Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mai 2017 et le 15 janvier 2018, la SARL Inexor, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle réalise des activités économiques au sens de la directive 2006/112/CE et de l'article 256 A du code général des impôts au titre des exercices en litige et peut ainsi exercer son droit à déduction en qualité d'assujettie ; la réalisation à titre occasionnel d'une opération économique ne fait pas obstacle à la reconnaissance de la qualité d'assujetti ; outre la prise de participation dans des sociétés, elle effectue des prestations de services pour ses filiales ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ne peut être remis en cause quand bien même aucune opération taxée n'est effectuée selon la Cour de justice des communautés européennes ;
- dans l'hypothèse où l'opération réalisée en 2009 n'était pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et n'ouvrait pas droit à déduction, elle demande la restitution de la taxe indûment collectée et reversée au Trésor en 2009 à hauteur de 4 916 euros ;
- la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée en décembre 2011 est recevable par application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales et est fondée.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 1er décembre 2017 et le 15 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de
7 348 euros est tardive ;
- les autres moyens invoqués par la SARL Inexor ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Inexor, dont l'objet est la prise de participations dans toute société et réalisation de prestations, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2012. La SARL Inexor relève appel du jugement du 31 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2012.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) ". Aux termes de l'article 256 A du code général des impôts, pris pour adaptation de la législation nationale à la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et notamment son article 9 : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...) ". La notion d'activité économique ne concerne pas des activités exercées à titre occasionnel, sauf option exercée en ce sens par un Etat membre en application de l'article 12 de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 qui énonce que " les Etats membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l'article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes : / a) la livraison d'un bâtiment ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation ; / b) la livraison d'un terrain à bâtir. / (...) ". La France n'a cependant pas usé de cette faculté.
3. D'autre part, il résulte de l'article 168 de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 que, si la simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être regardées comme des activités économiques au sens de la directive, conférant à leur auteur la qualité d'assujetti, il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d'une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles des participations sont détenues, par la mise en oeuvre de transactions soumises à la taxe, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques à ces sociétés.
4. La SARL Inexor soutient avoir effectué des activités économiques de prestations de service à l'égard de ses filiales et plus particulièrement des prestations liées " à l'étude, au conseil, à la préparation, aux formalités de dépôt et, de manière plus générale, à toutes diligences à accomplir en vue d'obtenir un permis de construire " au profit de la société civile immobilière (SCI) du Lac Sorel en 2009. Toutefois, il résulte de l'instruction que la SARL Inexor, société holding, qui n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés mères prévu à l'article 145 du code général des impôts, n'a pas conclu avec l'ensemble des sociétés, dans lesquelles elle détient des participations, des conventions de prestations de services. Il est constant que, mis à part l'opération ponctuelle réalisée en 2009, aucun chiffre d'affaires n'a été généré par les services qu'elle prétend avoir rendu à ses filiales. En outre, la réalisation d'une seule opération à titre onéreux en 2009 ne saurait à elle seule donner la qualité d'assujettie à la requérante alors qu'au demeurant les factures produites pour en justifier ne remplissent pas les conditions de forme prévues par l'article 289 du code général des impôts et l'article 242 nonies de l'annexe II au même code et ne permettent pas de justifier de la réalité des prestations et de sa nature économique au sens de l'article 256 A du code général des impôts, tout comme la production d'un procès-verbal d'assemblée générale du 30 juin 2009. La SARL Inexor ne peut ainsi être regardée comme s'immisçant dans la gestion de ses filiales et exerçant, en sa qualité de société holding, une activité économique entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Est sans incidence à cet égard la circonstance qu'elle a conclu un bail commercial avec la SCI BSM ou qu'elle rémunère les frais de déplacement de son dirigeant. Dans ces conditions, les dépenses de gestion et les dépenses liées à la promotion d'opérations immobilières pour les sociétés dans lesquelles elle détient des participations, exposées par la SARL Inexor et grevées de la taxe sur la valeur ajoutée, ne font pas partie de ses frais généraux et ne sont pas des éléments constitutifs de services qu'elle fournirait en qualité d'assujettie. La SARL Inexor n'était dès lors pas fondée à déduire de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2012.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures. / (...) ". Le droit à déduction, qui prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le fournisseur, reste acquis, dès lors que l'assujetti s'est acquitté du prix des biens ou services et détient une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée, alors même que les premières dépenses sont effectuées pour les besoins de l'activité économique d'une société qui n'a pas encore effectivement débuté mais pour laquelle l'assujetti s'identifiera à la taxe sur la valeur ajoutée dans un délai raisonnable à partir de la réalisation des opérations donnant lieu au droit à déduction.
6. La SARL Inexor se prévaut de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 29 février 1996, INZO, aff. 110/94 et de ce que le droit à déduction d'une taxe sur la valeur ajoutée ne peut être remis en cause alors même qu'aucune opération taxée n'a été effectuée. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle a manifesté son intention d'exercer une activité économique et a engagé des dépenses en ce sens. Le moyen doit être écarté.
7. En troisième lieu, la SARL Inexor n'est pas fondée, en tout état de cause, à se prévaloir d'une activité économique de mandataire auprès de sociétés tierces pour l'année 2009, au surplus non établie par les pièces du dossier, pour obtenir la déduction de taxe sur la valeur ajoutée afférentes à des frais généraux exposés au profit de sociétés dans lesquelles elle détient des participations.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 283 du code général des impôts : " (...) / 3. Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. / (...) ".
9. Il est constant que la SARL Inexor a facturé de la taxe sur la valeur ajoutée à la SCI du Lac Sorel à hauteur de 4 916 euros en 2009. La SARL Inexor demande, à titre subsidiaire, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi collectée à tort. Toutefois, elle était redevable de la taxe du seul fait de cette facturation, conformément aux dispositions du 3 de l'article 283 du code général des impôts. Au surplus, la SARL Inexor n'allègue pas avoir envoyé à son destinataire une facture rectifiée ne mentionnant pas la taxe sur la valeur ajoutée, et avoir ainsi complètement éliminé, en temps utile, le risque de pertes de recettes fiscales. Le moyen doit par suite être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, pris en application du 1 de l'article 273 de ce code : " I. - Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission (...) / (...) ". Aux termes de l'article R.196-3 du livre des procédures fiscales : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ".
11. La SARL Inexor a demandé sur sa déclaration CA3 du mois de décembre 2011 le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 19 869 euros. Il est constant que le crédit en litige d'un montant de 7 348 euros provient d'une régularisation de taxe intervenue à la suite d'un contrôle de comptabilité antérieur de la société Inex-Bat qu'elle a absorbée le 31 décembre 2011 avec effet rétroactif au 1er janvier 2011. La SARL Inexor soutient que ce crédit correspond à de la taxe déductible sur des travaux réalisés en 2008 que la société Inex-Bat a omis de mentionner sur ses déclarations CA3 au titre des années 2008 et suivantes et que la proposition de rectification reçue le 19 mars 2010 a interrompu le délai de prescription en application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ainsi que, par voie de conséquence, le délai de péremption fixé à l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts la taxe sur la valeur ajoutée, dont la déduction a été omise par la société Inex-Bat en 2008 à hauteur de 7 348 euros, pouvait être portée sur ses déclarations ultérieures au plus tard le 31 décembre 2010. Eu égard à ces dispositions impératives, et ainsi que le ministre le fait valoir en défense, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont était frappé de péremption au titre de la période litigieuse lorsque la SARL Inexor s'en est prévalue en décembre 2011. L'intéressée ne peut, pour échapper aux dispositions de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, qui instaurent un délai de péremption du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, invoquer celles de l'article R.196-3 du livre des procédures fiscales permettant au contribuable ayant fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de présenter une réclamation dans un délai égal à celui dont dispose l'administration, soit en l'espèce jusqu'au 31 décembre de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle la proposition de rectification du 23 novembre 2012 lui a été notifiée. Le moyen doit par suite être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Inexor n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Inexor est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Inexor et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2018.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No17NT01684