Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2017, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée, méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire n'est pas suffisamment motivée et est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- le jugement attaqué a omis d'examiner le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de destination ; cette décision n'est pas suffisamment motivée et est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée et méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée et est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Une mise en demeure a été adressée le 1er août 2018 au préfet de la Loire-Atlantique.
Un mémoire présenté par le préfet de la Loire-Atlantique a été enregistré le 12 novembre 2018.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de son interpellation et de sa garde à vue pour des faits de tentative de vol le 2 octobre 2017, M.C..., ressortissant algérien, a fait l'objet, d'une part, d'un arrêté du 3 octobre 2017 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligé à quitter le territoire français au motif qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré au sens des dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et, d'autre part, d'un arrêté pris par la même autorité administrative à la même date et l'assignant à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelable une fois. M. C...relève appel du jugement du 6 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise notamment le 2° du I de l'article L. 511-1, les II et III de l'article L. 511-1 et l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé, précise notamment que le requérant s'est maintenu en France après l'expiration de son visa d'entrée de court séjour sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré et qu'il entre ainsi dans le champ d'application du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait état de la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Il mentionne également que M. C...est défavorablement connu des services de police depuis 2016, a fait l'objet précédemment d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a été condamné par le tribunal correctionnel de Nantes le 28 novembre 2016. Il rappelle que M. C...n'a effectué aucune démarche pour solliciter la délivrance d'un titre de séjour en tant qu'étranger malade. Il indique que M. C...est célibataire et sans enfant, même si l'intéressé déclare vivre avec une ressortissante française avec laquelle il aurait un projet de mariage. Il résulte de ces éléments que la décision par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a fait obligation au requérant de quitter le territoire français comporte l'énonciation des considérations de droit et de fait qui la fondent et est donc suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). ".
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la pathologie affectant les nerfs du bras gauche de M. C...nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé ne pourrait pas suivre un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, si M.C..., né en 1983, fait valoir un projet de mariage civil avec une ressortissante française qu'il a rencontrée " courant printemps 2017 " après la célébration d'un mariage religieux le 6 octobre 2017, ces circonstances sont récentes, comme son entrée en France en décembre 2014, soit moins de trois années à la date du 3 octobre 2017. En outre, l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales en Algérie où résident notamment son père et ses soeurs. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la brève durée et des conditions de séjour de M. C...en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 5 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
7. D'une part, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence.
8. D'autre part, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible . (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...). ".
9. L'arrêté par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a fait obligation à M. C...de quitter sans délai le territoire français vise le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et énonce qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à son obligation de quitter le territoire français dans la mesure où il s'est maintenu au-delà de la durée de validité de son visa d'entrée, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement en date du 7 avril 2016, a dissimulé des éléments de son identité et de sa nationalité, s'est présenté sous plusieurs identités et ne s'est pas rendu à une convocation des services de police le 14 août 2017. Cet arrêté comporte ainsi les éléments de droit ou de fait qui fondent la décision de ne pas accorder au requérant un délai de départ volontaire, laquelle est, par suite, suffisamment motivée.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. A l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de Nantes, M. C...soutenait que la décision fixant le pays de destination n'était pas motivée. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, et a ainsi entaché sur ce point son jugement d'une irégularité. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement dans cette mesure.
11. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement et, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
12. D'une part, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
13. D'autre part, la décision contestée, qui vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que, d'ailleurs, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique la nationalité algérienne de M. C...et précise que l'intéressé n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacées dans son pays d'origine ou qu'il y est exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne dans la mesure où il a déclaré s'être désisté de sa demande d'asile et ne fait pas état de risques en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination ne serait pas suffisamment motivée ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français de deux ans :
14. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ( ...) / Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
15. L'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans prononcée à l'encontre de M. C...est motivée notamment par la durée de sa situation irrégulière en France, l'existence d'une menace à l'ordre public dans la mesure où il est défavorablement connu des services de police et de justice, la circonstance qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement édictée en 2016 et l'absence de liens suffisamment forts et anciens en France dès lors que sa relation avec une ressortissante française est récente. Cette décision n'est donc pas entachée d'une insuffisance de motivation.
16. Eu égard aux motifs rappelés au point précédent du présent arrêt, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans ne méconnaît pas les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni dans son principe ni dans sa durée.
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle a poursuivis, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
18. D'une part, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence.
19. D'autre part, la décision portant assignation à résidence vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que la décision portant obligation de quitter le territoire, et énonce notamment que l'intéressé justifie d'une adresse stable et a remis son passeport, qu'il lui en a été remis un récépissé conformément à l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. C...présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français en attente de son exécution effective et que l'exécution de quitter le territoire français dont M. C...fait l'objet demeure une perspective raisonnable. Une telle motivation, qui comporte les considérations de droit et de fait permettant à 1'intéressé de connaître, à la lecture de l'arrêté, les raisons pour lesquelles il fait l'objet d'une décision d'assignation à résidence, est suffisante. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. C...devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination doivent être rejetées et que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 6 octobre 2017 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. C... dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- Mme Malingue, premier conseiller.
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le président-rapporteur,
J.-E. GeffrayL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
F. Malingue
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03419