Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2017, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 mai 2017 ;
2°) d'annuler cette décision du 23 avril 2015, ainsi que la décision des autorités consulaires du 12 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de long séjour, ainsi qu'à sa famille, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision consulaire n'est pas suffisamment motivée et la décision de la commission de recours, qui s'est substituée à la décision consulaire, doit être annulée de ce fait ;
- la décision de la commission de recours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; c'est au vu de son expérience professionnelle que la société Hôtel Mirabeau Eiffel s'est proposée de l'engager sous le statut de la carte bleue européenne ; la direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l'emploi a estimé qu'il remplissait les critères légaux de la carte bleue européenne ; l'Office français de l'immigration et de l'intégration a adressé à la société Hôtel Mirabeau Eiffel un avis de somme à payer pour son introduction en France ; il remplit les critères de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de par son expérience professionnelle ; le détournement de l'objet du visa est inexistant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête et se réfère à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Degommier,
- et les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain, relève appel du jugement du 17 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2015 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté sa demande de visa.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision des autorités consulaires :
2. Il n'appartient pas au juge d'appel, devant lequel l'appelant ne conteste pas la fin de non-recevoir opposée à ses conclusions par le juge de premier ressort, de rechercher d'office si cette fin de non-recevoir a été soulevée à bon droit .M. A...ne conteste pas l'irrecevabilité qui a été opposée à ses conclusions de première instance dirigées contre la décision des autorités consulaires françaises à Casablanca du 12 janvier 2015 rejetant sa demande de visa. Il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions dirigées contre cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
3. Pour refuser la demande de visa de long séjour présentée par M. A..., la commission a estimé, d'une part, que le requérant ne justifiait ni de la qualification ni de l'expérience professionnelle requises pour l'emploi auquel il postule, en application du 6° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa, le contrat de travail n'ayant été conclu que dans le but de faciliter son établissement en France.
4. Aux termes des dispositions de l'article L.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision contestée : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 6° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail, d'une durée égale ou supérieure à un an, pour un emploi dont la rémunération annuelle brute est au moins égale à une fois et demie le salaire moyen annuel de référence, et qui est titulaire d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures délivré par un établissement d'enseignement supérieur reconnu par l'Etat dans lequel cet établissement se situe ou qui justifie d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi. Un arrêté du ministre chargé de l'immigration fixe chaque année le montant du salaire moyen annuel de référence. /Elle porte la mention "carte bleue européenne". (...) ".
5. Il est constant que M. A... bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée visé par l'autorité administrative, le recrutant comme directeur d'hôtel pour une rémunération annuelle brute au moins égale à une fois et demie le salaire moyen annuel de référence et qu'il n'est titulaire d'aucun diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu'il a exercé, de 1985 à 2011, des fonctions de conducteur de travaux, de contrôleur des travaux, de chargé d'affaires puis, depuis 2006, de directeur technique au sein de la société Lumafric, participant notamment à l'électrification de villages au Maroc, tel que cela résulte de son curriculum vitae ; il est cogérant des sociétés de promotion immobilière AOS-BBC en 2007, Actiama en 2010 et BB Nov en 2011, ainsi que gérant unique de plusieurs sociétés dont, notamment, la société Hawa Vil en 2012 et la société Bahwa sport, depuis 2012. M. A...a produit les déclarations de résultat et les bilans de ces sociétés. Si les résultats fiscaux nets de cette dernière société sont négatifs pour les exercices 2012 à 2016, l'ensemble des pièces produites par l'intéressé sont de nature à établir une expérience professionnelle, d'au moins cinq années, d'un niveau comparable à un diplôme sanctionnant trois années d'études supérieures. L'administration n'apporte en défense, aucun élément circonstancié de nature à démontrer le caractère lacunaire ou inconsistant de l'expérience professionnelle alléguée. Ainsi, en refusant le visa sollicité pour ce motif, la commission de recours contre les décisions de refus de visa a commis une erreur d'appréciation.
6. Par ailleurs, aucun élément tangible du dossier ne permet de supposer un risque de détournement de l'objet du visa sollicité, de sorte que le second motif de refus de la commission de recours est également entaché d'erreur d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, non pas la délivrance du visa demandé, mais le réexamen de la demande de visa de M.A... ; il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 17 mai 2017 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 23 avril 2015 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de visa de M.A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1500 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIERLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02306