Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 août 2015, le préfet de la Mayenne demande à la cour d'annuler ce jugement du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors d'une part qu'il est fondé sur une ordonnance médicale du 15 juin 2015 dont il a été fait état dans un mémoire du 30 juin 2015 de M. A...qui ne lui a pas été communiqué, d'autre part qu'il a omis de statuer sur l'absence de résidence habituelle en France de M. A...et sur l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge de la pathologie de M.A..., qu'il avait invoquées ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il avait contesté la prise en charge par le requérant en Guinée de sa mère qui est hémiplégique et non tétraplégique ;
- le requérant n'a pas sa résidence habituelle en France ; l'ordonnance médicale du 15 juin 2015 est postérieure à l'arrêté ; il n'est pas établi que le médicament Lercanidipine était nécessaire à la date de l'arrêté contesté ; les conditions pr M. A...de prise de médicaments en Guinée sont incompréhensibles ; les conséquences d'un défaut de prise en charge de la pathologie de M. A...ne seraient pas d'une exceptionnelle gravité ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2016, M.A..., représenté par MeD..., conclut à ce que soit rejetée la requête du préfet de la Mayenne, à tout le moins à ce que soient annulées les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination dès lors qu'à la suite du jugement contesté, il a obtenu un titre de séjour valable du 3 mars 2015 au 2 mars 2016, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me D...d'une somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Mayenne ne sont pas fondés.
M. A...a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bataille.
1. Considérant que le préfet de la Mayenne demande à la cour d'annuler le jugement du 16 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 12 mars 2015 refusant à M. E...A...la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi (article 1er), lui a enjoint de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 2 mars 2016 dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement (article 2) et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à MeD..., conseil de M.A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3) ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le préfet de la Mayenne soutient que le jugement contesté est irrégulier en ce que, d'une part, il est fondé sur une ordonnance médicale du 15 juin 2015 dont il a été fait état dans un mémoire du 30 juin 2015 de M. A...qui ne lui a pas été communiqué, d'autre part, il a omis de statuer sur les absences, qu'il avait invoquées en défense, de résidence habituelle en France de M. A...et de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge de la pathologie de M. A...; que si M. A...fait valoir que le médicament mentionné dans son mémoire du 30 juin 2015 l'était déjà en tout état de cause dans les pièces jointes à sa requête, il ressort des énonciations du jugement que celui-ci a omis de répondre aux moyens en défense précités, qui n'étaient pas inopérants ; que, par suite, le jugement est entaché d'un défaut de motivation et doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu pour la cour, statuant immédiatement par voie d'évocation, d'examiner la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. Considérant en premier lieu que, par arrêté du 4 mars 2014, le préfet de la Mayenne a donné délégation de signature à Mme C...F..., sous-préfète de l'arrondissement de Laval et secrétaire générale de la préfecture de la Mayenne, signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer tous arrêtés sauf exceptions au nombre desquelles ne figure pas la signature des arrêtés tels que celui en cause ; que, par suite, le moyen soulevé par M. A...et tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté ;
5. Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
6. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
7. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
8. Considérant que, par un avis rendu le 2 mars 2015, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays d'origine ; que le préfet de la Mayenne a refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié en Guinée ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...souffre d'hypertension artérielle et d'un diabète latent ; que le préfet fait état de la possibilité de soins appropriés à cet état de santé dans les centres hospitaliers universitaires de Conakry et d'une liste nationale de médicaments disponibles ; que si M. A...fait valoir sans plus de précision que le médicament " Lercanidipine " n'est pas disponible en Guinée, il n'établit pas qu'il ne puisse y obtenir une molécule équivalente ; que, dans ces conditions, le préfet de la Mayenne a pu ne pas prendre en compte l'avis médical du 2 mars 2015 et refuser à M. A...le renouvellement du titre de séjour en tant qu'étranger malade, qu'il avait obtenu du 20 septembre 2011 au 12 décembre 2014 ;
10. Considérant en troisième lieu que M. A...soutient que le refus de délivrance d'un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est marié depuis 1999 avec MmeB..., qui réside régulièrement en France, qu'il vit avec cette dernière et leur fille depuis février 2010 et que ses déplacements fréquents et de longue durée en Guinée ne sont dus qu'au soutien qu'il doit porter à sa propre mère hémiplégique et à ses deux autres enfants ; que, toutefois, il n'établit pas la communauté de vie avec son épouse, le bail du logement étant au seul nom de cette dernière et la demande de regroupement familial au profit de leurs deux enfants, acceptée le 2 février 2015, n'ayant été effectuée que par Mme B...et non au nom des deux époux ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
11. Considérant en quatrième lieu qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Mayenne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, il n'est pas plus fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle portant obligation de quitter le territoire français non plus que, par voie de conséquence, l'illégalité de ces décisions à l'encontre de celle fixant le pays de renvoi ;
12. Considérant en cinquième lieu que M. A...n'établit pas encourir des risques de traitement inhumain au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi en Guinée ; que, contrairement à ce qu'il soutient, le jugement est suffisamment motivé à cet égard ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 12 mars 2015 du préfet de la Mayenne ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées ; qu'il en va de même de ses conclusions, l'Etat n'étant pas partie perdante, présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1911 tant devant le tribunal administratif de Nantes que devant la cour ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1504064 du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
Le président rapporteur,
F. BatailleL'assesseur le plus ancien,
S. Aubert
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02632 3
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