Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mai 2019, M. G... E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 janvier 2019 ;
2°) d'annuler cette décision du 26 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer les visas de long séjour sollicités, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise sanguine pour établir le lien de filiation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable. En particulier, elle n'est pas tardive.
- la décision des autorités consulaires est illégale pour être insuffisamment motivée ;
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'identité et les liens familiaux sont établis par les pièces versées au dossier ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. G... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
le code civil ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G... E..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1984, a été admis par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides au bénéfice de la protection subsidiaire. Mme C... H... et les jeunes D..., Khouat, Waalae, Wiam et Widjane Salaheddine Yahyia Ishag, qui se présentent comme l'épouse et les enfants de l'intéressé, ont déposé, le 1er mai 2017, des demandes de visas de long séjour en qualité de membres de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire. Par des décisions du 11 janvier 2018, les autorités consulaires françaises à Khartoum (Soudan) ont rejeté ces demandes. Le 26 juillet 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. E... contre les décisions des autorités consulaires françaises. M. E... relève appel du jugement du 3 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours du 26 juillet 2018.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du II de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ".
3. M. E... produit les originaux de l'acte de mariage qu'il a contracté le 9 décembre 2009 avec Mme C... H... et des extraits du registre des naissances des cinq enfants D..., Khouat, Waalae, Wiam et Widjane Salaheddine Yahyia Ishag ainsi que la copie des passeports de chacun des intéressés dont les mentions concordent avec celles des actes d'état civil présentés. Sur les extraits du registre des naissances sont notamment apposés le cachet de la direction générale du registre de l'état civil et celui du ministère des affaires étrangères de la République du Soudan. Est également apposé sur chacun de ces actes un code QR, lequel renvoie au numéro du certificat. Les circonstances que ces actes, qui constatent le lien familial des intéressés avec M. E..., aient été délivrés tardivement et à l'occasion des demandes de visa qu'ils ont formées et que les extraits du registre des naissances ne contiennent pas de mention portant sur l'autorisation spéciale qui doit être accordée par le directeur général de l'état civil en cas de déclaration tardive, alors que, ainsi qu'il a été dit, sont apposés sur ces actes le sceau de cette direction, ne permettent pas, à elles seules, d'établir le caractère inauthentique de ces documents. De même, l'incohérence entre les dates de naissance des jeunes Waalae et Wiam qui seraient nées à un mois d'intervalle et l'erreur commise par le requérant sur la date de naissance d'un de ses enfants, en l'occurrence le jeune D..., ne sont également pas de nature à leur ôter leur caractère authentique et, par suite, le lien de filiation qu'ils établissent. Par ailleurs, l'absence de présentation de l'acte de naissance de Mme C... H... est sans incidence pour apprécier le lien matrimonial l'unissant au requérant. Par suite, M. E... est fondé à soutenir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en rejetant son recours au motif que l'identité et le lien familial qui l'unit avec les demandeurs n'étaient pas établis.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique pour son exécution, eu égard au motif d'annulation retenu, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme C... H... ainsi qu'aux jeunes D..., Khouat, Waalae, Wiam et Widjane Salaheddine Yahyia Ishag, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. E..., qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif du 3 janvier 2019 et la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 26 juillet 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme C... H... et aux jeunes D..., Khouat, Waalae, Wiam et Widjane Salaheddine Yahyia Ishag dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. E... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E..., à Mme C... H... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.
Le rapporteur,
M. F...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01695