- 1) d'annuler ce jugement ;
- 2) d'annuler la décision préfectorale du 5 mars 2015 ainsi que la décision ministérielle du 21 août 2015 ;
- 3) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa naturalisation et de lui délivrer une carte nationale d'identité, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
- 4) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été procédé à un examen global de sa situation ;
- la décision préfectorale du 5 mars 2015 a été prise par une autorité incompétente et n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision ministérielle du 21 août 2015 a été prise par une autorité incompétente ; elle est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'une erreur de fait quant à la personne concernée et d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît la circulaire du 16 octobre 2012.
Par un mémoire enregistré le 22 mai 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet sont irrecevables car la décision du ministre s'est substituée à celle-ci ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
- si le motif de la décision ne peut être maintenu, il y aura lieu de procéder à une substitution de motif.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de présenter des conclusions.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Brisson.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante algérienne, née en 1991, relève appel du jugement du 9 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 mars 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a déclaré sa demande de naturalisation irrecevable ainsi que la décision du 21 août 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a substitué à la décision préfectorale une décision de rejet de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Le jugement dont s'agit rappelle les dispositions du décret du 30 décembre 1993, expose d'une part, le motif pour lequel il a estimé que les conclusions dirigées contre la décision préfectorale étaient irrecevables et d'autre part, s'agissant des conclusions dirigées contre la décision ministérielle, précise que celle-ci a été prise par une autorité compétente, qu'elle est suffisamment motivée en fait et en droit et qu'aucune erreur manifeste d'appréciation ne pouvait être constatée eu égard aux termes du compte-rendu de l'entretien d'assimilation réalisé le 17 novembre 2014. Ce faisant, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en application des dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 que les décisions par lesquelles le ministre en charge des naturalisations statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles des autorités préfectorales qui lui sont soumises. Par suite, la décision par laquelle le ministre a rejeté le recours de la requérante s'est substituée à la décision préfectorale, Il suit de là que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Haute-Garonne sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
4. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision du 21 août 2015 et du défaut de motivation de la décision en litige.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle et d'autonomie matérielle du postulant ainsi que son degré d'assimilation à la société française et en particulier son niveau de connaissances.
6. Pour rejeter la demande de naturalisation de MmeC..., le ministre s'est fondé sur le caractère insuffisant des connaissances de l'intéressée en matière d'organisation administrative et politique de la France ainsi que des droits et des devoirs du citoyen et de l'Europe. Si les réponses apportées par l'intéressée aux questions qui lui ont été posées à ce sujet ont été jugées insatisfaisantes, il ressort cependant des pièces du dossier que MmeC..., arrivée en France à l'âge de 12 ans, a d'abord été scolarisée en classe d'accueil avant de rejoindre un cursus classique en collège puis de préparer un brevet d'études professionnelles et un baccalauréat professionnel, diplômes qu'elle a obtenus. Il a, par ailleurs, été observé sa très bonne assimilation linguistique et qu'elle adhère aux principes et valeurs de la République. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir qu'en se fondant sur ce motif pour rejeter sa demande de naturalisation, le ministre a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Toutefois, le ministre de l'intérieur demande à la cour que soit substitué à ce motif de la décision un nouveau motif tiré du caractère incomplet de l'insertion professionnelle et de l'acquisition de son autonomie matérielle par la postulante. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision, sous réserve toutefois que la substitution de motifs ne prive pas la personne concernée par cette décision d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision ministérielle du 21 août 2015, à laquelle s'apprécie sa légalité, si Mme C...justifie avoir régulièrement exercé une activité professionnelle depuis 2007, les revenus qui en étaient tirés, inférieurs au salaire minimum de croissance, ne lui permettaient pas de disposer d'une autonomie matérielle complète par l'exercice d'une activité professionnelle. La circonstance que la postulante a conclu, le 12 août 2015, postérieurement à la décision ministérielle contestée, un contrat de travail à durée déterminée est sans incidence sur la légalité de ladite décision. Dans ces conditions, le motif tiré du caractère incomplet de l'insertion professionnelle de Mme C...est de nature à conforter la décision contestée sans pour autant priver l'intéressée d'une garantie. Il y a dès lors, lieu de faire droit à la substitution demandée par le ministre. En tout état de cause, il est loisible à MmeC..., si elle s'y croit fondée, de présenter une nouvelle demande de naturalisation.
9. Enfin, le moyen tiré de ce que l'administration se serait méprise sur la personne sollicitant le bénéfice de la naturalisation n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien fondé.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande Mme C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président assesseur,
- MA...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.
Le rapporteur,
C. BRISSONLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT00676
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