Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 juin 2018 et 31 janvier et 11 février 2019, le préfet de la Vendée demande à la cour d'annuler le jugement du 17 avril 2018 ainsi que la délibération du 21 décembre 2015 en tant qu'elle procède au classement en zone NL du secteur du Havre.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer s'agissant du moyen tiré de la violation de l'article R 123-11 du code de l'urbanisme ;
- l'article R 123-11 du code de l'urbanisme a été méconnu faute pour les documents graphiques de mentionner l'existence de risques naturels ;
- des erreurs manifestes d'appréciation ont été commises au regard :
. des articles L 146-6 et R 146-2 du code de l'urbanisme, faute de classement du secteur du Havre en espace remarquable et du défaut de classement en espace boisé classé ;
. des articles L 146-2 et L 146-4 I du code de l'urbanisme en l'absence de coupure d'urbanisation ;
. des articles L 146-4 et L 146-5 du code de l'urbanisme faute d'interdiction du camping ou du stationnement des caravanes
. de l'article L 146-4 I du code de l'urbanisme faute de respecter le principe d'extension limitée de l'urbanisation ;
- des articles L 110 et L 121-1 du code de l'urbanisme en l'absence de respect de l'impératif de sécurité publique afin de prévenir les risques naturels prévisibles.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2018, la commune de la Faute-sur-Mer, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Par une intervention enregistrée le 26 février 2019, l'association des propriétaires et résidents du Havre (APRH) et M. C...G..., représentée par MeF..., demande que :
- le déféré du préfet de la Vendée soit rejeté ;
- une somme de 2 000 euros leur soit versée en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- ils sont recevables à intervenir compte tenu de l'objet associatif et de la qualité de propriétaire de M.G... ; le secteur du Havre constitue un établissement d'hébergement de plein air de fait ;
-le secteur du Havre a perdu son caractère naturel et ne constitue pas un espace remarquable au sens de l'article L 146-6 du code de l'urbanisme ;
-aucune méconnaissance de l'article R 123-11 du code de l'urbanisme ne peut être observée ;
- aucune violation de l'article L.146-5 du code de l'urbanisme n'a été commise
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 20 mai 2019 :
- le rapport de Mme Brisson,
- les conclusions de M Derlange,
- et les observations de MeB..., substituant MeE..., représentant la commune de la Faute-sur-Mer et les observations de MeF..., représentant l'association des propriétaires et résidents du Havre et M.G....
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil municipal de La Faute-sur-Mer a approuvé, par délibération du 21 décembre 2015 le plan local d'urbanisme de la commune. Le recours gracieux présenté par le préfet le 16 février 2016 a été explicitement rejeté par le maire le 19 février suivant. Le préfet de la Vendée relève appel du jugement du 17 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur l'intervention de l'association des propriétaires et résidents du Havre :
2. L'association des propriétaires et résidents du Havre et M. G...ont intérêt au rejet de la requête. Par suite leur intervention est recevable.
Sur les conclusions à fin d'annulation:
3. Par la délibération en litige, les auteurs du plan local d'urbanisme ont notamment classé le secteur du Havre en zone NL dans laquelle ne sont admises que les constructions et installations destinées à la sécurité maritime, à la sécurité civile, les installations sanitaires ainsi que les installations de caravanes pour une durée inférieure à trois mois.
4. Aux termes de l'article L 146-6 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et, dans les départements d'outre-mer, les récifs coralliens, les lagons et les mangroves. / Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. (...) " et aux termes de l'article R 146-1 du même code alors en vigueur : " En application du premier alinéa de l'article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : / a) Les dunes, les landes côtières, les plages et les lidos, les estrans, les falaises et les abords de celles-ci ; / b) Les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; / (...) / d) Les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps ; / e) Les marais, les vasières, les tourbières, les plans d'eau, les zones humides et milieux temporairement immergés ; / f) Les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le secteur du Havre, d'une superficie d'environ 38 ha, est localisé au nord du secteur de la pointe d'Arçay laquelle constitue une réserve domaniale pour sa faune et sa flore exceptionnelle propriété de l'Office national des forêts et du Conservatoire du littoral pour sa partie maritime, qui forme une zone Natura 2000, qui est intégrée dans une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1, qui constitue une réserve biologique dirigée et qui est qualifiée de site naturel majeur du littoral atlantique. Le secteur du Have est également localisé au sud du secteur urbanisé des Amourettes où sont édifiés des pavillons d'habitation et dont il est séparé par la rue des écureuils et la rue du banc des marsouins, voies reliant l'est et l'ouest de la presqu'île de La Faute-sur-Mer.
6. Le secteur du Havre, se caractérise par des dunes et landes côtières boisées prolongeant la forêt domaniale sise sur sa partie ouest et localisées à l'est, le long de l'estuaire du Lay. La qualité du boisement de pinèdes couvrant cet espace avait d'ailleurs amené la direction départementale des territoires et de la mer, dans son avis du 2 octobre 2015, à préconiser le classement en espace boisé classé pour la partie ouest et en espace boisé sensible sur la partie Est du secteur.
7. Le secteur en litige, compris dans la ZNIEFF de type 2 du marais poitevin est classé en espace naturel sensible du département de la Vendée en raison de la présence d'espèces végétales rares et menacées ayant donné lieu à une protection régionale et qui abrite une avifaune riche de plus de 60 espèces dont 2 protégées régionalement, présente des similarités fortes avec la réserve biologique de la pointe d'Arçay ainsi que le révèle l'étude faite par M. D...en juin 2013. Il constitue ainsi un milieu abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales au sens des dispositions précitées du f) de l'article R 146-1 du code de l'urbanisme. Ce secteur est également inclus dans une zone de préemption des espaces naturels sensibles de la Vendée par le Conservatoire national du littoral et dans une zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO).
8. Il est en outre bordé à l'ouest, au sud et à l'Est, par une zone humide d'importance nationale, par la ZNIEFF de type 1 de la pointe d'Arçay, une zone Natura 2000 et une zone spéciale de conservation. Cette zone donne lieu à une convention de gestion avec le Conservatoire du littoral en raison de sa continuité avec la zone Natura 2000.
9. Ainsi, le secteur du Havre, situé en continuité de la pointe d'Arçay, constitue avec cet espace une unité paysagère ayant d'ailleurs conduit l'autorité environnementale, lors de l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune de La Faute-sur-Mer, à préconiser un élargissement de la protection au titre de l'article L 146-6 du code de l'urbanisme au moins sur la frange Est du secteur du Havre. De même, le commissaire-enquêteur, à l'issue de l'enquête effectuée en vue de l'approbation du plan local d'urbanisme, a, dans son avis du 17 décembre 2015, émis une réserve portant sur le classement en zone NL du secteur du Havre au vu notamment de sa sensibilité écologique et paysagère, en préconisant que ce secteur soit requalifié en zone naturelle au titre, en particulier, de la protection du patrimoine naturel et paysager.
10. A l'exception d'une voie bitumée reliant le bourg de La Faute-sur-Mer à la pointe d'Arçay, ce lieu, qui ne comporte que des allées forestières non revêtues, n'est pas desservi par les réseaux d'eau et d'assainissement ou de téléphonie mobile. Si le secteur du Havre présente un parcellaire très morcelé qui supporte des installations de camping tels que des mobil-homes ou des édifices légers, de style cabanon, destinés à l'hébergement, construits ou installés sans autorisation ou déclaration, et ayant d'ailleurs donné lieu à des condamnations pénales par le tribunal correctionnel des Sables d'Olonne aux termes d'un jugement du 23 mai 2018, il n'a pas, en dépit d'une occupation humaine, évaluée à 2 000 personnes durant la saison estivale, ainsi que le révèlent en particulier les documents photographiques, perdu son caractère naturel.
11. Dans ces conditions, le préfet de la Vendée est fondé à soutenir que le secteur du Havre présente les caractéristiques d'un espace remarquable au sens des dispositions mentionnées ci-dessus. Son classement en zone NL du plan local d'urbanisme de la commune des Sables d'Olonne est, par suite, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions précitées des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme.
12. Aucun autre moyen n'est de nature à justifier l'annulation de la délibération contestée au sens des dispositions de l'article L. 600-4-1 du même code.
13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le préfet de la Vendée est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que la commune de La Faute-sur-Mer demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
15. L'association des propriétaires et résidents du Havre, intervenant en défense, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association des propriétaires et résidents du Havre et de M. G...est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 avril 2018 et la délibération du conseil municipal de La Faute-sur-Mer du 21 décembre 2015 sont annulés.
Article 3 : Les conclusions de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'association des propriétaires et résidents du Havre et de M. G...au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la commune de La Faute-sur-Mer, à l'association des propriétaires et résidents du Havre et à M. C...G....
Copie en sera adressée au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2019, où siégeaient :
- M Perez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- MA...'hirondel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 juin 2019.
Le rapporteur,
C. BRISSONLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02340