Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 octobre 2015, 20 juin et 14 octobre 2016, la commune de Barbâtre, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 août 2015 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter le déféré du préfet de la Vendée présenté devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularités en ce que le tribunal administratif de Nantes n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que d'importants travaux avaient été réalisés dans le cadre du programme d'actions de prévention des inondations (PAPI) sur la digue de Sébastopol et la digue du sud du Gois qui n'avaient pas été pris en compte par le plan de prévention des risques littoraux (PPRL); le tribunal administratif n'a pas non plus fait allusion à l'étude remettant en cause celles diligentées par l'Etat à l'occasion de l'élaboration de ce plan de prévention ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le permis de construire n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des prescriptions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; les études réalisées par l'Etat ne sont pas pertinentes ; au cours des études menées entre 2012 et 2015, les brèches identifiées se sont déplacées ; la communauté de communes a fait réaliser une contre-expertise qui relève les incohérences et insuffisances de ces études ; d'importants travaux ont été engagés sur les digues dans le cadre du programme d'actions de prévention des inondations de l'Ile de Noirmoutier 2013-2018 (PAPI) qui sont de nature à réduire la probabilité d'occurrence du risque de submersion marine ; la circulaire du 27 juillet 2011 a imposé illégalement de ne pas prendre en compte, lors de l'élaboration des plan de prévention des risques littoraux, les travaux de protection contre la mer qui n'étaient pas achevés à la date de leur approbation ; elle ne pouvait servir de fondement à l'établissement de ces plans de prévention ; enfin, la construction projetée comporte un étage.
Par des mémoires, enregistrés les 15 février et 25 août 2016, le préfet de Vendée conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Barbâtre ne sont pas fondés.
Une mise en demeure a été adressée, le 5 avril 2016, à M. et Mme B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeC..., représentant la commune de Barbâtre.
1. Considérant que la commune de Barbâtre relève appel du jugement du 31 août 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 19 juin 2014 du maire délivrant, à M. et MmeB..., un permis de construire une extension de leur maison d'habitation, ainsi que la décision du 8 septembre 2014 rejetant le recours gracieux formé par le sous-préfet des Sables d'Olonne ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal administratif de Nantes a jugé que le permis de construire litigieux était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des prescriptions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au motif que, selon la carte d'aléas de submersion marine extraite du projet de plan de prévention des risques littoraux (PPRL) d'octobre 2012, le terrain d'assiette du projet présentait un niveau d'aléa moyen lié à l'existence de deux brèches situées de part et d'autre de la parcelle, l'une relative à la digue de Sébastopol, l'autre à la digue de la Grande Rouche ; que, dans ses mémoires enregistrés les 16 février et 29 juin 2015 au greffe du tribunal administratif, la commune a fait valoir que d'importants travaux avaient été réalisés dans le cadre du programme d'actions de prévention des inondations 2013-2018 (PAPI) sur la digue de Sébastopol et la digue du sud du Gois qui n'avaient pas été pris en compte par le PPRL d'octobre 2012 ; que, toutefois, le tribunal administratif de Nantes ne s'est pas prononcé sur ces éléments de défense dans son jugement ; qu'en s'abstenant de répondre à l'argumentation de la commune sur ce point, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ; que, par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le préfet de la Vendée devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur la légalité du permis de construire du 19 juin 2014 du maire de Barbâtre :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique " ; qu'il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent ; que, pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte notamment la situation de la zone du projet au regard du niveau de la mer, sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer, le cas échéant, le risque de rupture ou de submersion de cet ouvrage en tenant compte notamment de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du 14 mai 2014, émis par la direction départementale des territoires et de la mer (DTTM) sur la demande de permis de construire présentée par M. et MmeB..., et n'est pas contesté, que le terrain d'assiette de la construction projetée est situé, selon la carte d'aléas de submersion marine extraite du projet de plan de prévention des risques littoraux (PPRL) d'octobre 2012, dans la zone d'aléa moyen exposée au risque de submersion marine, correspondant à un niveau d'eau compris entre 0,50 mètre et 1 mètre ; que ce risque de submersion résulte des scénarios de défaillance (brèche) retenus par le projet de plan portant, notamment, sur la digue de Sébastopol et la digue de la Grande Rouche sur la côte sud-est de l'île de Noirmoutier ; qu'il est constant que le projet d'extension litigieux comporte sur cette parcelle dont la cote NGF s'établit à 2,30 mètres, un plancher habitable à la cote de 2,31 mètres NGF, inférieure à la cote de référence de 3,10 mètres NGF déterminée à la suite de la tempête Xinthia et présente donc un risque de submersion de 0,80 mètres ; que l'arrêté du 19 juin 2014 du maire mentionne expressément ce risque et précise, d'ailleurs, qu'il y a lieu de fixer, en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, des prescriptions spéciales destinées à assurer la sécurité des personnes, lesquelles ne portent, cependant, dans cet arrêté, que sur les clôtures et les éventuelles cuves de stockage de produits dangereux ou polluants, la réalisation d'un plancher habitable à la cote de 3,10 mètres NGF ne faisant l'objet que d'une simple recommandation ;
5. Considérant que la commune de Barbâtre fait valoir que des travaux ont été engagés sur les digues dans le cadre du programme d'actions de prévention des inondations de l'Ile de Noirmoutier 2013-2018 (PAPI) et produit une expertise, au demeurant non datée, remettant en cause, sur certains points, " la méthodologie d'élaboration du projet de plan de prévention des risques littoraux " ; que, toutefois, d'une part, il n'est pas établi que ces travaux suffiraient à écarter tout risque de submersion marine dans le secteur considéré ; que, par suite, et en tout état de cause, la commune ne peut soutenir que la circulaire du 27 juillet 2011 aurait illégalement imposé de ne pas prendre en compte, lors de l'élaboration des plan de prévention des risques littoraux, les travaux de protection contre la mer qui n'étaient pas achevés à la date de leur approbation ; que, d'autre part, les énonciations de l'expertise produite par la commune sont contredites par une étude réalisée par le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), dont il n'est pas contesté qu'il constitue l'organisme national de référence en matière d'évaluation des risques, qui précise que les modalités techniques de modélisation des défaillances sur lesquelles est fondé le projet de plan de prévention sont " conformes à l'état de l'art et à la connaissance disponible sur les ouvrages existants ", que la digue de Sébastopol, qui a connu un " événement de brèche en 1979 " et une " surverse en 2010 ", ainsi que la digue du Bois qui la jouxte " présentent une sensibilité à la surverse " justifiant dans le cadre de l'élaboration du plan " la présence d'au moins une brèche " dans ces ouvrages, et que la digue de la Grande Rouche, qui présente la même " sensibilité à la surverse ", justifie également " la simulation d'une brèche " ; que, dans ces conditions, et alors même que le terrain en cause n'aurait jamais été inondé et que le projet comporte un étage, lequel, au demeurant, ne comporte pas d'accès direct sur l'extérieur permettant l'évacuation des personnes dans des conditions de sécurité suffisantes, le maire de Barbâtre, en délivrant, le 19 juin 2014, à M et Mme B...le permis de construire qu'ils sollicitaient, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté du 19 juin 2014 du maire de Barbâtre accordant un permis de construire à M. et Mme B...ainsi que la décision du 8 septembre 2014 par lequel ce maire a rejeté le recours gracieux formé par le sous-préfet des Sables-d'Olonne doivent être annulés.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Barbâtre demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 31 août 2015 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 19 juin 2014 du maire de Barbâtre accordant un permis de construire à M. et MmeB..., ainsi que la décision du 8 septembre 2014 du maire rejetant le recours gracieux formé par le sous-préfet des Sables-d'Olonne, sont annulés.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Barbâtre tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Barbâtre, au préfet de la Vendée et à M. et MmeB....
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2016.
Le rapporteur,
C. BUFFET Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 15NT03314