Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juin 2019 et 2 décembre 2019, Mme H... P..., M. C... P..., Mme M... P..., M. G... P..., Mme N... P... et M. D... P..., représentés par le cabinet Via avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le préfet de Vendée a délivré à la société Vendée Energie un permis de construire huit éoliennes et un poste de livraison sur un terrain situé La Choupière La Blanchardière sur le territoire de la commune de Saint-Cyr-en-Talmondais, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacun d'eux sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable dès lors qu'ils justifient disposer, chacun, d'un intérêt à agir, que leur demande n'est pas tardive et que l'obligation de notification de leur recours telle que prévue par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, a été respectée ;
- la compétence des auteurs des avis rendus au titre de la navigation aérienne n'est pas établie ;
- le permis de construire contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu des nuisance sonores que le projet de parc éolien engendrera et des risques de rupture des pales ;
- le permis de construire porte atteinte aux lieux avoisinants, aux sites et paysages en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 octobre 2019 et le 16 janvier 2020, la société Vendée Energie, représentée par la SELARL d'avocats Interbarreaux Cornet - Vincent - Ségurel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que les requérants n'établissent pas leur intérêt à agir ;
- aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que les requérants n'établissent pas leur intérêt à agir ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...'hirondel,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me I..., substituant Me E..., représentant les consorts P..., et de Me K..., substituant Me L..., représentant la société Vendée Energie.
Considérant ce qui suit :
1. La société Vendée Energie a déposé, le 28 mai 2018, une demande de permis de construire pour l'implantation, dans le département de la Vendée, de huit éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Cyr-en-Talmondais. Par un arrêté du 21 décembre 2018, le préfet de la Vendée a délivré à la pétitionnaire le permis de construire sollicité. Les consorts P... ont formé, le 19 février 2019, un recours gracieux contre cet arrêté. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé sur ce recours. Les consorts P... demandent à la cour d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2018 ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. "
3. D'une part, selon l'article 1er de l'arrêté du 27 avril 2007 portant création du service national d'ingénierie aéroportuaire, ce service constitue un service à compétence nationale rattaché au secrétariat général de la direction générale de l'aviation civile. Le 2° de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 22 mars 2017 modifiant l'article 6 de l'arrêté du 31 décembre 2013 portant organisation du service national d'ingénierie aéroportuaire prévoit que les départements et les pôles " ingénierie opérationnelle et patrimoine " (IOP) sont chargés " de l'instruction et du suivi des dossiers, ainsi que de la délivrance des avis, autorisations et accords requis de la DGAC, dans le cadre de la mission "guichet unique urbanisme "confiée au SN/A vis-à-vis des collectivités, porteurs de projets et services de l'Etat, pour toutes les demandes d'avis relatifs à des ouvrages projetés au sol ou en mer pouvant constituer un obstacle ou un danger pour la circulation aérienne ou être nuisibles au fonctionnement des dispositifs de sécurité établis dans l'intérêt de la navigation aérienne, y compris à l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement visées à l'article L. 6352-1 du code des transports. ". Aux termes du II de l'article 13 de l'arrêté du 13 septembre 2017 portant délégation de signature, publié au Journal officiel de la République française (JORF) du 16 septembre 2017, le directeur général de l'aviation civile a donné délégation de signature à M. J... F..., chef du département du service national d'ingénierie aéroportuaire département Ouest, à l'effet de signer, au nom du ministre chargé des transports, tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'accord émis le 3 septembre 2018 au nom du ministre chargé de l'aviation civile, ne peut être qu'écarté.
4. D'autre part, aux termes du 2° de l'article 15 du décret du Premier ministre du 6 février 2018 portant délégation de signature, publié au JORF du 8 février 2018, le général de brigade Pierre Reutter a reçu délégation de signature du ministre de la défense " pour les travaux soumis à autorisation du ministre de la défense en application des articles R. 425-9 du code de l'urbanisme et R. 244-1 du code de l'aviation civile ". Par suite, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le général de brigade Pierre Reutter était bien compétent pour signer l'accord émis le 19 septembre 2018 au nom du ministre de la défense. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'accord émis au nom du ministre en charge de la défense doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, qu'une étude acoustique a été réalisée par la société Gamba Acoustique Éolien, pendant une durée cumulée de deux semaines, qui a permis de caractériser le secteur Sud-Ouest comme l'orientation des vents dominants. Les bruits résiduels ont été enregistrés au niveau des habitations les plus proches de la zone d'implantation du projet selon la norme NFS 31-114 puis une modélisation acoustique a été effectuée par l'utilisation du logiciel Acous Propa afin de calculer les niveaux de bruit engendrés par le fonctionnement des seules éoliennes chez les riverains les plus exposés, à l'extérieur des habitations, pour les orientations de vent dominantes, les calculs tenant compte de l'influence des gradients de vent ainsi que de la température sur la courbure des rayons sonores. Les résultats ont été ensuite analysés afin de vérifier la conformité du projet aux normes réglementaires en proposant, lorsqu'elles ne sont pas respectées, des modes de fonctionnement des machines afin de réduire le bruit consistant en une modification des vitesses de rotation ou des angles de pales (bridages), voire, si nécessaire, leur arrêt sur la période critique. Selon ces résultats, s'il existe un risque de dépassement des seuils réglementaires pour la période nocturne (00h-5h) par vent de secteur Ouest-Sud-Ouest, les plans de bridage proposés permettent de ramener ces périodes à une situation réglementairement acceptable.
7. L'agence régionale de santé, qui a examiné cette étude, a émis un avis favorable au projet assorti de deux réserves, la première tenant à la justification du choix de modélisation de l'impact acoustique sur la base d'un seul secteur de vent Ouest / Sud-Ouest et, la seconde, en la réalisation de mesures acoustiques, éoliennes en fonctionnement, afin de valider les conclusions de l'étude théorique et, le cas échéant, d'ajuster le plan de fonctionnement proposé. Il n'est pas contesté que, par une note complémentaire de juillet 2018, la société Vendée Energie a apporté des précisions supplémentaires tenant à la justification de la méthodologie retenue pour apprécier l'émergence sonore des éoliennes, lesquelles ne sont pas contestées. Dans ces conditions, les requérants n'établissent pas l'insuffisance de cette étude, laquelle ne saurait résulter de la seule circonstance qu'elle n'a pas été effectuée en hiver, eu égard à la méthodologie retenue et précisée dans l'étude acoustique. Par ailleurs, le préfet de la Vendée a tenu compte de la seconde recommandation émise par l'agence régionale de santé en assortissant le permis de construire querellé, en son article 3, d'une prescription reprenant intégralement cette recommandation. Les requérants n'établissent pas que cette prescription serait insuffisante pour permettre de respecter les seuils acoustiques réglementaires.
8. D'autre part, l'article 3 de l'arrêt du 26 août 2011 susvisé dans sa rédaction applicable au présent litige prévoit que les aérogénérateurs doivent être implantés à une distance minimale de 500 mètres de toute construction à usage d'habitation, de tout immeuble habité ou de toute zone destinée à l'habitation. Dans ces conditions, le risque d'atteinte à la sécurité publique lié à la chute de pales et de mâts n'est pas établi, alors qu'il n'est pas contesté que la distance minimale de 500 mètres entre les éoliennes et les habitations les plus proches a été respectée. La seule circonstance qu'un accident de cette nature soit survenu dans le parc éolien de Blouin n'est pas de nature à démontrer le risque allégué dès lors qu'il porte sur un autre site, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce site et les machines en cause présentent les mêmes caractéristiques que ceux du présent litige.
9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté en toutes ses branches.
10. En troisième lieux, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
11. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
12. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice paysagère contenue dans la demande de permis de construire, que les éoliennes doivent s'implanter au nord-ouest de la plaine du Bas Poitou, en limite du bocage rétro-littoral, dans un secteur formé d'une plaine ondulée avec, à l'est, un relief collinaire qui s'étend du nord au sud, constitué par une pente d'environ 2 %. De petites parcelles boisées s'étendent dans la partie nord, complétant un réseau dense de haies bocagères hautes qui ferment un milieu marqué par la présence d'un dense maillage bocager. Il ressort des photomontages produits par les requérants que le bocage du site d'implantation ne présente pas un caractère remarquable, ni une sensibilité paysagère particulière.
13. D'autre part, il résulte des photomontages contenus dans la notice réalisée à partir de huit lieux différents reprenant les ouvertures visuelles en direction du projet, qu'il n'existe que peu de vues directes sur le parc projeté, les éoliennes étant le plus souvent cachées par le bocage. Si à un kilomètre de l'aire d'étude, se situe l'unité paysagère du marais Poitevin, caractérisé par des haies bocagères ainsi que par un réseau de canaux, aucune vue n'est offerte en direction du projet, qui est situé entre la vallée du Lay, à l'est et la vallée de Trousspoil, à l'ouest, en raison de la fermeture des paysages. En ce qui concerne l'impact cumulé avec d'autres parcs éoliens, le plus proche est celui de Longueville Métairies, à 6,7 kilomètres au sud-ouest de la zone du projet, à une altitude plus basse, de sorte qu'en raison de cette distance et du caractère bocager du territoire, peu de vues se dégagent sur ce parc éolien. Il apparaît ainsi que le parc éolien projeté sera peu visible dans le paysage hormis à ses abords immédiats et qu'au-delà d'un kilomètre autour de l'aire d'implantation, les vues sont quasiment inexistantes en raison de multiples masques visuels (haies, boisement, relief, bâti ...).
14. Les requérants, en se bornant à faire valoir que le projet se situe à la croisée de trois paysages mentionnés dans l'Atlas des Paysages des Pays de la Loire, à savoir la plaine du Bas Poitou, le bocage et le Marais Poitevin et que le secteur est marqué par la présence de menhirs et de châteaux, tels le château de la Brunière, le château de la Garenne, le site mégalithique et gallo-romain de Longeville-sur-Mer, les menhirs du Champ-Rocher, des Petites Jaunières et de la Chenillé et le dolmen des Games, n'apportent au soutien de leur allégation aucun élément de nature à établir l'atteinte qui serait portée par le projet à l'intérêt de ces lieux. De même, la production d'une carte, laquelle ne comporte, au surplus, aucune échelle, sur laquelle sont rapportés les lieux d'implantation de parcs éoliens réalisés, autorisés ou dont les projets sont à l'étude, ne permet pas à elle seule, de démontrer une saturation du paysage, du fait de l'absence de covisibilité entre ces parcs et les éoliennes autorisées par le permis de construire contesté.
15. Il suit de là que le permis de construire contesté n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par les défendeurs, que la requête présentée par les consorts P... doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts P... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des consorts P... une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Vendée Energie et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts P... est rejetée.
Article 2 : Les consorts P... verseront, ensemble, à la société Vendée Energie la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... P..., à M. C... P..., à Mme M... P..., à M. G... P..., à Mme N... P..., à M. D... P..., au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société Vendée Energie.
Une copie du présent arrêt sera notifiée au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- Mme B..., présidente assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.
Le rapporteur,
M. O...Le président,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT02748