le projet n'est pas justifié en termes d'aménagement du territoire dès lors qu'il aura un impact négatif sur l'animation urbaine en portant préjudice à la vitalité des centres-villes des communes situées dans la zone de chalandise ; il aura un impact négatif sur les flux de circulation, faute d'avoir pris en compte les flux de circulation générés par la création d'un ensemble commercial de 25 0742 m² de surface de vente et eu égard à la saturation de deux voies charnières et la sous-évaluation du trafic supplémentaire attendu ;
le projet aura des effets négatifs en matière de développement durable compte tenu de l'exclusion de l'emploi d'énergies renouvelables et d'une insuffisante insertion paysagère du projet ;
le projet ne participe pas à la protection des consommateurs en ne contribuant pas à la préservation des centres urbains et en réduisant les places de stationnement handicapés et famille.
Un mémoire en production de pièces, présenté par le ministre de l'économie et des finances, a été enregistré le 30 avril 2018.
Par des mémoires, enregistrés le 8 août 2018 et le 20 juin 2019, la SAS Sodichar, représentée par la SCP Bouyssou et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Distribution Casino France la somme de 7 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête de la SAS Distribution Casino France n'est fondé.
Par des mémoires, enregistrés le 9 novembre 2018 et le 21 juin 2019, la commune de Barjouville, représentée par son maire en exercice, par la SCP Sartorio Lonqueue Sagalovitsch et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête de la SAS Distribution Casino France n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
le code de l'urbanisme ;
le code de commerce ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel,
les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
les observations de MeB..., représentant la SAS Distribution Casino France, et de MeC..., représentant la commune de Barjouville.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Sodichar exploite un ensemble commercial, dénommé " Centre commercial Epicentre ", comprenant un hypermarché à l'enseigne " E. Leclerc " d'une surface de vente de 9 750 m² et une galerie marchande de 5 381 m² de surface de vente, situé au sein de la zone d'activités de La Torche sur le territoire de la commune de Barjouville (28). Cette société a décidé de procéder à l'extension de cet ensemble commercial pour porter la surface totale de vente à 18 501 m², par une extension de l'hypermarché de 3 370 m². Elle a ainsi déposé, le 23 décembre 2016, une demande de permis de construire valant demande d'autorisation d'exploitation commerciale. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Eure-et-Loir a émis, le 8 mars 2017, un avis favorable sur ce projet. Le recours introduit notamment par la SAS Distribution Casino France, qui exploite un centre commercial dans la même zone de chalandise, a été rejeté par la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) le 6 juillet 2017. Le maire de Barjouville a délivré à la SAS Sodichar, par un arrêté du 8 septembre 2017, un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. La SAS Distribution Casino France demande à la cour d'annuler cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ainsi que la décision du maire de Barjouville du 9 janvier 2018 rejetant son recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la procédure suivie devant la CNAC :
2. Aux termes de l'article R. 752-36 du code de commerce : " (...) Le secrétariat de la commission nationale instruit et rapporte les dossiers. Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la commission nationale du 15 mars 2018, que ses membres ont eu, notamment, connaissance de l'avis émis par le ministre en charge de l'urbanisme. Si ce procès-verbal mentionne qu'il s'agit d'un avis réservé alors qu'il était défavorable, cette circonstance n'est pas de nature à établir, en l'absence de tout autre avis émis par le ministre, que les membres de la commission n'auraient pas reçu le véritable avis rendu par cette autorité administrative. La société requérante ne saurait, par suite, se fonder sur l'erreur matérielle contenue dans le procès-verbal pour prétendre que les membres de la commission nationale auraient été privés des informations nécessaires pour se prononcer en toute connaissance sur le recours introduit par la société requérante.
En ce qui concerne la motivation de l'avis de la CNAC :
4. Aux termes de l'article R. 752-38 du code de commerce : " (...) L'avis ou la décision est motivé, signé par le président et indique le nombre de votes favorables et défavorables ainsi que le nombre d'abstentions ". Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables.
5. En l'espèce, l'avis émis par la commission nationale lors de sa séance du 6 juillet 2017, précise, après avoir rappelé dans ses visas les caractéristiques principales du projet, sa localisation et mentionne qu'il n'est pas de nature à modifier les équilibres généraux du territoire et que le centre commercial de l'Epicentre, par sa situation, participe à l'animation du bassin de vie en sa qualité de " locomotive " alimentaire du sud de l'agglomération chartraine. Il retient également que le projet bénéficiera de bonnes conditions de desserte alors que l'impact de l'extension sur les flux sera très minime, que l'extension de l'hypermarché se fera sur un espace de réserves existant ainsi que sur une partie du parking, de sorte qu'il n'entraînera aucune imperméabilisation des sols supplémentaire, que les camions de livraison, qui approvisionnent le magasin quatre fois par semaine, n'auront pas à traverser l'aire de stationnement dès lors qu'ils disposeront d'une aire de livraison à l'écart du parking et que le bâtiment respectera la norme RT 2012. Elle a enfin pris en compte les aménagements paysagers prévus, qui sont décrits dans l'avis et la circonstance que la superficie des espaces verts ne sera pas modifiée dans le cadre du projet. Ce faisant, la CNAC a suffisamment motivé son avis.
En ce qui concerne la composition du dossier de demande :
S'agissant de l'étude de trafic :
6. Pour l'application des dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce, la demande de la SAS Sodichar était accompagnée d'un dossier comprenant une étude d'impact qui, dans sa partie relative à la zone de chalandise, décrit, aux pages 51 et suivantes, la desserte actuelle et future du site par les transports en commun ainsi que l'accès au centre commercial par les piétons et les cyclistes, cette partie étant agrémentée par de nombreux plans et photographies. Elle analyse, ensuite, aux pages 67 et suivantes, l'impact du projet sur les flux de circulation, s'agissant tant des véhicules légers, que des véhicules de livraison et la desserte par les transports en commun. Elle contient, également, en page 73 et suivantes, une analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, qui précise quels sont les équipements qui contribueront à limiter les déplacements en voiture, quelle est la clientèle piétonne et cycliste susceptible d'utiliser ces modes alternatifs ainsi que celle qui se rendra sur le site par les transports en commun. Si elle évalue cette clientèle à 33 % de la population de la zone de chalandise (soit 44 000 habitants), ce taux a cependant été ramené à 5 % afin de tenir compte de la nécessité d'utiliser un véhicule pour transporter des achats présentant souvent un poids important et de la force des habitudes. L'impact du projet sur les flux de circulation est fondé sur l'étude réalisée le 21 mai 2016 par le cabinet d'ingénierie A.E.D. et jointe, en annexe, au dossier.
7. Alors que selon le dossier de demande, le projet querellé entraînera une augmentation de 22 places de stationnement, le cabinet A.E.D., pour procéder à l'évaluation du trafic supplémentaire, s'est fondé sur un chiffre nettement supérieur en retenant une place pour 10 m² de surface de vente supplémentaire, ce qui représente 337 places (3 370 / 10). L'évaluation a été faite, par ailleurs, sur un samedi, jour de la semaine de plus forte affluence et en tenant compte d'un taux d'occupation de 90 %, d'une rotation horaire des places de stationnement correspondant au temps de chalandise ainsi que de la partie de la clientèle déjà acquise pour fréquenter déjà le centre commercial et celle issue du trafic existant sur le tissu routier de proximité et qui n'est pas un trafic d'appel. Selon cette méthodologie, qui n'est pas utilement remise en cause par la société requérante, l'augmentation de trafic générée par le projet à la pointe la plus chargée de la semaine peut être estimée à 155 véhicules. Par ailleurs, le dossier de demande justifie le nombre des véhicules de livraison supplémentaires, qui sera limité, par une optimisation des commandes. Dans ces conditions, la circonstance que la surface de l'hypermarché passera de 9 750 m² à 13 120 m² (+ 3 370 m²) et que de nouveaux produits seront proposés à la vente n'est pas de nature à remettre en cause la sincérité de cette évaluation.
8. Par ailleurs, si la SAS Distribution Casino France allègue qu'aucune étude n'a été faite concernant la RN 123, qui dessert le projet et qui est un axe majeur de contournement périphérique de Chartres, alors qu'elle arriverait à saturation de manière chronique, elle se borne à produire, sans autre commentaire, une carte routière tirée d'un site internet sans préciser la portion de la voie qui aurait mérité une telle étude, ni établir les difficultés de circulation, de sorte qu'elle n'apporte aucun élément pour permettre à la cour d'apprécier le bien-fondé de son moyen. En tout état de cause, le dossier de demande précise bien parmi les axes routiers desservant le site, la RN 123 dans ses sections D 935 - D 127 et D 910 - D 921, lesquelles connaissent respectivement un trafic de 36 016 et 33 207 véhicules par jour selon les études réalisées en 2014 par le département de l'Eure-et-Loir. Une étude prospective de trafic a été, en outre, diligentée sur les giratoires de la RD 127 et de la RD910.
9. Enfin, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de prendre en compte les effets cumulés avec d'autres projets connus. Le dossier de demande n'avait pas, dans ces conditions, à prendre en compte le projet de création d'un ensemble commercial de 25 742 m² de surface de vente, non éloigné du site alors qu'il ressort, de plus, des pièces du dossier que ce projet a été abandonné. Ainsi, la commission nationale d'aménagement commercial, lors de sa séance du 26 octobre 2017, soit postérieurement à la décision contestée, a émis un avis favorable pour la réalisation d'un ensemble commercial, qui n'était plus composé que de trois magasins, par déplacement de deux d'entre eux, ne créant une surface de vente que de 3 298 m² et au motif, notamment, que le projet aura peu d'impact sur les flux de circulation automobile.
S'agissant de la présentation de la desserte du site par les modes de transport doux :
10. D'une part, le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale (SCoT) ne peut légalement imposer par lui même des obligations aux tiers, indépendamment de décisions administratives prises par les autorités publiques à leur égard, et ne peut davantage subordonner légalement les demandes d'autorisations d'exploitation commerciale à des obligations de procédure autres que celles prévues par les différentes législations en vigueur. Par suite, la société requérante ne saurait utilement se référer aux orientations du SCoT de l'agglomération chartraine pour alléguer que le dossier de demande devait faire l'objet d'une documentation précise sur les voies d'accès par mode doux.
11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande contenait (p. 56) un plan des circulations dites douces à l'échelle intercommunale. Il comprenait également de nombreuses photographies représentant ces aménagements par les modes de transport doux sur et sous la rocade, sur la RD 127 à l'entrée du bourg de Barjouville et au niveau de l'accès de la ZAC de la Torche. Un plan de masse " déplacement doux " avait, en outre, été produit permettant d'apprécier la desserte du magasin par ces modes de transport. La desserte à pied et à vélo, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'ensemble commercial, était, en outre, décrite dans le dossier aux pages 54 à 60. La commission nationale d'aménagement commercial disposait, de plus, de la lettre du maire de Barjouville du 1er juin 2017 selon laquelle une sente piétonne et cycles sera réalisée en septembre 2017 pour permettre aux habitants de la commune de se rendre dans la zone commerciale et une convention quadripartite avait été signée entre le conseil départemental, la communauté d'agglomération de Chartres Métropole, la société d'aménagement et d'équipement du département d'Eure-et-Loir (SAEDEL) et la commune pour la réalisation d'une voie de liaison entre la RD 910 et la RD 127 permettant l'accès à la zone commerciale, dont la réalisation devait commencer également en septembre 2017. Un plan matérialisant ces deux voies était joint au courrier du maire. Par suite, la commission nationale d'aménagement commercial disposait d'éléments suffisants pour apprécier la desserte du site par les modes de transport doux.
S'agissant de l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages ainsi que son impact visuel :
12. Il ressort du dossier de demande que le projet querellé consiste en une extension d'un bâtiment existant qui doit se réaliser, en grande partie, à l'intérieur de ce bâtiment. Ce dossier comportait, par ailleurs, des coupes et des photomontages permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement. Il précisait également, page 91, les matériaux de construction. Par suite, et contrairement à ce que soutient la requérante, le dossier présenté par la SAS Sodichar à l'appui de sa demande d'autorisation a permis à la commission nationale d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement.
13. Il suit de là que le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande doit être écarté en toutes ses branches.
En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération chartraine
14. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. (...) ".
15. A l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les SCoT peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci, avec lesquels les autorisations délivrées par les commissions d'aménagement commercial doivent être compatibles, doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. En matière d'aménagement commercial, s'il ne leur appartient pas, sous réserve des dispositions applicables aux zones d'aménagement commercial, d'interdire par des dispositions impératives certaines opérations de création ou d'extension relevant des qualifications et procédures prévues au titre V du livre VII du code de commerce, ils peuvent fixer des orientations générales et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales, définis en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme. Si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.
16. Le document d'aménagement commercial (DAC) du SCoT de l'agglomération chartraine, approuvé le 11 avril 2013, indique que les orientations qu'il contient sont des " orientations prescriptives [qui] constituent des dispositions de mise en compatibilité aux documents et actes de rang inférieurs " alors que " les recommandations correspondent à des incitations permettant la mise en oeuvre efficace des orientations ". Il distingue, par ailleurs, pour la mise en oeuvre de ses orientations, les " nouveaux développements commerciaux ", constitués notamment par les extensions commerciales comme celles présentées par le projet en litige, des " nouvelles implantations commerciales ".
17. Le SCoT de l'agglomération chartraine, identifie la zone d'aménagement commercial (ZACOM) " La Torche" à Barjouville comme une localisation préférentielle, pôle secondaire, pour le développement commercial à l'échelle de ce document. En page 21, il précise que les pôles secondaires, comme les pôles intermédiaires, " verront leur développement modéré, voire une stabilisation de leur fonction commerciale actuelle une fois les développements accordés réalisés, mais également des requalifications urbaines et paysagères (priorité sur Barjouville) " et, en page 26 , que les ZACOM sont des " secteurs [qui] permettent d'accueillir des équipements commerciaux qu'il est difficile d'implanter au sein des centralités (trafic de véhicules légers et lourds engendré, emprises foncières importantes) ".
18. Selon ce document, la ZACOM de la Torche est destinée à accueillir des commerces d'une surface de vente de plus de 500 m² pour permettre des achats hebdomadaires, des achats occasionnels lourds et légers ainsi que des achats exceptionnels. Elle porte sur " 23 ha dont 15 ha projet Leclerc (11 ha pour le centre commercial Leclerc et ses accès) soit une surface pour des nouveaux développements commerciaux de 8 hectares ". Il prévoit, notamment, en son orientation 11, qui est destinée à améliorer l'accessibilité de cette zone, que son développement commercial est conditionné à une amélioration de la desserte en transport en commun régulier et que les nouveaux développements commerciaux doivent être dimensionnés aux flux supplémentaires de véhicules et de marchandises générés par l'implantation commerciale et au regard des conditions d'insertion du pôle dans le réseau de transports collectifs pour inciter au report modal lors des déplacements liés aux achats. S'agissant des nuisances liées à l'activité commerciale, une orientation, applicable également à cette zone, prévoit pour les nouvelles implantations commerciales qu'elles " doivent être compatibles avec l'objectif de limitation de leur impact environnemental au regard de la problématique énergétique (principalement pour le chauffage, le refroidissement et l'éclairage). La compatibilité des dossiers de demande d'autorisation avec l'objectif précité sera analysée au regard : / de l'enveloppe du bâtiment (isolation, toiture végétalisée ... ) ; / du système de vitrage ; / des types d'énergie utilisés et de la mise en place de dispositifs éventuels de " production énergétique propre " / des équipements d'éclairage projetés. "
19. Il suit de là que le projet d'extension de l'hypermarché " Leclerc " se situe dans un secteur spécifiquement délimité par le DAC du SCoT de l'agglomération chartraine pour accueillir un tel projet. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier de demande et du rapport d'instruction devant la CNAC, que des passages piétons protégés et adaptés aux personnes à mobilité réduite sont aménagés au niveau des différents giratoires de la zone commerciale, ainsi que sur les principaux axes de desserte. Le chemin piétonnier de la RD 127 (Bois de l'Abbaye) dessert également la zone commerciale. La RD 821 est, par ailleurs, entièrement doublée d'une piste cyclable alors que le conseil départemental, l'agglomération chartraine et la commune de Barjouville ont mis en place un plan de voies piétonnes et cyclables maillant le territoire environnant auquel le projet se rattache en deux endroits, l'un au nord par la zone de la Torche, l'autre au Sud par les voies aménagées le long de la RD 821. Selon la lettre du maire de Barjouville du 1er juin 2017, et ainsi qu'il a été dit au point 11, devaient être réalisées à compter de septembre 2017 une sente piétonne et cycles pour permettre aux habitants de la commune de se rendre dans la zone commerciale ainsi qu'une voie de liaison entre la RD 910 et la RD 127. S'agissant des transports en commun, le centre commercial est desservi par la ligne 13 du réseau Filibus pour bénéficier d'un arrêt situé à 100 mètres de l'entrée avec une desserte assurée toutes les heures entre 7h 30 et 19h 30, une voie piétonne étant, en outre, aménagée au milieu d'un espace paysager qui conduit directement les usagers du bus au sas d'entrée du centre commercial. Enfin, la SAS Distribution Casino France ne saurait utilement invoquer l'incompatibilité du projet avec les orientations du SCoT en l'absence d'installation de production d'énergies renouvelables dès lors que cette orientation ne concerne que les nouvelles implantations et qu'elle n'est citée, en outre, qu'à titre facultatif. Par suite, la SAS Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que le projet litigieux est incompatible avec les orientations du SCoT de l'agglomération chartraine prises dans leur ensemble.
En ce qui concerne le respect des critères de l'article L. 752-6 du code de commerce :
20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. ".
21. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code. Un avis défavorable ne peut être rendu par la commission que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs.
S'agissant du critère d'aménagement du territoire :
22. D'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, le projet litigieux, qui porte sur une extension de 3 370 m² d'un centre commercial, est situé, selon le SCoT de l'agglomération chartraine, dans une ZACOM qui est spécifiquement destinée à accueillir des équipements commerciaux difficiles à implanter au sein des centralités et pour permettre des achats hebdomadaires, des achats occasionnels lourds et légers ainsi que des achats exceptionnels. Le dossier de demande précise que cette extension est destinée, non seulement à proposer des produits nouveaux, mais aussi à moderniser le magasin pour apporter plus de conforts à la clientèle, notamment par l'élargissement des allées. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi que le mentionne le rapport de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) d'Eure-et-Loir, que le projet, qui ne prévoit pas l'agrandissement de la galerie marchande, ni la création de boutiques supplémentaires, serait de nature à impacter les commerces de centre-ville. En particulier, la société requérante, en se bornant à citer les nouveaux produits proposés à la vente, n'établit pas l'impact négatif porté aux commerces des centres-villes situés dans la zone de chalandise. De même, et sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir, ainsi qu'il a été dit au point 9, d'un projet de création d'un centre commercial de 25 742 m², la seule circonstance que le projet s'implantera dans une zone de chalandise disposant déjà d'une offre commerciale dense n'est pas, en elle-même, de nature à établir l'atteinte portée à l'animation de la vie urbaine. La SAS Sodichar fera, en outre, appel aux entreprises locales et régionales pour la réalisation des travaux d'entretien du bâtiment et a conclu, en ce qui concerne son approvisionnement en marchandises, différents partenariats avec des producteurs locaux pour mettre en avant leur produit sous le label " Alliances locales ", ce qui favorisera l'animation rurale, autre objectif recherché par le législateur.
23. D'autre part, la société requérante n'établissant ni la sous-évaluation du flux de circulation retenu par l'étude de trafic en ce qui concerne les véhicules légers et les camions de livraison par le projet en litige, ni l'insuffisance du réseau viaire pour supporter cet afflux de circulation, ce qui ne saurait résulter de la seule production d'une carte routière tirée d'un site Internet alors que l'étude de trafic se fonde sur des données récentes publiées par le département de l'Eure-et-Loir, le moyen tiré de ce que ce projet aurait des effets négatifs sur les flux de transports doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 à 8.
24. Par suite, c'est sans erreur d'appréciation que la Commission nationale d'aménagement commercial a considéré que le projet ne porte pas atteinte à l'objectif d'aménagement du territoire tel que fixé au 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.
S'agissant du critère du développement durable :
25. La seule circonstance que le projet litigieux ne fasse pas appel aux énergies renouvelables, alors qu'il n'est pas contesté qu'il respecte la norme RT 2012, n'est pas de nature à le faire regarder comme ne respectant pas l'objectif de qualité environnementale fixé au a) du 2° de l'article L. 752-6 du code de commerce qui n'impose pas le recours à ce type d'énergie.
26. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le projet s'inscrit dans une ZACOM, que l'extension sera en majeure partie réalisée sur des réserves, la partie construite prenant la place d'une enclave déjà partiellement habillée par un bandeau aérien, que la façade sera reconstruite à l'identique de l'existante en conservant sa large partie vitrée et que les aménagements paysagers en pleine terre représenteront une superficie de 11 775 m², soit 11 % de l'emprise foncière avec 130 arbres de hautes tiges plantés sur le parc de stationnement ou aux abords imm édiats lors de la construction du centre commercial et des massifs constitués de 10 000 plantations à la composition florale très variée. Par suite, en soutenant que " le choix retenu concernant l'architecture de l'extension va alourdir l'apparence actuelle de la structure, qui va se transformer en un demi-cercle uniforme et monotone, provoquant une dégradation de l'esthétisme du bâtiment, et, par conséquent, de son insertion paysagère " et que " le porteur du projet ne prévoit aucune augmentation des espaces verts dans le cadre de cette importante extension ... ", la SAS Distribution Casino France n'apporte au soutien de son allégation aucune précision permettant d'apprécier le bien-fondé de son moyen quant à l'absence d'insertion du projet dans le paysage.
S'agissant du critère de protection des consommateurs :
27. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 22, le moyen tiré de ce que le projet ne contribuera pas à la préservation des centres urbains doit être écarté.
28. Par ailleurs, si le dossier de demande mentionne une très légère baisse du nombre de places de stationnements réservées aux personnes à mobilité réduite et aux familles, alors que, de plus, le promoteur du projet a indiqué devant la CDAC qu'il s'agissait d'une simple erreur dès lors que le nombre de ces places sera maintenu, cette circonstance n'est pas, en tout état de cause, en elle-même, de nature à justifier le rejet de l'autorisation.
29. Il résulte de tout ce qui précède, que la requête présentée par la SAS Distribution Casino France doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Barjouville, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Distribution Casino France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Barjouville et non compris dans les dépens et une autre somme de 2 000 euros à verser à la SAS Sodichar au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.
Article 2 : La SAS Distribution Casino France versera, d'une part, à la commune de Barjouville une somme de 2 000 euros et, d'autre part à la SAS Sodichar une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distribution Casino France, à la commune de Barjouville, au ministre de l'économie et des finances et à la SAS Sodichar.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.
Le rapporteur,
M. D...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT01044