarthe lui a refusé la délivrance d'un tel titre, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, décisions confirmées par un jugement du 26 novembre 2014 et un arrêt de la Cour du 24 novembre 2015 ; que M. B...a, pour la troisième fois, sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il relève appel du jugement du 8 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 17 décembre 2015 par lesquelles le préfet de la Sarthe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloigné ;
Sur les moyens communs aux différentes décisions :
2. Considérant que le requérant se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, le moyen invoqué en première instance, tiré de l'insuffisance de motivation des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ;
4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d' un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...souffre de troubles psychiatriques et plus précisément d'une pathologie à type de psychonévrose post-traumatique et qu'il suit un traitement médicamenteux constitué de psychotropes ;
7. Considérant que, par un avis du 22 septembre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de M.B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine ; que le préfet de la Sarthe, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer à M. B...le titre de séjour qu'il demandait au motif qu'il ressort des informations récentes transmises par l'ambassade de France à Brazzaville que les pathologies psychiatriques sont soignées en République du Congo et que les médicaments y sont disponibles ;
8. Considérant que le préfet a produit devant les premiers juges une fiche " offre de soins au Congo Brazzaville " élaborée en 2006, qui mentionne l'existence d'une prise en charge psychiatrique en République du Congo et la disponibilité d'antidépresseurs et anxiolytiques ; que M.B..., en invoquant des considérations générales sur le système de santé en République du Congo et en produisant deux articles parus sur Internet les 3 septembre 2012 et 20 août 2014, ne conteste pas utilement les éléments apportés par le préfet sur la disponibilité d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine ; que, par suite, en rejetant la demande de titre de séjour sollicitée par M. B..., le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est célibataire et sans enfant à charge sur le territoire français ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne justifie pas de l'impossibilité de bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie en République du Congo ; qu'il ne justifie pas être sans attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans alors qu'il ressort des termes non contestés de la décision en litige qu'y réside son fils, né le 10 mai 2008 ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté ;
10. Considérant que si le requérant soutient que la décision contestée méconnaît son droit à la santé, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 8, qu'il existe un traitement approprié à sa pathologie en République du Congo ; que le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté ;
11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le requérant est célibataire et sans enfant à charge sur le territoire français et ne justifie pas de l'impossibilité de bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie en République du Congo ; qu'il ne peut utilement se prévaloir de son impécuniosité et du coût élevé de son traitement médical en République du Congo ; que s'il soutient que le trouble post-traumatique dont il souffre l'empêche de retourner dans son pays d'origine dès lors que les sévices qu'il aurait subis en sont à l'origine, il n'établit pas la réalité de ses allégations ; qu'au surplus, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile lui ont refusé la qualité de réfugié ; que, par suite, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
12. Considérant, enfin, que le requérant ne peut utilement se prévaloir de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour qui ne constitue pas une mesure d'éloignement ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. Considérant, en premier lieu, que l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour n'étant pas établie, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, doit être écarté ;
14. Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8, 10 et 11, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
15. Considérant, enfin, que le requérant ne peut utilement se prévaloir de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, qui ne constitue pas une mesure d' éloignement ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. Considérant, en premier lieu, que la décision fixant le pays de destination a été signée par M. Baron, secrétaire général de la préfecture de la Sarthe, qui disposait d'une délégation consentie par un arrêté du préfet de ce département en date du 26 mai 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Sarthe, à l'effet notamment de signer " tous les arrêtés, décisions, circulaires, et avis relevant des attributions de l'Etat dans le département ", à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions de refus fixant le pays de destination ; que dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
17. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé ;
18. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
19. Considérant que si M. B...soutient qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en République du Congo dès lors, d'une part, qu'il ne peut avoir accès à un traitement dans son pays d'origine, d'autre part, qu'il a déjà subi des sévices moraux et corporels qui expliquent pour partie ses troubles psychiatriques actuels, qu'il a été incarcéré le 20 novembre 2011 en République du Congo et s'est enfui de prison ; que, toutefois, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu'un traitement approprié à sa pathologie existe dans son pays d'origine, d'autre part, il ne justifie pas la réalité des menaces à son intégrité physique auxquelles il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'au surplus, sa demande tendant à obtenir le statut de réfugié a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle, doivent être écartés ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être écartés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 décembre 2016.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT01446