Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mars 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de renouveler son titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 11 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier, ont commis une erreur manifeste d'appréciation et n'ont pas examiné sa situation personnelle ;
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-12 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une insuffisance de motivation ; elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2018, le préfet de Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance et que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet ;
- et les observations de MeB..., représentant MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante sénégalaise née le 8 janvier 1976 à Tivouane (Sénégal), est entrée en France le 18 juillet 2015 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité de conjoint de Français valable du 30 avril 2015 au 30 avril 2016. Ce titre lui a été renouvelé jusqu'au 30 avril 2017. La requérante a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour par courriers des 30 mars 2017, 7 avril 2017 et 3 juillet 2017 et a demandé, à titre subsidiaire, un changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève appel du jugement du 2 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2017 par lequel le préfet de Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour précise les éléments de fait et de droit sur lesquels elle est fondée et est, par suite, suffisamment motivée. La circonstance que cette décision ne mentionne pas les circonstances que la requérante invoque est, en tout état de cause, sans influence sur sa motivation dès lors qu'elle ne saurait utilement, s'agissant de la régularité formelle de la décision contestée, critiquer le bien-fondé des motifs sur lesquels elle repose.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procéder à un examen précis et approfondi de la situation personnelle de l'intéressée.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; " . Aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) / Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". / (...) ".
5. Il est constant que Mme A...a épousé un ressortissant français le 31 août 2014 à Bamako au Mali et que l'acte de mariage a été transcrit sur les registres de l'état civil en France le 5 janvier 2015. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie a cessé au plus tard en juillet 2016, période au cours de laquelle son conjoint a résilié le bail du logement commun sans l'en avertir. Mme A...s'est prévalue des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en soutenant qu'elle a été victime de violences conjugales de la part de son conjoint, à savoir des propos dénigrants et dégradants à son égard ainsi que des violences physiques et notamment des rapports sexuels non consentis. Toutefois, la main courante déposée le 5 septembre 2016, soit après la requête en divorce déposée par son conjoint le 13 juillet précédent, ne fait que relater ses propres dires selon lesquels son conjoint l'aurait insultée. Le certificat médical d'un médecin généraliste du 23 mars 2017 se borne à faire état de deux consultations pour syndrome dépressif. Par ailleurs, l'attestation d'une assistance sociale du 30 mars 2017 précise uniquement avoir rencontré l'intéressée à plusieurs reprises entre le 31 août 2016 et le 2 février 2017. L'ensemble de ces éléments, ainsi que les articles de presse ou publiés sur internet à caractère général sur les violences conjugales, ne suffisent pas à tenir pour établies les violences dont elle dit avoir été victime alors que l'ordonnance de non-conciliation du 30 janvier 2017 fait état de l'acceptation des deux époux au principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En quatrième lieu, MmeA..., entrée en France depuis deux ans à la date de l'arrêté contesté, séparée de son époux et sans charge de famille, ne soutient pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales au Sénégal ou au Mali. Dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".
8. Il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste établie au plan national par l'autorité administrative, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
9. La requérante ne fait état d'aucun élément de sa vie personnelle, telle que décrite aux points 5 et 6 du présent arrêt, pouvant constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si elle soutient avoir travaillé en qualité de femme de ménage de mars à août 2016, puis en qualité d'agent d'entretien au sein de la société Nantes Propreté Services depuis septembre 2016 ainsi qu'au sein de la société Carrard depuis mars 2017, elle ne justifie, en tout état de cause, ni que cet emploi serait caractérisé par des difficultés de recrutement ni qu'elle bénéficierait de qualifications, d'expériences ou d'une ancienneté propres à constituer un motif exceptionnel d'admission au séjour. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5, 6 et 9 du présent arrêt, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procéder à un examen précis et approfondi de la situation personnelle de l'intéressée.
13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6, 9 et 10 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision fixant le pays de destination.
15. En deuxième lieu, la décision contestée vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique la nationalité sénégalaise de la requérante. Les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas, quant à elles, à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure. La décision contestée précise que la requérante n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées dans son pays d'origine ou qu'elle y serait exposée à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dans la mesure où l'intéressée n'a jamais sollicité son admission au séjour au titre de l'asile depuis son entrée en France et qu'elle n'a apporté aucun élément quant à des risques éventuels en cours de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée manque en fait et doit être écarté.
16. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen précis et approfondi de la situation personnelle de l'intéressée.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2018.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT01095