Par une requête enregistrée le 17 juillet 2018, M.A..., représenté par Me Taulet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 mai 2018 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 novembre 2015 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt mettant fin à ses fonctions pour cause de non titularisation après sa période de stage ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 7 juin 2016 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt portant licenciement pour insuffisance professionnelle ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture de le titulariser à compter du 1er septembre 2015 avec toutes conséquences en terme de reconstitution de carrière, ou, subsidiairement, de le réintégrer conformément à son contrat de travail à durée indéterminée avec toutes conséquences en termes de rappel de traitement et de reconstitution de carrière, sous astreinte dont le montant est laissé à l'appréciation de la cour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'arrêté du 20 novembre 2015 mettant fin aux fonctions de l'intéressé pour cause de non titularisation après sa période de stage :
- il est illégal par exception d'illégalité de l'arrêté du 3 avril 2015 qui prononce une seconde prolongation de stage et pérennise une situation de stage en méconnaissance des dispositions qui limitent à deux années la durée d'un stage ;
- il constitue un licenciement en cours de stage lequel avait été prolongé, mesure prise en considération de la personne qui n'a pas été motivée, précédée de l'information de l'agent précisant la faculté de consulter son dossier individuel, d'être assisté d'un défenseur et de formuler des observations ;
- il est entaché d'un vice de procédure, faute de saisine préalable de la Commission Administrative Paritaire (CAP) compétente en méconnaissance de l'article 25 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982, la saisine postérieure de la CAP n'a été que formelle pour tenter de régulariser la procédure, le ministre ayant déjà pris sa décision le 9 juillet 2015 ;
- son stage s'est déroulé dans des conditions irrégulières, en l'absence de tutorat ou d'autres types d'actions de formation, en méconnaissance de l'article 10 du décret n°90-90 du 24 janvier 1990, modifié par l'article 10 du décret n° 2015-36 du 19 janvier 2015, dès lors qu'aucune disposition transitoire ne prévoit que le décret du 19 janvier 2015 ne trouverait à s'appliquer que pour les stages qui débuteraient postérieurement à son entrée en vigueur ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'arrêté du 7 juin 2016 portant licenciement pour insuffisance professionnelle :
- il est insuffisamment motivé, faute pour l'administration d'avoir précisé l'avis émis par la CAP ou d'avoir joint ledit avis ;
- il est entaché d'un vice de procédure, en ce que l'entretien préalable à son licenciement a été postérieur à celui-ci, la décision de le licencier ayant été prise dès juin 2015 ;
- il est entaché d'un détournement de procédure, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, ayant consisté à déduire de sa non titularisation une " insuffisance professionnelle " à ses fonctions d'agent contractuel, l'administration ne pouvait en effet se fonder sur des rapports d'inspection visant à apprécier sa capacité à être titularisé ou non pour caractériser une insuffisance professionnelle en tant que contractuel ;
- la seule non-titularisation d'un professeur stagiaire ne caractérise pas une insuffisance professionnelle en tant qu'agent contractuel, il n'a fait l'objet d'aucun rapport négatif sur sa manière de servir en tant qu'agent contractuel.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 modifiée ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 modifié ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 modifié ;
- le décret n° 90-90 du 24 janvier 1990 modifié ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- les observations de Me Taulet, avocate de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...a été engagé en qualité d'agent de l'enseignement agricole (ACEN) par des contrats à durée déterminée successifs du 1er septembre 2004 au 5 novembre 2009, puis par un contrat à durée indéterminée à compter du 6 novembre 2009. Il a été affecté au lycée d'enseignement général et technologique agricole (LEGTA) de Tours-Fondettes. Suite à sa réussite au concours pour l'accès au corps des professeurs de lycée professionnel agricole (PLPA) en 2013, il a été nommé pour une durée d'un an en qualité de professeur de lycée professionnel agricole stagiaire, à compter du 1er septembre 2013, par arrêté du 25 juillet 2013 et affecté au lycée d'enseignement général et technologique agricole Tours Fondettes. Par arrêté du 19 juin 2014, la période de stage probatoire de l'intéressé a été prolongée d'un an. Par un arrêté du 20 novembre 2015, le ministre chargé de l'agriculture a prononcé la non-titularisation du requérant et a mis fin à ses fonctions de PLPA stagiaire. Puis, par un arrêté du 7 juin 2016, le ministre chargé de l'agriculture a prononcé le licenciement pour insuffisance professionnelle de l'intéressé à compter du 31 août 2016. Saisi par M.A..., le tribunal administratif de Nantes a, par un jugement du 15 mai 2018, annulé l'arrêté du 20 novembre 2015 en tant qu'il rétroagissait au 14 novembre 2015 et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.A.... Par sa présente requête, M. A...demande à la cour d'annuler le jugement du 15 mai 2018 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sur l'arrêté du 20 novembre 2015 mettant fin aux fonctions de l'intéressé pour cause de non titularisation après sa période de stage :
2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 modifié fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " Le présent décret s'applique aux personnes qui ont satisfait à l'une des procédures de recrutement prévues aux articles 19 et 26 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et qui ont vocation à être titularisées après la période probatoire ou la période de formation qui est exigée par le statut particulier du corps dans lequel elles ont été recrutées. ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par le statut particulier du corps dans lequel le fonctionnaire stagiaire a vocation à être titularisé. Sauf dispositions contraires du statut particulier, le stage ne peut être prolongé d'une durée excédant celle du stage normal. (...) ". Aux termes de l'article 10 du décret du 24 janvier 1990 visé, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Les candidats reçus aux concours internes sont nommés professeurs de lycée professionnel agricoles stagiaires par le ministre chargé de l'agriculture et affectés pour la durée du stage dans les établissements d'enseignement agricole publics relevant du ministre chargé de l'agriculture, ainsi que dans les établissements visés à l'article R. 421-79 du code de l'éducation. Le stage a une durée d'un an. Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d'une formation dispensée sous la forme d'actions prises en compte dans un éventuel parcours de formation qualifiant organisées par un établissement d'enseignement supérieur agricole public en charge de la formation des personnels enseignants et d'éducation, ainsi que d'un tutorat ou d'autres types d'actions de formation. (...) A l'issue du stage d'une durée d'un an, la titularisation est prononcée par le ministre chargé de l'agriculture, sur proposition du jury. (...) Le ministre chargé de l'agriculture peut autoriser l'accomplissement d'une seconde année de stage. A l'issue de cette période, l'intéressé est soit titularisé par le ministre, soit licencié, soit réintégré dans son corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine.".
3. En premier lieu, l'arrêté du 3 avril 2015 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt se borne à renouveler l'autorisation d'exercer les fonctions à temps partiel à 80% accordée à l'intéressé, à compter du 1er septembre 2015, pour une année supplémentaire et ne saurait être regardé comme portant prolongation de la période probatoire pendant laquelle M. A... devait faire la preuve de ses aptitudes. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 3 avril 2015, qui prononcerait une seconde prolongation de stage en méconnaissance des disposions visées, est inopérant.
4. En deuxième lieu, et en tout état de cause, en l'absence de mesure expresse de titularisation, le fonctionnaire stagiaire conserve sa qualité de stagiaire après l'expiration de la durée normale du stage, à laquelle il peut être mis fin à tout moment. La circonstance que le refus de titularisation de l'intéressé aurait été pris à une date postérieure de plus de deux ans à son recrutement initial en tant que stagiaire est sans incidence sur la légalité de ce refus et ne saurait conférer à l'arrêté du 20 novembre 2015 la nature d'une décision de licenciement en cours de stage. Par suite, l'arrêté du 20 novembre 2015 doit être regardé comme une décision de non titularisation en fin de stage. Il s'ensuit que les moyens tirés de l'insuffisante motivation de cette décision, de l'absence d'information quant à la faculté de consulter le dossier individuel, d'être assisté d'un défenseur et de formuler des observations sont inopérants.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers que la commission administrative paritaire s'est prononcée sur le cas de M. A...en sa séance du 16 octobre 2015, avant l'intervention de l'arrêté en litige. Les allégations du requérant selon lesquelles la saisine de la CAP n'aurait été que formelle sont sans fondement. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché l'arrêté en cause manque en fait.
6. En quatrième lieu, il est constant que M. A...a été lauréat du concours réservé dans sa session 2013, organisé par les dispositions de la loi du 12 mars 2012 visée, applicable en particulier aux agents contractuels de l'Etat et de ses établissements publics et ayant pour finalité de valoriser les acquis professionnels. Le requérant, qui avait vocation à être titularisé après la période probatoire, ne saurait utilement se prévaloir du dispositif de formation prévu par l'article 10 du décret du 24 janvier 1990, prévu pour les lauréats aux concours externes, internes et du troisième concours. Par suite, le moyen selon lequel le stage de l'intéressé se serait déroulé dans des conditions irrégulières, en l'absence de tutorat ou d'autres types d'actions de formation, est infondé.
7. En cinquième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 20 novembre 2015 portant refus de titularisation de M. A...soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Les rapports d'inspection réalisés au cours de la période de stage ainsi que les avis émis par le directeur de l'établissement et le directeur de l'établissement de formation sont concordants en ce qui concerne les manquements de l'intéressé. Les inspecteurs de l'enseignement agricole relèvent notamment que : " Malgré les remarques faites lors des précédentes inspections, il est inadmissible que tous les étudiants n'aient pas de chaussures de sécurité lors de la séance de TP à l'atelier. Le niveau technique des deux séances observées est très insuffisant. Les erreurs techniques et la méconnaissance du vocabulaire technique ne sont pas acceptables d'autant plus que M. A...demande aux étudiants d'avoir un langage technique de professionnel qu'il ne maîtrise pas lui-même. La préparation de la séance de TP est insuffisante. " et : " Le niveau d'enseignement est globalement insuffisant, des hors-sujets, voire des diversions en agronomie sont relevées, preuve que M A... n'a pas encore acquis toutes les compétences attendues pour réaliser des séances satisfaisantes. ".
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation l'arrêté du 20 novembre 2015 mettant fin aux fonctions de l'intéressé pour cause de non titularisation après sa période de stage.
Sur l'arrêté du 7 juin 2016 portant licenciement pour insuffisance professionnelle :
9. En premier lieu, l'arrêté du 7 juin 2016 comporte l'énoncé des considérations de droit et les motifs de fait sur lesquels il se fonde. Il est par suite suffisamment motivé. Contrairement à ce qui est allégué, l'article L 211-2 du code des relations entre le public et l'administration n'implique pas que l'administration joigne des documents à une décision dont les motifs se suffisent à eux-mêmes.
10. En deuxième lieu, le moyen selon lequel l'entretien préalable au licenciement de l'intéressé aurait été postérieur à celui-ci manque en fait. Les affirmations du requérant selon lesquelles la décision de le licencier aurait été prise dès juin 2015 ne reposent sur aucun fondement.
11. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A...a fait l'objet au cours de sa période de stage de quatre inspections ayant donné lieu à des rapports défavorables. Aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à l'administration de fonder une procédure de licenciement d'un agent contractuel sur des documents établis dans le cadre d'une période de stage effectuée en qualité de fonctionnaire stagiaire et n'ayant pas aboutie à une titularisation. La circonstance que le requérant n'ait fait l'objet d'aucun rapport négatif sur sa manière de servir en tant qu'agent contractuel est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en cause est entaché d'un détournement de procédure, d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02700