2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, à l'administration de délivrer les visas de long séjour sollicités, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation sur le caractère inauthentique des actes d'état civil présentés à l'appui des demandes de visa alors qu'il justifie, en outre, par les pièces qu'il a produites, de la possession d'état.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B... E... G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code civil ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E... G..., né le 27 décembre 1965, de nationalité congolaise, a déclaré être entré en France en septembre 2014 où il s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 22 juin 2015. Le 21 septembre 2017, il a sollicité la venue en France de Mme C... D... et des jeunes Ecclésiaste, Miriam et F... E... G... qu'il présente comme sa compagne et ses trois enfants. Par une décision notifiée le 1er mars 2018, les autorités consulaires de l'ambassade de France en République démocratique du Congo ont rejeté les demandes de visa formées pour les intéressés. Par un recours enregistré le 30 mars 2018, M. E... G... a contesté cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Une décision implicite de rejet est intervenue le 30 mai 2018, née du silence gardé par la commission sur ce recours. M. E... G... relève appel du jugement du 18 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite (...) ".
3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Selon cet article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
En ce qui concerne la demande de visa effectuée par Mme C... D... :
4. A l'appui de la demande de visa de Mme C... D... a été notamment produit un acte de notoriété supplétif à un acte de naissance dressé le 8 février 2017 par le bourgmestre et officier de l'état civil de la commune de Kalamu sur le fondement des dispositions des articles 153 et 154 du code de la famille congolais.
5. Aux termes de l'article 153 du code de la famille congolais : " A défaut d'acte de l'état civil constatant la naissance, le décès ou le mariage, sur la base des dispositions légales ou réglementaires antérieures à la présente loi, toute personne y ayant intérêt peut demander à l'officier de l'état civil du lieu de naissance, de décès ou de mariage, d'établir un acte de notoriété le suppléant (...) ". Selon l'article 154 de ce même code : " L'acte de notoriété contient la déclaration de celui qui le réclame, attesté par deux témoins, parents ou non du requérant, qui donnent les précisions exigées : / pour un acte de naissance : la date précise de celle-ci si possible, le lieu de naissance, le nom et le sexe du requérant, les noms des père et mère s'ils étaient ou non unis par les liens de mariage ainsi que les causes qui empêchèrent de rapporter l'acte de naissance et les précisions éventuellement demandées par l'officier de l'état civil. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions, que l'acte de notoriété est un acte dressé par un officier de l'état civil par lequel des témoins attestent leur connaissance personnelle et la notoriété publique de l'existence d'un fait. Par suite, et alors que le ministre n'établit pas les dispositions légales qui aurait été méconnues, la circonstance que les témoins attestant la naissance de Mme C... D... étaient plus jeunes que cette dernière n'est pas de nature à remettre en cause la sincérité de ce document. De même, la circonstance que cet acte a été dressé tardivement et à l'occasion de la demande de visa formée par l'intéressée ne permet pas, à elle seule, d'établir son caractère non probant.
En ce qui concerne la demande de visas effectuée au nom des enfants Ecclésiaste, Miriam et F... E... G... :
7. Il appartient, en principe, aux autorités consulaires de délivrer aux enfants mineurs d'un réfugié statutaire les visas qu'ils sollicitent afin de mener une vie familiale normale. Elles peuvent toutefois opposer un refus à de telles demandes pour un motif d'ordre public, notamment en cas de fraude.
8. Pour établir le lien de filiation entre les jeunes Ecclésiaste, Miriam et F... E... G..., nés, les deux premiers, le 6 juin 2000, et la dernière le 12 avril 2003, et M. B... E... G... ont été produits un jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal pour enfants de Kinshasa / Kalamu rendu le 28 août 2015 et le certificat de non-appel de ce jugement n°398/2015 du 13 octobre 2015 ainsi que, pour chacun de ces enfants, un acte de naissance délivré sur le fondement de ce jugement et un passeport.
S'agissant du jugement supplétif :
9. Aux termes de l'article 16 de la loi du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant en République démocratique du Congo : " Tout enfant a le droit d'être enregistré à l'état civil dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent sa naissance, conformément à la loi. / L'enregistrement s'effectue sans frais. ". L'article 99 de la même loi dispose que : " Le tribunal pour enfants est seul compétent pour connaître des matières dans lesquelles se trouve impliqué l'enfant en conflit avec la loi. / Il connaît également des matières se rapportant à l'identité, la capacité, la filiation, l'adoption et la parenté telles que prévues par la loi. ". Selon l'article 101 de cette loi : " Est territorialement compétent, le tribunal de la résidence habituelle de l'enfant, de ses parents ou tuteur, du lieu des faits, du lieu où l'enfant aura été trouvé, ou du lieu où il a été placé, à titre provisoire ou définitif. ".
10. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient le ministre, le jugement supplétif n'est entaché d'aucune erreur matérielle concernant la date de l'audience qui s'est tenue le 28 août 2015, la date du 27 août 2015 étant la date d'enregistrement de la requête introductive d'instance de Mme C... D....
11. En second lieu, si le jugement supplétif a été rendu le lendemain du dépôt de la requête, ce qui, selon le ministre, n'aurait pas permis au tribunal d'effectuer les vérifications nécessaires, et plus de quinze et seize ans après la naissance des intéressés, postérieurement à l'obtention du statut de réfugié par M. E... G..., il n'appartient toutefois pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux. Les seules circonstances invoquées par le ministre ne suffisent pas à établir le caractère frauduleux de ce jugement. Il en va de même s'agissant de la police de caractère de l'en-tête du jugement, alors même qu'elle est différente du reste du document.
S'agissant des actes de naissance :
12. En premier lieu, l'erreur de plume contenue dans ces actes de naissance concernant le numéro d'enregistrement du certificat de non-appel, qui mentionnent le n°0348/2015 au lieu du n°0398/2015, ne saurait établir leur caractère inauthentique.
13. En second lieu, la circonstance que ces actes de naissance dressés sur le fondement du jugement supplétif du 28 août 2015 comportent des informations ne figurant pas dans ce jugement concernant la date et le lieu de naissance des parents ainsi que leur profession, ne suffit pas à les priver de valeur probante, en particulier s'agissant du lien de filiation des enfants avec le requérant.
14. En troisième lieu, et ainsi qu'il a été dit, la circonstance que ces actes de naissance aient été délivrés tardivement à l'occasion de la demande de visa formée au nom de ces enfants ne permet pas d'établir le caractère non probant de ces actes d'état civil.
15. Enfin, la circonstance que les actes de naissance, qui ont été dressés en exécution du jugement supplétif, ne respecteraient pas le délai de transcription n'est pas de nature à établir qu'il s'agirait de faux ou qu'ils seraient mensongers.
S'agissant des passeports :
16. Le ministre ne saurait sérieusement soutenir que les passeports des enfants n'ont pu être délivrés le 1er octobre 2015, au motif que les actes de naissance sur lesquels ils sont censés se fonder ont été dressés le 16 mai 2017, dès lors que, ainsi que le soutient le requérant, a pu être présenté, à l'appui de la demande de ces passeports, le jugement supplétif d'acte de naissance du 28 août 2015.
17. Enfin, le ministre ne saurait, en se rapportant à la seule note de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 septembre 2017, sans se référer aux propres déclarations de l'intéressé, alléguer que M. E... G... ne connaîtrait pas la date de naissance de ses enfants, alors qu'au demeurant cette erreur, qui porte sur deux mois, ne concernerait que la jeune F... et que, dans le formulaire OFPRA qu'il a renseigné le 21 septembre 2017, le requérant a bien indiqué la date exacte de naissance de cet enfant.
18. Il résulte de tout ce qui précède que les documents produits dans les demandes de visa, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils seraient inauthentiques, établissent le lien familial entre M. E... G... et les demandeurs de visa. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation en refusant de délivrer à Mme C... D... et aux jeunes Ecclésiaste, Miriam et F... E... G... les visas sollicités. Par suite, M. E... G... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
19. Le présent arrêt implique pour son exécution, eu égard au motif d'annulation retenu, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme C... D... et aux jeunes Ecclésiaste, Miriam et F... E... G..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif du 18 septembre 2018 et la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme C... D... et aux jeunes Ecclésiaste, Miriam et F... E... G... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... G... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- M. A...'hirondel, premier conseiller ;
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 septembre 2019.
Le rapporteur,
M. I...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00572