Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistréele 13 novembre 2015 et le 18 février 2016, Mme C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 juin 2015 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre aux autorités consulaires à Yaoundé de lui délivrer, sans délai, les visas sollicités, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;
- la procédure suivie est irrégulière : elle est française ; les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui sont pas applicables ; en tout état de cause, l'engagement des mesures de vérification des actes d'état civil qu'elle a présentés n'a été précédé d'aucune information préalable ; il est impossible de comprendre en quoi les actes civils produits ne sont pas authentiques ;
- les décisions contestées sont entachées d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ; les actes d'état-civil produits sont authentiques ; le lien de filiation est établi ; la qualité de l'agent ayant procédé aux vérifications n'est pas précisée ;
- elle contribue de manière régulière à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que l'intéressée réitère pour l'essentiel ses moyens de première instance et renvoie à ses écritures devant le tribunal administratif de Nantes
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet.
1. Considérant que Mme C... relève appel du jugement du 26 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours dirigé contre la décision du 25 juin 2012 des autorités consulaires françaises à Yaoundé refusant la délivrance d'un visa de long séjour à ses enfants allégués Daniel Mbengue Eyoum et Désiré Eyoum, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant que Mme C...a déposé, le 22 septembre 2011, des demandes de visas de long séjour qui lui ont été refusés par la décision du 25 juin 2012 des autorités consulaires à Yaoundé ; qu'à la suite du recours déposé par Mme C...le 25 juillet 2012, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a confirmé implicitement ce refus ;
3. Considérant, en premier lieu, que les décisions par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejette, implicitement ou expressément, les recours introduits devant elle se substituent à celles des autorités diplomatiques et consulaires ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la décision du 25 juin 2012 des autorités consulaires à Yaoundé a été prise sur une procédure irrégulière, qu'elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation ; que, dans cette hypothèse, l'article 5 précité prévoit qu'à la demande de l'intéressée, les motifs de toute décision implicite de rejet doivent lui être communiqués dans le mois suivant cette demande ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C...aurait demandé à la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France la communication des motifs du rejet implicite de son recours ; que, par suite, le moyen, à le supposer invoqué, tiré du défaut de motivation de la décision implicite contestée ne saurait être retenu ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; que l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que, dans le cadre de la procédure d'entrée sur le territoire d'enfants de parent français, l'administration n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits ; que si Mme C...soutient que ces dispositions ne sont pas applicables à sa demande, elle n'apporte aucune précision à l'appui de ses allégations ; qu'elle n'assortit pas davantage de précisions son moyen tiré de ce que " l'engagement des mesures de vérification des actes d'état civil qu'elle a présentés n'a été précédé d'aucune information préalable " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'enquête effectuée par le chef du services des visas de la section consulaire de l'ambassade de France auprès du centre d'état civil de Yaoundé I a révélé que les actes de naissance des enfants Daniel Mbengue Eyoum et Désiré Eyoum, référencés dans le registre " spécial " des naissances sous le numéro 59 de l'année 1998, figurent à la suite l'un de l'autre alors que les enfants sont nés à trois années d'écart ; que l'attestation du secrétaire de l'état-civil de Yaoundé I, établie le 23 avril 2015, selon laquelle la coïncidence des numéros (...) dans les actes de naissance ne devrait nullement être prise en considération " ne suffit pas à établir l'authenticité des actes litigieux ; que l'absence de valeur probante des pièces d'état civil produites ne permet donc pas d'établir l'identité et le lien de filiation entre Mme C...et ceux qu'elle présente comme étant ses enfants ; que, dès lors, la commission n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait ou d'une erreur d'appréciation ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que l'article 311-14 du code civil dispose que " la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant " ; qu'à la date de la naissance alléguée de chacun des enfants Daniel Mbengue Eyoum et Désiré Eyoum, en 1995 et 1998, Mme C...était de nationalité camerounaise ; qu'il en résulte que la preuve de la filiation entre la requérante et ces deux enfants au moyen de la possession d'état ne peut être établie que si, en vertu de la loi camerounaise applicable lors de la naissance de l'enfant, un mode de preuve comparable de la filiation y était admis ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en vertu de l'ordonnance alors en vigueur du 29 juin 1981 portant organisation de l'Etat civil au Cameroun et diverses dispositions relatives à l'état des personnes, le lien de filiation ait pu être établi dans ce pays par la possession d'état ; que, dans ces conditions, si Mme C...se prévaut de versements d'argent effectués au bénéfice des enfants Daniel Mbengue Eyoum et Désiré Eyoum, ces éléments ne sont pas, en tout état de cause, de nature à établir le lien de filiation qu'elle allègue ;
8. Considérant qu'en l'absence d'établissement du lien de filiation avec les enfants Daniel Mbengue Eyoum et Désiré Eyoum, la décision contestée n'a pas porté atteinte au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ni à l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'en conséquence, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne peuvent qu'être écartés ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme Buffet, premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
Le rapporteur,
C. BUFFET Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03449