Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2020, Mme C..., représentée par Me Summerfield, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 novembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de visa devait être analysée comme une demande de visa de long séjour pour raisons familiales de sorte que le motif tiré de ce que la validité de son titre de séjour était expirée ne pouvait lui être valablement opposé ;
- le refus de visa méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'elle remplit les conditions posées aux alinéas 4 et 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle remplit les conditions posées aux alinéas 4 et 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le motif tiré de la menace à l'ordre public ne lui a pas été opposé et ne saurait l'être.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il indique s'en rapporter à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 9 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours qu'elle avait formé contre le refus opposé par les autorités consulaires françaises en poste à Oran à sa demande de visa de long séjour.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est arrivée en France en 1984 à l'âge de douze ans et y a vécu depuis lors à l'exception de la période au cours de laquelle elle a été incarcérée en Algérie entre 2008 et 2018. Ses frères et soeurs, ressortissants français, de même que ses parents résident en France. Elle a donné naissance, en 2004 et 2006, à deux enfants de nationalité française dont le père montre un " désintérêt manifeste " ainsi que cela ressort du jugement du juge aux affaires familiales du 16 octobre 2020. Par ce même jugement, certes postérieur à la date de la décision en litige mais de nature à éclairer la cour quant à la situation de la requérante à cette date, Mme C... a été regardée comme " à nouveau en capacité de participer aux décisions importantes concernant ses enfants " et a recouvré en partie ses droits en matière d'exercice de l'autorité parentale, laquelle avait été déléguée à la tante maternelle des enfants en raison de l'incarcération de la requérante. Il n'est ni établi ni même allégué que cette dernière présenterait une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le refus de visa de long séjour qui lui a été opposé porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre à Mme C... un visa de long séjour. Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle le voyage envisagé sera compatible avec les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... de la somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 novembre 2020 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme C... un visa de long séjour, dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle le voyage envisagé sera compatible avec les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2021.
Le rapporteur,
K. Bougrine
Le président,
A. PEREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03858