Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2019, et un mémoire enregistré le 21 janvier 2021, M. et Mme H..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 septembre 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au maire d'Yquelon de réexaminer la demande de permis d'aménager dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Yquelon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement a omis de répondre au moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué faute d'indication sur la mise en oeuvre de l'article 1AU 3 du plan local d'urbanisme (PLU) ;
- la largeur du chemin de la Chevalerie, supérieure à 3,5 mètres, ne méconnait pas les dispositions de l'article 1AU 3 du règlement applicable à la zone AU du plan local d'urbanisme, qui, en tout état de cause, autorisent, sous certaines conditions, remplies en l'espèce, que la largeur d'une voie soit inférieure ;
- le chemin de la Chevalerie n'est pas un chemin piétonnier ; la commune ne pouvait dès lors opposer ce motif ;
- l'application qui a été faite de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) est entachée d'erreur d'appréciation.
- l'OAP est elle-même illégale dès lors que les articles L. 151-6 et L .151-7 du code de l'urbanisme n'habilitent pas les auteurs à interdire la circulation automobile qui est un pouvoir de police du maire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2020 et un mémoire enregistré le 22 janvier 2021 et non communiqué, la commune d'Yquelon, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision attaquée est légalement fondée sur les dispositions de l'article Nj du règlement du PLU approuvé le 7 novembre 2016 et demande à la cour de faire droit à sa demande de substitution de motif et soutient en outre qu'aucun moyen soulevé dans la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. B...,
- et les observations de Me F..., substituant Me D..., représentant M. et Mme H... et de Me C..., substituant Me E..., représentant la commune d'Yquelon.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme H... ont déposé, le 29 juillet 2016, une demande de permis d'aménager un lotissement nommé " la Butte cavée ", composé de cinq lots, sur les parcelles cadastrées AB nos 156 et 205 situées chemin de la Chevalerie, et d'une superficie respective de 314 et 2 298 m². Par un arrêté du 21 octobre 2016, le maire d'Yquelon leur a opposé un refus. Saisi par M. et Mme H..., le tribunal administratif de Caen a annulé ce refus par un jugement du 29 décembre 2017 et enjoint à la commune d'instruire à nouveau la demande. Par l'arrêté attaqué du 19 mars 2018, le maire a, à nouveau, opposé un refus à la demande des requérants. M. et Mme H... relèvent appel du jugement du 18 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2018.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables. ".
3. L'arrêté contesté qui vise les dispositions de texte applicables, notamment concernant les orientations d'aménagement et de programmation (OAP), cite l'article 1AU3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) aux termes duquel les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies publiques ou privées doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent ou aux opérations qu'elles doivent desservir et les voies doivent présenter des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie et de la protection civile et comporter une chaussée d'au moins 3,50 m de largeur. Il expose que le projet de lotissement prévoit d'affecter un usage automobile au Chemin de la Chevalerie et serait de nature à compromettre la réalisation de l'OAP dans cette zone et que le Chemin de la Chevalerie, qui comporte une chaussée de 3,10 mètres, contrevient à l'article 1AU3. La seule circonstance que l'arrêté attaqué ne mentionne pas la possibilité, prévue au dernier alinéa de l'article 1AU3, d'admettre, si les conditions techniques, urbanistiques et de sécurité le permettent, une voie d'accès d'une largeur inférieure ne saurait le faire regarder comme insuffisamment motivé. Le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté doit donc être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".
5. La décision attaquée faisant suite à une demande, elle n'était pas soumise au respect d'une procédure contradictoire. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure, faute de mise en oeuvre d'une procédure contradictoire, doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ". Il résulte de ces dispositions que les travaux ou opérations d'urbanisme doivent être compatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation (OAP).
7. Aux termes du règlement applicable à la zone 1AU : " La zone 1AU est une zone non ou insuffisamment équipée, réservée à l'urbanisation future. / (...) / Toutes opérations de construction ou d'aménagement décidées dans un secteur concerné par une orientation d'aménagement devront être compatibles avec celles-ci. / La zone 1AU comprend : - le secteur 1AUc situé en centre-bourg. Il est destiné à recevoir des constructions à usage d'habitation, ainsi que les activités et les services nécessaires à la vie sociale (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que les orientations d'aménagement du plan local d'urbanisme d'Yquelon fixent notamment comme objectifs pour le secteur des Prairies du Bourg classé en zone AUc, où se situent les parcelles en litige, que celui-ci soit réintégré dans le fonctionnement du bourg, qu'y soit créée une nouvelle voie qui irriguera les terrains et qu'y soient poursuivis les cheminements piétons avec la création de nouveaux cheminements. Le chemin de la Chevalerie qui dessert les parcelles des requérants est présenté comme " une liaison piétonne à maintenir ou développer ". Cette indication de l'orientation d'aménagement liée aux Prairies du Bourg, par sa teneur et sa précision, ne constitue pas une simple prévision non opposable à une autorisation d'urbanisme. Si les articles 1 et 2 du règlement de la zone 1AU, qui énumèrent respectivement les occupations et utilisations du sol interdites et celles qui sont soumises à des conditions particulières, ne mentionnent pas la construction de nouvelles maisons d'habitation, ils disposent que celles-ci doivent être compatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation et en particulier avec le maintien du caractère piétonnier du chemin de la Chevalerie. Les orientations qui visent à favoriser le développement urbain de cette zone, tout en maintenant le caractère piétonnier de certaines liaisons existantes, ne sont pas, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme H..., contradictoires. L'orientation qui vise à faire du chemin de la Chevallerie un chemin piétonnier précise les principales caractéristiques des voies publiques, comme le permet le 5° de l'article L. 157-1 du code de l'urbanisme et n'est pas dépourvue de base légale.
9. Enfin la circonstance que des permis de construire auraient été délivrés en 2015 sur des parcelles voisines et dans une situation analogue à celle de M. et Mme H... est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Ainsi, en estimant que la construction d'un lotissement de cinq maisons qui ne pourrait être desservi, en l'état des voieries existantes, que par le chemin de la Chevalerie, était incompatible avec les orientations d'aménagement de la commune, le maire n'a pas commis d'erreur de droit.
10. En deuxième lieu, si l'article 1AU 3 du règlement du PLU relatif à la voirie prévoit que les voies doivent présenter en principe une chaussée d'au moins 3,50 mètres, laquelle peut être réduite si les conditions techniques, urbanistiques et de sécurité le permettent, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer à la collectivité de transformer en une voie ouverte à la circulation automobile toute liaison qui présenterait ces caractéristiques. Les circonstances que cette voie pourrait être utilisée par les automobilistes et que le commissaire enquêteur, lors de l'élaboration du PLU aurait indiqué que le premier tiers du chemin était urbanisé sont sans incidence sur le choix opéré par la commune de faire de cette voie un chemin piétonnier n'ayant pas vocation à desservir des habitations. La circonstance qu'antérieurement à la révision du PLU des permis de construire aient pu être délivrés à deux habitations, qui ne seraient desservies que par ce chemin, ne suffit pas à rendre ce chemin, devenu piétonnier depuis, ouvert à la circulation des automobiles.
11. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de substitution de motifs de la commune, les moyens tirés de ce que le maire de celle-ci aurait fait une inexacte application des dispositions précitées et une erreur de fait en rejetant la demande des requérants au motif que la seule voie d'accès au projet, à l'heure actuelle, est le chemin de la Chevalerie, voie qui n'est pas ouverte à la circulation des automobiles, doivent être écartés.
12. En troisième lieu, l'autorité de la chose jugée s'attachant au dispositif d'un jugement annulant un refus de permis de construire, ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire, fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le permis de construire sollicité soit à nouveau refusé par l'autorité administrative ou que le permis accordé soit annulé par le juge administratif, pour un motif identique à celui qui avait été censuré par le tribunal administratif. En l'espèce, l'arrêté attaqué a ajouté un nouveau motif aux motifs opposés par le premier refus de permis d'aménager, annulé par le tribunal administratif. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, lequel n'est entaché d'aucune irrégularité, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.
14. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Yquelon qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme H... ne peuvent dès lors être accueillies.
16. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme H... une somme de 1 500 euros qui sera versée à la commune d'Yquelon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme H... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme H... verseront à la commune d'Yquelon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme G... H... et à la commune d'Yquelon.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme A..., présidente assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe de la cour le 12 février 2021.
Le rapporteur,
H. A...
Le président,
A. PÉREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04418