Procédure devant la cour :
I, par une requête enregistrée sous le n° 17NT02645, le 28 août 2017, Mme C...B..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 février 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2016 du préfet d'Indre-et-Loire portant à son encontre refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la violation de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne ;
- l'arrêté contesté, qui n'indique pas en quoi les ressources de son mari seraient insuffisantes, est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de droit dès lors que son mari dispose d'un droit au séjour permanent tant au regard de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que des dispositions combinées de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne, de l'article 14-4°b de la directive européenne du 29 avril 2004 et de l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté contesté porte atteinte à sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2017, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
II, par une requête enregistrée sous le n° 17NT02646, le 28 août 2017, Mme A...B..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 février 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2016 du préfet d'Indre-et-Loire portant à son encontre refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soulève les mêmes moyens que Mme C...B...dans l'instance ci-dessus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2017, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Mmes B...ont a été admises au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 1er août 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que par deux requêtes distinctes, Mme C...D...épouse B...et Mme A...B..., ressortissantes marocaines, relèvent appel du jugement du 16 février 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 26 septembre 2016 du préfet d'Indre-et-Loire portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant leur pays de renvoi ; que ces requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si le magistrat instructeur a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de tenir compte d'un mémoire produit après la clôture de l'instruction - après l'avoir visé et analysé - il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que les requérantes soutiennent que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la violation de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que ce moyen a été soulevé pour la première fois dans des mémoires produits le 22 janvier 2017, postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 13 janvier 2017 à 12 heures ; que le magistrat n'était pas tenu de rouvrir l'instruction ; que par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis de répondre à ce moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant, en premier lieu, que les arrêtés contestés visent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'accord franco-marocain sur lesquelles ils sont fondés ; qu'ils rappellent la situation personnelle et familiale de Mmes B...et précisent les raisons pour lesquelles leurs demandes sont rejetées ; que contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le préfet n'avait pas à détailler les ressources dont disposait M. G...B...B..., respectivement époux et fils de Mme C...B...et de Mme Aïcha B...; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les arrêtés contestés étaient suffisamment motivés et ne révèlaient aucun défaut d'examen par le préfet de la situation des intéressées ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° S'il est (...) ascendant direct à charge, conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans (...) il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : "carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le ressortissant d'un Etat tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité d'ascendant ou de conjoint à charge d'un ressortissant de l'Union européenne, que dans la mesure où ce dernier remplit lui-même les conditions fixées aux 1° à 3° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'il est constant que M. G...B...B...est ressortissant espagnol ; que s'il est entré en France en 2013 pour rechercher un emploi et a suivi une formation de plaquiste à compter du 9 mai 2016, à la date de la décision contestée, il ne disposait d'aucun revenu et était bénéficiaire du revenu de solidarité active ; que compte tenu de ces éléments, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que ce dernier ne pouvait être regardé à la date des arrêtés litigieux comme exerçant une activité professionnelle en France ou disposant de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa femme et de sa mère ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. 3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique : a) de répondre à des emplois effectivement offerts, b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres, c) de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux, d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi (...) " ;
8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont issues de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et ont pour objet d'assurer la transposition de la directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, que, s'il n'est pas tenu de détenir un titre de séjour, tout citoyen de l'Union européenne a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois sous certaines conditions ; que, par suite, le préfet, qui a estimé que les conditions requises n'étaient pas remplies, n'a pas commis d'erreur de droit en invoquant l'absence de droit au séjour de M. G...B...B...et par voie de conséquence de son épouse et de sa mère ;
9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la condition relative à l'exercice d'une activité professionnelle en France doit être regardée comme satisfaite si cette activité est réelle et effective, à l'exclusion des activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires, et que la caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu'une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération ;
10. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 6, M. G...B...B...ne peut revendiquer la qualité de travailleur ; que, par conséquent, le préfet a pu légalement opposer à son épouse et à sa mère, son absence de ressources suffisantes, en application des dispositions combinées des 2°, 3° et 4° de l'article L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
11. Considérant que la directive communautaire 2004/38/CE du 29 avril 2004 a été transposée aux articles L. 121-1 et suivants et R. 121-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'article 23 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et par le décret n° 2007-371 du 21 mars 2007 ; que, par suite, Mmes B...ne sauraient utilement se prévaloir de l'effet direct de cette directive communautaire, notamment de son article 14 ;
12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " I.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier, que Mme C...B..., accompagnée de ses enfants mineurs et F...B..., sa belle-mère, sont entrées en France au cours du mois de mars 2015 pour rejoindre leur mari et fils ; qu'il est constant qu'elles disposent chacune d'une carte de séjour temporaire espagnole en cours de validité ; qu'il n'est pas établi que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Espagne, pays dont M. G... B...B...et ses enfants ont la nationalité ou même au Maroc, pays dont les requérantes sont ressortissantes ; que dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions contestées n'ont pas porté au droit de Mmes B...au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que, par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mmes B...et en assortissant ces décisions d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des intéressées ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mmes B...ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par les jugements attaqués, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les requêtes de MmesB..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions des intéressées tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de leur délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leurs demandes, doivent être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
15. Considérant que les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mmes B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes présentées par Mmes B...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., à Mme A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2018.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02645,17NT02646