Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2018, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas motivée, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tant sur le plan de la vie privée et familiale que sur le plan professionnel et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le tribunal administratif ne répond pas au moyen tiré de ce que le préfet de la Vendée n'a pas procédé à un examen de la situation de ses enfants mineurs qui étaient concernés par la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée, est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, méconnaît les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée et méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet n'a pas examiné ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2018, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les observations de MeB..., représentant MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., de nationalité géorgienne, dont la demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 septembre 2016 et la cour nationale du droit d'asile le 23 janvier 2017, a sollicité le 26 avril 2017 un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 24 mai 2017, le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a astreinte à se présenter au commissariat de police de La-Roche-sur-Yon afin de justifier des diligences accomplies en vue de son départ et a fixé le pays dont elle a la nationalité comme pays de son renvoi. Par un jugement du 24 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a, à l'article 1er, annulé l'article 4 de l'arrêté du préfet de la Vendée du 24 mai 2017 astreignant Mme C...à se présenter au commissariat de police de la Roche-sur-Yon afin d'indiquer les diligences accomplies en vue de son départ et, à l'article 2, rejeté le surplus de sa demande. Mme C...conteste ce jugement en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, Mme C...reprend devant la cour, sans apporter d'élément de droit ou de fait nouveau, son moyen de première instance tiré de ce que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas suffisamment motivée. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ce moyen.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
4. Il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste établie au plan national par l'autorité administrative, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Même si elle vit avec son conjoint, ses deux enfants mineurs et sa mère en France, et affirme que son intégration dans la société française a été réalisée par son travail et la maîtrise de la langue française, MmeC..., qui n'est entrée en France qu'en 2015, ne justifie pas de cette intégration. Dès lors, elle ne fait état d'aucun élément de sa vie personnelle en France ni ne démontre ses craintes en cas de retour dan son pays d'origine pouvant constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, Mme C...se prévaut d'une promesse d'embauche pour occuper un emploi à temps plein et à durée indéterminée au sein de la société " Les Délices de Clobert ". Toutefois, cette société n'a déposé une demande d'autorisation de travail que le 19 avril 2017, soit à peine un mois avant la date de la décision contestée. Ainsi, Mme C...n'établit pas l'existence de motifs exceptionnels lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14. Par suite, le préfet de la Vendée n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions.
6. Enfin, compte tenu de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, et alors même que l'un de ses enfants, âgé de plus de cinq ans à la date de l'arrêté contesté, est scolarisé en France et l'autre, âgé de plus de quatorze mois à la même date, y est né et que sa mère, âgée de 66 ans et médicalement prise en charge, vit avec elle en France, le refus de délivrer à Mme C...un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la cellule familiale pourra se reconstituer dans son pays, son époux faisant également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. A l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de Nantes, Mme C...soutenait que le préfet de la Vendée n'a pas procédé à un examen de la situation de ses enfants mineurs qui étaient concernés par la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, et a ainsi entaché sur ce point son jugement d'une irrégularité. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement dans cette mesure.
8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement et, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de Mme C...tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
9. En premier lieu, que la décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
10. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Vincent Niquet, secrétaire général de la préfecture de la Vendée, qui disposait d'une délégation consentie par un arrêté du préfet de ce département en date du 4 novembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet notamment de signer " tous les arrêtés, décisions, notamment relatifs à l'éloignement des étrangers pris dans le cadre du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) ". Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.
11. En troisième lieu, si la décision portant obligation de quitter le territoire français ne mentionne pas l'intérêt supérieur des enfants, garantie par ces stipulations, le préfet de la Vendée l'a pris en compte en indiquant que la cellule familiale peut se reconstituer dans le pays d'origine. Ainsi, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation des enfants mineurs D...C...doit être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".
13. Dès lors que la décision refusant la délivrance un titre de séjour est suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, et que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'insuffisance motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. En cinquième lieu, Mme C...soutient que le préfet de la Vendée a commis une erreur de droit dès lors qu'elle n'a jamais reçu notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 23 janvier 2017 et que, dès lors, elle bénéficie toujours du droit de se maintenir sur le territoire français en application des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette décision lui a été notifiée le 16 février 2017 et que le pli présenté à l'adresse de domiciliation administrative de Mme C... a été retourné à l'administration avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Si Mme C... fait valoir que la décision de la Cour nationale du droit d'asile ne lui a jamais été notifiée à l'adresse de sa résidence effective, elle n'établit pas avoir donné à la Cour une adresse autre que celle de sa domiciliation administrative à laquelle le pli lui a été notifié. Dès lors, à compter de cette notification, la requérante n'avait plus droit à son maintien sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 743-1 doit être écarté.
15. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. Enfin, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit apporter une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Si Mme C... soutient que ses deux enfants seraient en danger en cas de retour de la famille en Géorgie, elle ne l'établit pas. Rien ne s'oppose à ce que l'aîné, qui est scolarisé en classe de maternelle, poursuive sa scolarisation en Géorgie. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas pour effet de séparer les enfants de leurs parents. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant susvisée doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, la décision fixant le pays dont Mme C...a la nationalité comme pays de destination est motivée en fait et en droit.
18. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces que le préfet de la Vendée n'a pas procédé à un examen des éventuelles craintes de Mme C...en cas de retour dans son pays d'origine au regard des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avant de prendre sa décision.
19. En troisième lieu, si MmeC..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, invoque des craintes en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'elle encourrait des risques pour sa vie ou sa liberté ou qu'elle y serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants au sens des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
20. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 16 du présent arrêt, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît respectivement ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
21. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme C...devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées et que Mme C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 octobre 2017 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme C...dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- Mme Malingue, premier conseiller.
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le président-rapporteur,
J.-E. GeffrayL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
F. Malingue
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00810