Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2015, Mme B...D..., représentée par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 novembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du 15 février 2012 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au ministre de l'intérieur de délivrer à son fils un visa de long séjour ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle a toujours été cohérente dans ses déclarations concernant son fils G...né le 7 janvier 2002 ;
- la validité de l'acte de naissance qu'elle a produit n'a pas été remise en cause par le ministre de l'intérieur, qui n'apporte pas la preuve que cet acte serait frauduleux ;
- la seule autorisation de sortie du territoire signée à tort par sa soeur, en sa qualité de tutrice de l'enfant, ne suffit pas à établir l'absence de filiation entre elle et son fils ;
- au regard des éléments de possession d'état, le lien de filiation entre elle et son fils ne peut être remis en cause ;
- la décision contestée est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'article16-3 de la déclaration universelle des droits de l'homme, aux stipulations du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatifs à la protection des conflits armés internationaux du 8 juin 1977, aux recommandations n° R (99) 23 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur le regroupement familial pour les réfugiés et les autres personnes ayant besoin de la protection internationale du 15 décembre 1999 et à la directive 2003/86/CE du Conseil de l'Union européenne du 22 septembre 2003 ;
- cette décision est également contraire aux stipulations des articles 3-1 et 9-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la déclaration universelle des droits de l'homme ;
- le protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatifs à la protection des conflits armés internationaux du 8 juin 1977 ;
- les recommandations n° R (99) 23 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur le regroupement familial pour les réfugiés et les autres personnes ayant besoin de la protection internationale du 15 décembre 1999 ;
- la directive 2003/86/CE du Conseil de l'Union européenne du 22 septembre 2003 ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B...D..., ressortissante ivoirienne qui a obtenu le statut de réfugiée politique et réside en France sous couvert d'une carte de résident valable jusqu'au 13 octobre 2018 et qui a épousé un ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 7 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2012 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision du 26 octobre 2011 des autorités consulaires françaises à Conakry ( Guinée) refusant de délivrer à l'enfant, G...Madigbe, un visa de long séjour en France en qualité d'enfant de réfugiée statutaire ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;
3. Considérant que la circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un enfant mineur d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien de filiation produits à l'appui de la demande de visa ;
4. Considérant que la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur le fait que Mme B...D...n'a pas indiqué lors de sa demande d'asile que l'enfant G...J...D...serait son fils et a même reconnu qu'il ne s'agissait pas de son fils mais de celui de son beau-frère, mari de sa soeur ; qu'au vu de ses éléments la commission a estimé que la filiation entre l'intéressée et cet enfant n'étant pas établie, ce dernier ne pouvait obtenir le visa qu'il sollicitait en qualité d'enfant de réfugiée statutaire ;
5. Considérant que dans une note du 7 juillet 2011 adressée à la direction de l'immigration du ministère de l'intérieur, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a indiqué que lors de sa demande de réexamen, Mme B...D..., épouse de M. F...D..., avait précisé que le jeune G...J...D...n'était pas son fils mais celui de son beau-frère ; que le ministre de l'intérieur produit en outre un courrier du maire de Conakry adressé aux autorités consulaires françaises en Guinée précisant que l'extrait d'acte de naissance produit à l'appui de la demande de visa de l'enfant n'avait pas été retrouvé dans les archives des registres de naissance pour l'année 2002 de l'état civil de la mairie de Kaloum-Conakry ; que dans la demande de visa à laquelle était annexée une autorisation parentale et une autorisation de sortie du territoire signée par Mme E...C..., se présentant comme la tante et tutrice de l'enfant, le nom du père du jeune G...J...D...était Ousmane D...et non OumarD... ; que Mme B...D...se borne à soutenir que ses déclarations sur son fils allégué prénommé G...J...n'ont pas varié et se prévaut d'un questionnaire de la préfecture de la Seine-Saint-Denis renseigné par M. F...D..., son mari, indiquant qu'il avait alors deux enfants, dont G...J...né le 7 janvier 2002 ; que toutefois, compte tenu de la contradiction existant entre les différents documents mentionnés ci-dessus, c'est à juste titre que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que l'acte d'état-civil produit à l'appui de la demande de visa du jeune G...J...D...ne permettait pas d'établir de manière probante son lien de filiation vis-à-vis de Mme B...D...et que ce document était dépourvu de valeur probante ;
6. Considérant que MmeD..., qui se borne à produire un livret scolaire indiquant au demeurant que la tutrice de l'enfant est Mme I...C...et non Mme E...C...comme elle le prétend, ainsi que des attestations de ses proches et quelques documents supposés retranscrire des virements bancaires, ne démontre pas davantage l'existence d'une situation de possession d'état ;
7. Considérant, enfin, qu'à défaut d'établissement du lien de filiation entre elle et l'enfant G...J...D..., Mme B...D...ne peut utilement invoquer la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de celles de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, de l'article16-3 de la déclaration universelle des droits de l'homme, du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatives à la protection des conflits armés internationaux du 8 juin 1977, ni les recommandations n° R (99) 23 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur le regroupement familial pour les réfugiés et les autres personnes ayant besoin de la protection internationale du 15 décembre 1999, ni les stipulations de la directive 2003/86/CE du Conseil de l'Union européenne du 22 septembre 2003 ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme D..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer à l'enfant G...J...D...un visa de long séjour ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande de visa, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2016
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT02091