Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mai 2020 sous le n°20NT01474, Mme G... A... E..., M. I... A... E... et Mme D... H..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 13 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à C... El E... dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le refus de visa est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que Mme A... E... dispose des ressources suffisantes pour accueillir l'enfant C... ;
- la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ne pouvait se fonder sur la circonstance que l'enfant avait toujours vécu au Maroc pour refuser le visa sollicité ; le refus de visa est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme El Azhari et les autres requérants ne sont pas fondés.
Mme A... E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25 %) par une décision du 8 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... A... Azhari, ressortissante française née le 1er janvier 1958 à Elhaj Bouazza Bouznika (Maroc), a obtenu la garde de sa nièce C... El E..., née le 24 décembre 2003 à Rabat, par un acte de kafala adoulaire en date du 20 juin 2017, homologué par jugement du tribunal de première instance de Temara-section de la juridiction de famille-section notariale. La demande de visa de long séjour déposée pour C... El E... a fait l'objet le 13 décembre 2018 d'un refus de l'autorité consulaire française à Rabat, confirmé par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France le 13 mars 2019. Mme G... A... E..., M. I... A... Azhari et Mme D... H..., parents de l'enfant, agissant en leur qualité de représentants légaux de C... El E..., relèvent appel du jugement du 6 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2019.
2. Pour rejeter le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de ce que les conditions de ressources et d'hébergement de Mme G... El Azhari, 61 ans, sont insuffisantes pour lui permettre de prendre en charge la jeune C... A... E... et, d'autre part, que l'intérêt supérieur de l'enfant était de demeurer dans son pays de résidence compte tenu de la présence dans ce pays de ses parents et de plusieurs membres de sa famille et de l'absence de circonstances justifiant la séparation de l'enfant de 15 ans, scolarisée, de son environnement familial, social et culturel.
3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. Les actes dits de " kafala adoulaire " au Maroc ne concernent pas les orphelins ou les enfants de parents se trouvant dans l'incapacité d'exercer l'autorité parentale. Leurs effets sur le transfert de l'autorité parentale sont variables. Le juge se borne à homologuer les actes dressés devant notaire. Dès lors, l'intérêt supérieur de l'enfant à vivre auprès de la personne à qui il a été confié par une telle " kafala " ne peut être présumé et doit être établi au cas par cas. Il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, si le refus opposé à une demande de visa de long séjour pour le mineur est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'exigence définie par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.
5. Il résulte des termes de l'acte de kafala et n'est pas sérieusement contesté par les requérants, que la jeune C..., âgée de 15 ans à la date de la décision attaquée, n'a pas été légalement abandonnée par ses parents, lesquels se bornent à faire valoir qu'ils ont divorcé en 2006, sont remariés et allèguent ne pas avoir la capacité ni " en tout état de cause la volonté de prendre en charge comme il se doit leur jeune fille ". Si les requérants précisent que l'enfant vit chez ses grands-parents, sans indiquer au demeurant la durée de cet hébergement, et allèguent que ces derniers, vieillissants, seraient dans l'impossibilité de s'occuper d'elle, ils ne l'établissent pas. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la jeune C... se trouverait dans une situation psychologique, familiale et matérielle de nature à justifier qu'elle soit séparée de sa famille proche et quitte le Maroc. En outre, il ressort des pièces du dossier que les revenus de Mme G... A... E... s'élèvent, au mieux, à 1 300 euros mensuels tirés du cumul de trois emplois à temps partiel. Elle ne justifie d'aucun bail locatif à son nom mais est seulement hébergée par une de ses soeurs dans un appartement de type T3. Dans ces conditions, alors même que ses charges ne s'élèveraient, comme elle le soutient, qu'à 200 euros correspondant à sa participation au loyer de cet appartement, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ni méconnaître les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, estimer qu'il n'est pas établi qu'il soit de l'intérêt supérieur de l'enfant de vivre auprès de sa tante en France, compte tenu de la présence dans son pays de plusieurs membres de sa famille proche, dont ses parents, et de l'absence de circonstances graves et avérées justifiant la séparation de l'enfant de son environnement familial, social et culturel.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... E..., M. A... E... et Mme H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme El E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... E..., à M. J... A... E..., à Mme D... H... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2021.
Le rapporteur,
H. B...
Le président,
A. PÉREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT1474