Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 septembre 2019 et un mémoire enregistré le 2 juillet 2020, la commune de Valorbiquet, représentée par Me Gorand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 juin 2019 ;
2°) de rejeter la demande de M. C... ;
3°) de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable, faute de conclusion ;
- le refus de permis de construire était justifié dès lors que :
- l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme a été méconnu ;
- le projet méconnaît l'article N 2 du plan local d'urbanisme ;
- le projet méconnaît l'article N 6 du plan local d'urbanisme ;
- l'avis du conseil départemental du Calvados n'a pas été respecté ;
- une substitution de motifs doit être effectuée : les articles N1 du plan local d'urbanisme et L. 111-15 du code de l'urbanisme justifient le refus.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2020, l'entreprise Karl C..., représentée par Me Jacq-Moreau, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au maire de Valorbiquet de lui délivrer le permis de construire sollicité ;
3°) à ce que soit mis à la charge de la commune de Valorbiquet le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête ;
- aucune irrecevabilité ne peut être opposée à sa demande ;
- le projet entre dans le cadre des dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne porte pas atteinte à la sécurité publique ;
- les dispositions des articles N 2, N 6 sont respectées ;
- l'article N1 n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brisson,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Bosquet, substituant Me Gorand, représentant la commune nouvelle de Valorbiquet, et les observations de Me Chertier, substituant Me Jacq-Moreau, représentant M. C....
Une note en délibéré présentée par M. C... a été enregistrée le 14 septembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., entrepreneur en maçonnerie, a sollicité, le 23 avril 2018, un permis de construire en vue de la reconstruction d'un bâtiment vétuste à usage de dépôt de matériaux de construction au lieudit La Rosière à La Chapelle Yvon, commune déléguée de Valorbiquet (Calvados) sur la parcelle cadastrée B n° 154. Par un arrêté du 7 juin 2018, le maire a refusé de lui délivrer le permis demandé. M. C... a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de ce refus. La commune de Valorbiquet relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal a annulé l'arrêté du 7 juin 2018.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. A la suite de l'annulation le 20 juin 2019, de l'arrêté du 7 juin 2018, le maire, saisi par M. C... d'une nouvelle demande de permis de construire, a pris, le 12 septembre 2019, un nouvel arrêté portant refus de permis de construire. Toutefois, cette circonstance n'a pas pour effet de priver d'objet la requête de la commune tendant à l'annulation du jugement attaqué du 20 juin 2019.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 juin 2018 :
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "
6. Pour apprécier la réalité du risque auquel est exposé un projet de construction, l'autorité administrative peut s'appuyer sur tous les éléments d'information dont elle dispose à la date à laquelle elle statue. En l'absence de plan de prévention des risques naturels prévisibles, approuvé, mis en application par anticipation ou même prescrit, afférents soit à des mouvements de terrain, soit à des chutes de pierres, la commune s'est fondée sur un document graphique de son plan local d'urbanisme établi sur le fondement des cartes de prédisposition aux risques de mouvements de terrain et de chutes de blocs établis par la Dreal en 2009. Il est constant que le plan annexé au plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) constitue la synthèse des cartes de la Dreal.
7. Il ressort en particulier de la carte établie par la Dreal en 2004 que le terrain de M. C..., situé en bas d'une forte pente naturelle, se situe dans une zone rouge prédisposée au risque de mouvement de terrain en raison du relief encadrant de part et d'autre la rivière l'Orbiquet. Les cartes dressées par cette même administration en 2011 et 2019 font état d'une forte exposition au risque de chute de pierres. La présence du relief à l'origine de ces risques ressort d'ailleurs clairement des photographies et schémas joints à la demande de permis de construire. Par suite, alors même que la construction projetée par M. C... n'est pas destinée à l'habitation, eu égard à la localisation du terrain d'assiette de son projet dans une zone exposée à de forts aléas, le maire n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que ce projet était de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article N 1 du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) du Pays de l'Orbiquet : " Types d'occupation et d'utilisation du sol interdites / Les constructions, travaux, ouvrages, installations ou utilisations du sol de toutes natures sauf celles prévues à l'article N 2 / (...) / Dans le secteur de risque lié aux chutes de pierres et de blocs reporté au document graphique (pièce 4.2.3) : Pour les secteurs N1, N2, toute construction est interdite ". Aux termes de l'article N 2 du même plan : " Types d'occupation et d'utilisation du sol soumises à des conditions particulières - Dans toute la zone, sous réserve de ne pas porter atteinte aux paysages et que toutes dispositions soient prises pour une bonne intégration dans le site : / (...) / La reconstruction après sinistre sous réserve de respecter les implantations, emprises et volumes initiaux (...) / (...) en secteur N2, : / - Les aménagements, installations et constructions destinés à l'activité agricole telle que définie par l'article L.311-1 du Code rural et de la pêche maritime, (....)/ - Les aménagements, installations et constructions liés aux activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation (....) / - Les dépôts et stockages temporaires, à condition d'être liés à l'activité agricole (...) ". Aux termes de l'article N 6 du même plan : " En secteurs Ne, N2 et N1, Sauf impossibilité technique et sous réserve de respecter les distances de périmètres sanitaires fixées à l'article N2, les constructions doivent être implantées : - le long des voies ouvertes à la circulation automobile : à une distance de l'alignement au moins égal à 15 mètres, - le long des autres chemins : à une distance de l'alignement au moins égal à 5 mètres ".
9. Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes de l'acte notarié du 8 avril 2013 que le bien acquis par M. C... se compose d'un bâtiment à usage de dépôt comportant une ossature métallique, un soubassement en briques, un bardage et une couverture en tôles. La notice descriptive jointe à la demande de permis de construire présentée par le pétitionnaire le 25 avril 2018 montre que son projet consiste en la construction d'un bâtiment comprenant des murs en agglomérés banchés, une charpente en bois et une toiture en bac acier. Alors même que l'emprise au sol du projet n'excéderait que de 2 m2 la surface de la construction préexistante et que sa hauteur serait analogue à celle du hangar préexistant, la construction projetée ne peut, compte-tenu de la nature et de l'aspect des matériaux utilisés, être regardée comme constituant une reconstruction à l'identique de celle qui existait antérieurement.
10. Il s'ensuit que la construction projetée doit être regardée comme une construction nouvelle qui, dès lors qu'elle est destinée à servir de bâtiment de stockage de matériaux dans le cadre de l'activité artisanale de M. C..., n'entre pas dans le champ des exceptions prévues à l'article N 2 du plan local d'urbanisme intercommunal en vue notamment d'exercer une activité agricole.
11. Enfin, il ressort des plans joints à la demande de permis que la construction projetée devait, pour les mêmes raisons, s'implanter à 1,80 m de la route départementale, soit à une distance inférieure à celle prévue par les dispositions mentionnées ci-dessus de l'article N 6 du plan local d'urbanisme.
12. En dernier lieu, la commune ne saurait se prévaloir de la méconnaissance de l'avis dépourvu de tout caractère normatif émis le 29 mai 2018 par le conseil départemental du Calvados, lequel préconisait une implantation de la construction à au moins 4 m de la route départementale.
13. Il résulte toutefois de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur la méconnaissance des dispositions des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme, N2 et N6 du PLUI. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 7 juin 2018 aux motifs qu'il ne méconnaissait pas ces dispositions.
14. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... tant devant le tribunal administratif de Caen que devant la cour.
15. D'abord, la construction projetée par M. C... est destinée à l'entreposage de matériel et d'outillage liés à son activité professionnelle d'artisan. Elle n'est ainsi pas au nombre des constructions pouvant être autorisées par l'article N1 du plan local d'urbanisme
16. Ensuite, M. C... se prévaut de la méconnaissance par le maire de la commune de Valorbiquet de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation relatif aux pouvoirs de police pouvant être mis en oeuvre par le maire en présence d'un immeuble menaçant ruine. Toutefois, un tel moyen doit être écarté comme inopérant, une telle norme relevant d'une législation distincte de celle qui régit les autorisations prises en matière d'urbanisme.
17. Enfin si le pétitionnaire fait valoir que la construction, eu égard à l'affectation prévue pour le stockage, ne présente pas de risque d'incendie et qu'un point d'eau existe à proximité, il ne l'établit pas.
18. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposé à la demande de première instance, que la commune de Valorbiquet est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 7 juin 2018 portant refus de permis de construire.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
19. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Les conclusions présentées par M. C... tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Valorbiquet de lui délivrer le permis de construire sollicité ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Valorbiquet tendant à ce que M. C... lui verse une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
21. Ces dispositions font par ailleurs obstacle à ce que la commune de Valorbiquet, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 20 juin 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Valorbiquet au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Valorbiquet et à M. A... C....
Copie en sera adressé au procureur de la République de Caen.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 , à laquelle siégeaient :
- M. Pérez président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- Mme Douet, président-assesseur.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
Le rapporteur,
C. Brisson
Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03640