Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er mai 2020 sous le n°20NT01415 et un mémoire enregistré le 16 février 2021, M. E... B... et Mme I..., agissant pour eux-mêmes et en qualité de représentants légaux de G... E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 mars 2020 ;
2°) d'annuler les décisions implicites de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer des visas d'entrée et de long séjour à Mme I... et à l'enfant G... E... dans le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de réexaminer leurs demandes, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- ils apportent la preuve de leur concubinage et du lien de filiation entre M. E... B... et l'enfant G... ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... B... et Mme I... ne sont pas fondés.
M. E... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55 %) par une décision du 15 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me H..., substituant Me F..., représentant Mme I... et M. E... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... B... et Mme I..., ressortissants de la République démocratique du Congo, relèvent appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté les recours formés contre les décisions des autorités consulaires françaises à Johannesburg (Afrique du Sud) en date du 18 mars 2019 refusant de délivrer à Mme I... et à l'enfant G... E... des visas de long séjour au titre de la réunification familiale.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. L'aide juridictionnelle partielle a été accordée à M. E... B... par une décision du 15 juin 2020. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il obtienne l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. ; (...)II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables./ (...) / Les membres de la famille d'un réfugié (...) sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié (...). En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil (...) peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...) ".
4. M. E... B..., entré en France le 4 octobre 2014, s'est vu reconnaitre le bénéfice de la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 7 juillet 2016. Les demandes de visas de long séjour déposées par Mme I... et pour l'enfant G... en qualité de membres de famille d'un réfugié ont été rejetées par une décision de l'autorité consulaire française à Johannesburg du 4 février 2019, au motif que leurs dossiers ne contenaient pas la preuve du lien de famille avec la personne placée sous la protection de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Le recours administratif préalable obligatoire formé contre cette décision a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France.
5. En cas de décision implicite et en l'absence de communication, sur demande du destinataire, des motifs de cette décision, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, dont la décision se substitue à celle des autorités consulaires, doit être regardée comme s'étant appropriée le motif retenu par ces autorités.
6. En premier lieu, pour établir le lien de filiation unissant M. E... B... et le jeune G... E..., ont été produits la copie d'un certificat de naissance de l'enfant G..., né le 16 mai 2013, établi en Afrique du Sud le 7 juin 2013 qui ne mentionne aucune filiation paternelle et une déclaration sous serment (affidavit) établie par M. E... B... le 23 août 2018. Ces documents, alors même que M. E... B... produit un acte de reconnaissance de paternité dressé le 16 février 2021 dans les registres d'état civil de la ville de Bourgoin-Jallieu (Isère), ne permettent pas de tenir le lien de filiation pour établi.
7. Les requérants se prévalent également d'un test d'identification par les empreintes génétiques réalisé le 4 septembre 2018 par un laboratoire au Cap dont le rapport produit en anglais conclut à un " haut degré de certitude de la paternité " de M. E... B.... Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni même n'est allégué, que cette identification par les empreintes génétiques aurait été recherchée dans le cadre d'une mesure d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure devant une juridiction étrangère ou, le cas échéant, une autorité non juridictionnelle étrangère compétente à cet effet en vertu de la loi locale. Il en résulte que ce document n'est pas propre à établir la filiation de M. E... B... avec l'enfant G.... Le ministre de l'intérieur est ainsi fondé à soutenir qu'un tel document n'apporte aucune garantie quant à la réalité de l'identification par empreintes génétiques qui aurait été pratiquée comme, en tout état de cause, à l'identité des personnes sur lesquelles des prélèvements auraient été pratiqués aux fins de cette identification.
8. En deuxième lieu, les requérants déclarent avoir vécu en concubinage depuis 2012. Sont produits un contrat de bail daté du 29 février 2012 présenté comme ayant été signé par M. E... B... et Mme I... et une déclaration de concubinage auprès d'une banque sud-africaine datée du 4 septembre 2014. M. E... B... a déclaré Mme I... comme sa compagne devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il avait mentionné une autre personne, Mme J... E..., comme étant son épouse dans son formulaire de demande de visa renseigné en 2013 et avait alors sollicité son visa au titre de la réunification familiale au bénéfice de cette dernière. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 6, l'acte de naissance du jeune G..., établi le 7 juin 2013 ne fait aucune mention d'un lien de paternité avec M. E... B... alors que les requérants allèguent entretenir une relation de concubinage depuis 2012 et que M. E... B... résidait en 2013 en Afrique du Sud, sous couvert du statut de réfugié accordé par cet Etat. L'ensemble de ces documents et circonstances ne suffisent pas à établir une vie commune suffisamment stable et continue avant la date d'introduction de la demande d'asile en France de M. E... B....
9. En troisième lieu, les dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont pour seul objet de prévoir la délivrance d'un titre de séjour à certains membres de la famille d'un réfugié statutaire et sont en elles-mêmes étrangères aux conditions de délivrance d'un visa de long séjour à ceux des membres de la famille de ce réfugié résidant hors de France. En effet, le droit pour ce réfugié à ce que des membres de sa famille puissent le rejoindre en France trouve son fondement, non dans ces dispositions législatives, mais dans le principe d'unité de la famille, qui est au nombre des principes généraux du droit applicables aux réfugiés. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant à l'encontre de la décision de refus de visa attaquée.
10. En quatrième et dernier lieu, faute d'établissement des liens familiaux allégués par les requérants, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de 1'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
11. Il résulte de ce qui précède que M. E... B... et Mme I... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. E... B....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... B... et Mme I... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... B..., à Mme D... I... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme A..., présidente assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2021.
Le rapporteur,
H. A...
Le président,
A. PÉREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01415