Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 aout 2018, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 mars 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités portugaises en vue de l'examen de sa demande d'asile ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'autoriser à demander l'asile en France et lui délivrer une attestation en qualité de demandeur d'asile dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier, renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et dispositions des paragraphes 1 de l'article 17 et 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce que sa situation familiale est particulière, son époux, M.B..., résidant en France depuis mars 2017 ;
- ils vivent en couple avec leur fille âgée de deux ans ;
- la circonstance que M. B...soit considéré comme en fuite par la préfecture ne saurait lui être imputée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Par un courrier, enregistré le 6 décembre 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine informe la cour de ce que le délai pour procéder au transfert de Mme A...a été prolongé pour cause de fuite de l'intéressée.
Mme A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissant de nationalité angolaise, est, selon ses déclarations, entrée en France le 13 octobre 2017 accompagnée de sa fille née le 26 juin 2016. Elle s'est présentée à la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 11 décembre 2017 aux fins de déposer une demande d'asile. En application du règlement UE n°603-2013 du 26 juin 2013, les empreintes digitales de l'intéressé ont été relevées et transmises à l'unité centrale " Visabio ". Il est alors apparu que l'intéressée était titulaire d'un passeport ordinaire délivré le 11 juin 2017, valable jusqu'au 11 juin 2022, revêtu d'un visa de type " C " délivré le 12 septembre 2017 par l'Angola pour le Portugal d'une validité du 12 septembre 2017 au 26 octobre 2017. Les autorités portugaises, saisies le 19 janvier 2018 d'une demande de prise en charge sur le fondement du 4 de l'article 12 du règlement UE n° 604/2013, ont accepté leur responsabilité par un accord du 12 mars 2018, accord concernant également la fille mineure de MmeA.... Par un arrêté du 21 mars 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné le transfert de Mme A... aux autorités portugaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Saisie par Mme A...d'une demande d'annulation de cette décision, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17-1 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. "
3. Si Mme A...fait valoir la présence en France de son époux, M.B..., qui résiderait en France depuis mars 2017, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que ce dernier fait également l'objet d'un arrêté de transfert vers le Portugal, notifié le 18 octobre 2017, et qu'il a été déclaré en fuite depuis le 27 octobre 2017. En outre, la requérante ne produit aucun élément attestant d'une communauté de vie avec M.B.... Dans ces conditions, la requérante ne fait valoir aucune circonstance particulière pour justifier que sa demande d'asile soit examinée par la France, les autorités portugaises ayant également accepté la prise en charge de la fille mineure de l'intéressée. Par suite, à la supposer effective, la cellule familiale peut se reconstituer au Portugal et Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les dispositions des paragraphes 1 de l'article 17 et 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeA..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée à la préfète d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT03212