Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 novembre 2016, Mme A..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 mai 2015 ;
2°) d'annuler la décision implicite du ministre ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait ;
- la décision contestée est entachée d'erreurs de fait, en ce que l'intéressée n'a pas séjourné irrégulièrement en France de 1999 à 2002 et qu'elle ne perçoit pas l'allocation de solidarité aux personnes âgées ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit, l'administration n'a pas recherché les causes de l'absence de ressources stables et suffisantes, alors qu'elle perçoit une retraite au titre de son inaptitude au travail ; cette décision est discriminatoire, dès lors qu'en raison de son inaptitude, elle est dans l'incapacité de subvenir à ses besoins autrement qu'à l'aide de prestations sociales, ce qui l'empêche de pouvoir prétendre à la réintégration dans la nationalité française ;
- elle a suivi ses études en France, s'y est mariée, est mère de cinq enfants qui sont tous de nationalité française.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet.
1. Considérant que MmeA..., de nationalité centrafricaine, a sollicité sa réintégration dans la nationalité française auprès du préfet de la Loire-Atlantique, lequel a rejeté sa demande par une décision du 3 avril 2012 ; que, par une décision implicite, le ministre de l'intérieur a confirmé le rejet de sa demande de réintégration ; que Mme A...relève appel du jugement du 27 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'à l'appui de sa demande, Mme A...soutenait notamment que la décision contestée était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'elle n'avait pas séjourné irrégulièrement en France de 1999 à 2002 ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, son jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant que pour rejeter la demande de naturalisation de Mme A..., le ministre de l'intérieur, s'est fondé sur les motifs tirés de son défaut d'autonomie matérielle et de son séjour irrégulier sur le territoire français de 1999 à 2002 ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le niveau et l'origine des ressources de l'intéressé en tant qu'élément de son insertion dans la société française ainsi que les renseignements défavorables obtenus sur son comportement ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que Mme A...a séjourné en France du 12 décembre 1999 au 11 janvier 2000 sous couvert d'un visa de court séjour, puis à compter du 28 août 2001, sous couvert d'un second visa, prolongé jusqu'au 29 novembre 2001 ; qu'elle a ensuite bénéficié d'autorisations provisoires de séjour dans l'attente de la délivrance d'une carte de séjour ; que, par suite, le motif tiré de ce qu'elle aurait séjourné irrégulièrement en France de 1999 à 2002 est entaché d'une erreur de fait ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A..., percevait à la date de la décision contestée depuis le 1er juin 2006 une retraite personnelle au titre de l'inaptitude au travail, d'un montant mensuel net de 742,27 euros ; qu'en opposant ainsi à l'intéressée la nature de ses ressources, ce qui avait pour effet de la priver de toute possibilité d'accéder à la nationalité française, puisqu'elle ne disposait pas d'autres ressources que des allocations liées à son inaptitude au travail, le ministre a, par suite, entaché d'illégalité sa décision ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision contestée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt implique que le ministre de l'intérieur se prononce à nouveau sur la demande présentée par Mme A... ; qu'il y a lieu, dès lors, d'adresser une injonction en ce sens au ministre de l'intérieur, qui disposera d'un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt pour procéder à un nouvel examen de cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
10. Considérant que Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 mai 2015 et la décision implicite du ministre de l'intérieur sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de réintégration dans la nationalité française de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me B...une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2016.
Le rapporteur,
J-F. MILLETLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 15NT03597