Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que le lien de filiation entre Mme B... et ses filles alléguées était établi par les documents d'état-civil produits ;
- compte tenu des incohérences entachant les déclarations de l'intéressée et de la date, postérieure au refus de visa, des justifications apportées, la filiation par possession d'état ne peut davantage être établie ;
- à supposer même que le lien de maternité puisse être regardé comme établi, les visas sollicités ne pouvaient être délivrés, en application de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de démontrer le décès ou la déchéance des droits parentaux du père des enfants au bénéfice desquelles ils ont été demandés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2018, MmeB..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour de rappeler au ministre de l'intérieur l'injonction prononcée par le jugement attaqué, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que la demande de sursis à exécution n'est pas fondée et qu'elle entend réitérer les moyens qu'elle a soulevés en première instance.
Mme B...a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2018.
Vu :
- la requête, enregistrée le 17 mai 2018 sous le n° 17NT01966, par lequel le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes n° 1601338 du 23 mars 2018 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu
La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
le code civil ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante guinéenne née le 1er janvier 1981 et entrée en France en février 2004, bénéficie du statut de réfugié depuis 2005. Elle a déposé une demande de visas d'entrée et de long séjour, au titre du rapprochement familial, pour les jeunes Fatoumata B...et AïchaB..., résidant au Mali, qu'elle présente comme ses filles. Le 22 juillet 2015, les autorités consulaires françaises à Bamako ont refusé de délivrer les visas sollicités. Le 19 octobre 2015, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé par Mme B...contre la décision consulaire. Par jugement du 23 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission. Par la présente requête, le ministre demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ".
3. Les moyens invoqués par le ministre, à l'appui de sa requête à fin de sursis à exécution du jugement attaqué, ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. Par suite, il y a lieu de rejeter la requête à fin de sursis à exécution.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction prononcée par les premiers juges d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
5. Mme B...a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par conséquent, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me A...de la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me A...la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B...est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme M'C...B....
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
Le rapporteur,
K. BOUGRINELe président,
A. PEREZ Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01966