Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 20 juin 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juin 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...C...devant le tribunal administratif de Nantes.
Le ministre soutient que :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant que les actes de l'état-civil présentés à l'appui des demandes de visa ne présentaient pas un caractère apocryphe ;
- le tribunal a retenu, à tort, que les éléments de possession d'état étaient remplis en l'espèce, alors, qu'en tout état de cause, M. B...C...ne pouvait, en application de l'article 311-14 du code civil, invoquer une telle possession d'état dès lors qu'elle n'est pas reconnue en droit somalien comme preuve de filiation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2017, M. G...B...C..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête, à ce que l'Etat délivre, sous astreinte, les visas sollicités et verse à son conseil la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par ministre n'est fondé.
Vu le jugement attaqué.
La décision du 16 mars 2015 accordant l'aide juridictionnelle totale à M. B...C...a été maintenue par une décision du 20 juillet 2017
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code civil ;
loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B...C..., ressortissant somalien né le 30 janvier 1984, est entré en France le 5 mars 2011 ; que par une décision du 20 décembre 2012, la Cour nationale du droit d'asile lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ; que M. B...C...a déposé une demande de regroupement familial pour des personnes qu'il présente comme son épouse et ses cinq enfants : MmeF..., Nasser Saïd Abdi, Noor Saïd Abdi, Zakarié Saïd Abdi, Bachir Saïd Adbi et Ayan Saïd Abdi ; que, par une décision du 20 octobre 2014, les autorités consulaires françaises à Djibouti ont refusé de délivrer les visas d'entrée et de long séjour ; que le 29 janvier 2015, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. B...C...contre la décision consulaire ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 1er juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B...C..., la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 janvier 2015 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact ; qu'en cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties ; que, pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis ;
4. Considérant que pour établir le lien de filiation avec M. B...C..., ont été présentés à l'appui des demandes de visa, des certificats de naissance établis le 13 avril 2013 par la municipalité de Mogadiscio ; que si le ministre soutient que ces certificats doivent être regardés comme apocryphes dès lors qu'ils ont été dressés par une municipalité différente de celle de naissance des intéressés, qui est distante d'une soixantaine de kilomètres de Mogadiscio, et qu'ils ont été établis entre 9 et 28 ans après les dates de naissance, il n'apporte au soutien de ses allégations aucun justificatif de nature à établir qu'à la date de leur délivrance, ces actes n'auraient pas été rédigés dans les formes usités en Somalie, ni qu'ils seraient falsifiés ou non conformes à la réalité ; que, dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant que si M. B...C...demande qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités, une telle injonction a déjà été prononcée par le tribunal administratif de Nantes par le jugement que la cour a confirmé aux points 2 à 4 du présent arrêt ; que ces conclusions doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
6. Considérant que M. B...C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me D...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : Le versement de la somme de 1 500 euros à Me D...est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Les conclusions présentées en appel par M. B...C...sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B...C....
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juin 2018.
Le rapporteur,
M. E...
Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01862