Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 15NT00928 le 13 mars 2015, Mme C...B..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 octobre 2014 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 18 mars 2014 par laquelle le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
5°) de condamner l'Etat aux dépens.
Elle soutient que :
- le préfet ne démontre pas que son époux constitue une charge pour le système d'assistance sociale ainsi que d'assurance maladie ; les pensions que celui-ci perçoit lui permettent de vivre convenablement en France ; l'article 14 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 précise que le recours au système d'assistance sociale pour un citoyen de l'Union ou un membre de sa famille n'entraîne pas automatiquement une mesure d'éloignement ;
- le préfet n'a pas pris en compte la durée du séjour en France de son conjoint et donc pas procédé à un examen de sa situation individuelle, comme le prescrivent l'article 28 de la directive du 29 avril 2004 précitée et le point 1.2.2 de la circulaire du 22 décembre 2006 du ministre de l'intérieur ; son époux est entré sur le territoire français en 1975 et justifie y vivre depuis de nombreuses années.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2015, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable car elle méconnaît l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- pour le surplus, les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 15NT00929 le 13 mars 2015, M. C...B..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 octobre 2014 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 18 mars 2014 par laquelle le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
5°) de condamner l'Etat aux dépens.
Il soutient que :
- le préfet ne démontre pas qu'il constitue une charge pour le système d'assistance sociale ainsi que d'assurance maladie ; les pensions qu'il perçoit lui permettent de vivre convenablement en France ; l'article 14 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 précise que le recours au système d'assistance sociale pour un citoyen de l'Union ou un membre de sa famille n'entraîne pas automatiquement une mesure d'éloignement ;
- le préfet n'a pas pris en compte la durée de son séjour en France et donc pas procédé à un examen de sa situation individuelle, comme le prescrivent l'article 28 de la directive du 29 avril 2004 précitée et le point 1.2.2 de la circulaire du 22 décembre 2006 du ministre de l'intérieur ; il est entré sur le territoire français en 1975 et justifie y vivre depuis de nombreuses années.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2015, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable car elle méconnaît l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- l'épouse du requérant souhaite déposer un dossier de regroupement familial pour ses deux enfants issus de deux précédentes unions au Sénégal ; la famille C...B...serait ainsi portée à six membres avec des ressources identiques ;
- le requérant n'entre pas davantage dans les dispositions de l'article L. 511-4 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison du fait qu'il n'a pas résidé de manière ininterrompue en France durant les 5 années précédentes, à compter de sa dernière date d'entrée en France ;
- pour le surplus, les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. et Mme C...B...ont été admis chacun au bénéfice de l'aide juridictionnelle par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle des 11 et 16 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2013-1263 du 27 décembre 2013 portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pérez, président-rapporteur.
1. Considérant que les requêtes n°15NT00928 et n°15NT00929, présentées respectivement par Mme et M. C...B..., concernent la situation d'un couple, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. C...B..., ressortissant portugais et Mme C...B..., ressortissante sénégalaise, relèvent appel du jugement du 16 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 18 mars 2014 par lesquels le préfet d'Indre-et-Loire leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V. " ; qu'aux termes de l'article R. 121-4 de ce code : " Les ressortissants qui remplissent les conditions mentionnées à l'article L. 121-1 doivent être munis de l'un des deux documents prévus pour l'entrée sur le territoire français par l'article R. 121-1. L'assurance maladie mentionnée à l'article L. 121-1 doit couvrir les prestations prévues aux articles L. 321-1 et L. 331-2 du code de la sécurité sociale. Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour. En cas de doute, le préfet peut, sans y procéder de façon systématique, vérifier que les conditions mentionnées aux articles L. 121-1, R. 121-6 et R. 121-7 sont satisfaites (...) " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 (...) ;
4. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées des articles L. 121-1, R. 121-4, L. 121-4 et L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'insuffisance des ressources peut être opposée par le préfet pour prendre une décision d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant de l'Union européenne qui séjourne en France depuis plus de trois mois, alors même que l'intéressé n'est pas encore effectivement pris en charge par le système d'aide sociale ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté, que les revenus perçus par M. C...B...au titre de l'année 2013 se sont élevés à la somme globale de 12 505,20 euros ; que cette somme comprenait une pension de base versée par la sécurité sociale d'un montant de 4 789 euros, une pension complémentaire d'un montant de 1 387,77 euros et une pension portugaise d'un montant de 6 328,43 euros ; que ces revenus étaient par conséquent inférieurs à la fois au montant forfaitaire du revenu de solidarité active fixé pour un couple avec deux enfants à 1 048,55 euros par mois, soit 12 582,60 euros par an, en application des dispositions combinées des articles L. 262-2 et R. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et du décret du 27 décembre 2013 susvisé et au montant maximum servi au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées fixé à 13 765,73 euros par an pour un couple, en application des dispositions combinées des articles L. 815-1 et D. 815-1 du code de la sécurité sociale ; que, dans ces conditions, M. et Mme C...B...ne peuvent être regardés comme disposant de ressources suffisantes au sens des dispositions précitées du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que si M. C...B...allègue séjourner en France depuis 1975, il ressort des pièces du dossier et des déclarations des requérants que M. C...B...a séjourné au Sénégal 7 mois en 2010, 11 mois en 2011, 9 mois en 2012 et 9 mois en 2013 et que les intéressés sont entrés en France pour la dernière fois le 12 octobre 2013 ; qu'aucun élément du dossier ne permet dès lors d'estimer que la situation personnelle des époux C...B...n'aurait pas fait l'objet de la part de l'administration d'un examen particulier ; que ce moyen doit être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la directive communautaire 2004/38/CE du 29 avril 2004 a été transposée aux articles L. 121-1 et suivants et R. 121-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'article 23 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et par le décret n° 2007-371 du 21 mars 2007 ; que, par suite, M. et Mme C... B...ne sauraient utilement se prévaloir de l'effet direct de cette directive communautaire, notamment de son article 14 ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 28 de la directive du 29 avril 2004 susmentionnée: " Avant de prendre une décision d'éloignement du territoire pour des raisons d'ordre public ou de sécurité publique, l'État membre d'accueil tient compte notamment de la durée du séjour de l'intéressé sur son territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l'État membre d'accueil et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine " ; que ces dispositions, qui figurent au chapitre VI de la directive, relatif à la limitation du droit d'entrée et du droit au séjour pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, ne s'appliquent qu'à l'éloignement forcé d'un citoyen de l'Union Européenne ou d'un membre de sa famille ordonné pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ;
9. Considérant que les arrêtés du préfet d'Indre-et-Loire ont été pris, en application du 1° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux motifs que M. et Mme C...B...ne remplissaient pas les conditions des 2° et 4° de l'article L. 121-1 du même code susmentionnés ; que, les arrêtés contestés n'ayant pas été pris pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, M. et Mme C...B...ne sauraient utilement invoquer la méconnaissance de l'article 28 de la directive du 29 avril 2004 ;
10. Considérant, en dernier lieu, que M. et Mme C...B..., ressortissants portugais et sénégalais, ne peuvent se prévaloir utilement de la méconnaissance des dispositions du point 1.2.2 de la circulaire du 22 décembre 2006 relative aux modalités d'admission des ressortissants roumains et bulgares à partir du 1er janvier 2007 ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, par les moyens qu'ils invoquent, M. et Mme C...B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes ;
12. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme C...B...ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 15NT00928 de Mme C...B...et la requête n° 15NT00929 de M. C...B...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouse C...B..., à M. F...C...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2016.
Le président-assesseur,
JF. MILLETLe président-rapporteur,
A. PÉREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 15NT00928,15NT00929 3
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