Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 juin 2015, M. B..., représenté par MeC...'h, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 janvier 2015 ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié ", à défaut, de réexaminer sa situation aux fins de délivrance d'un titre l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 10 euros par jour de retard;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, qui devra être versée à son conseil, MeC...'h, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de 2 ans est insuffisamment motivé ;
- le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas examiné sa situation personnelle avant d'édicter cet arrêté ;
- en ne saisissant pas la commission du titre de séjour, alors qu'il justifie d'une présence en France depuis 10 ans, le préfet de la Loire-Atlantique a entaché son refus de titre de séjour d'un vice de procédure ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en ne lui accordant pas de délai volontaire sur le fondement des dispositions du f du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il dispose de garanties de représentation suffisantes, le préfet de la Loire-Atlantique a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant assignation à résidence méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors qu'il n'a pas été en mesure de présenter des observations avant sa mise en oeuvre ;
- cette décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2015, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;
- et les observations de MeC...'h, représentant M. B....
1. Considérant que M.B..., ressortissant guinéen né le 12 février 1985, déclare être entré irrégulièrement en France le 16 juillet 2004 ; qu'il a déposé une demande d'asile le 22 juillet 2004 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande le 25 août 2004, refus confirmé le 16 mars 2005 par la commission de recours des réfugiés ; que le 20 avril 2005, l'intéressé a fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et invitation à quitter le territoire français ; que le 22 juillet 2010 le requérant a sollicité, auprès de la préfecture de l'Isère, un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité d'étranger malade ; qu'à ce titre une autorisation provisoire de séjour lui a été délivrée ; que, toutefois, sur le fondement d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de l'Isère a pris a son encontre un arrêté le 23 mars 2012 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas été exécuté ; que dès lors M. B...a sollicité, auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique, le 11 avril 2013 son admission exceptionnelle au séjour, notamment sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tout en se prévalant des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par un arrêté du 7 février 2014, le préfet de la Loire-Atlantique a pris à son encontre un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'enfin, M. B...a de nouveau sollicité le 21 août 2014, sur le même fondement, la délivrance d'un titre de séjour, qui lui a été refusée par l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 6 janvier 2015 prononçant également à son encontre l'obligation de quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être admissible, ainsi que l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ; que, par un arrêté du même jour, le préfet de la Loire-Atlantique l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours ; que M. B...relève appel du jugement du 8 janvier par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen personnel de la situation de M. B...doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que si M. B...se prévaut d'une présence en France supérieure à dix ans, et soutient, en conséquence que le préfet de la Loire-Atlantique a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne saisissant pas la commission du titre de séjour, il ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans, notamment par la seule production de billets de transport en commune entre les années 2006 et 2009 ; que, compte tenu de ces éléments, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que M. B... ne justifiait pas, à la date de l'arrêté contesté, résider habituellement en France depuis plus de dix ans ; que, par suite, en ne saisissant pas la commission du titre du séjour, il n'a pas méconnu les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile .
4. Considérant, en troisième lieu, que M. B...reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que le préfet de la Loire-Atlantique a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que M. B... soutient que la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme au motif, notamment, qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine, qu'il est bien intégré en France où il séjourne depuis 2004 et où il s'est établi personnellement et professionnellement ; que cependant, il est constant qu'il est célibataire et sans enfant ; qu'en outre, il ne démontre pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans, et où résident sa mère, son frère et sa soeur ; qu'ainsi, eu égard en particulier aux conditions de son séjour et à l'absence de justification d'attaches familiales en France, le préfet de la Loire-Atlantique a pu refuser à M. B... un titre de séjour sans porter, au regard des motifs de cette décision, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique par rapport à celle du refus de séjour ; qu'il ressort des termes de cet arrêté que la situation personnelle de M. B...a fait l'objet d'un examen particulier ;
7. Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales présenté à l'appui de la contestation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
8. Considérant, en premier lieu, que la décision portant refus de délai de départ volontaire, qui comporte les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen personnel de la situation de M. A...doit être écarté ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3 ° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;
10. Considérant que si M. B...soutient sans être contesté sur ce point qu'il justifiait de garanties de représentation suffisantes pour se voir accorder un délai de départ volontaire, il est, toutefois, constant que l'intéressé n'a pas déféré à deux précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre en 2012 et 2014 ; que, dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser un délai de départ volontaire à M. B...en application des dispositions du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. Considérant, en premier lieu, que la décision fixant le pays à destination duquel M. B... pourrait être reconduit, vise le I de l'article L. 511-1 et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité de l'intéressé et précise qu'après les décisions de refus des instances en charge de l'asile de lui accorder le statut de réfugié, il n'a produit aucun élément de nature à établir qu'il ferait l'objet de menaces ou de risques pour sa sécurité ou sa vie en cas de retour en Guinée ; que cette décision répond ainsi aux exigences prévues par les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
12. Considérant, en second lieu, que M. B...soutient qu'il ne peut pas retourner en Guinée en raison des risques encourus du fait de la présence actuelle du virus Ebola ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence de ce virus en Guinée serait telle que son retour dans son pays pourrait lui faire craindre pour sa vie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
13. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) - Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) - L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " ;
14. Considérant que la décision contestée indique que, si le comportement de M. B... ne présente pas une menace à l'ordre public, sa dernière demande de délivrance d'un titre de séjour formée six mois après une précédente mesure d'éloignement est manifestement infondée, que l'intéressé a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement auxquelles il n'a pas déféré et qu'il ne justifie pas d'attaches privées et familiales fortes en France ; que, dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique, qui a suffisamment motivé sa décision, a pu sans commettre d'erreur d'appréciation assortir sa mesure d'éloignement d'une interdiction de retour en France de deux ans ; que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
15. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment du III de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions administratives plaçant des étrangers en rétention administrative ou les assignant à résidence ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision d'assignation à résidence ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'assignation à résidence en litige serait illégale faute d'avoir été précédée du recueil des observations de M. B...doit être écarté ;
16. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas établie ; que, par suite, le moyen tiré par voie d' exception de l'illégalité de cette décision doit être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01903