A... une requête, enregistrée le 27 janvier 2021, Mme I..., représentée A... Me Cabioch, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 novembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer le visa sollicité B... un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros A... jour de retard ou, à défaut, lui enjoindre de réexaminer la demande de visa B... un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros A... jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la motivation du jugement est insuffisante et stéréotypée ;
- le motif fondé sur l'absence de jugement de délégation de l'autorité parentale n'est pas d'ordre public et ne peut légalement justifier le refus de visa opposé à une demande présentée au titre de la réunification familiale ;
- à supposer même que la délivrance d'un tel visa soit subordonnée à la production d'une décision juridictionnelle portant délégation de l'autorité parentale, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant font obstacle à ce que, B... les circonstances particulières de l'espèce, le visa soit refusé ;
- la motivation de la décision de la commission est insuffisante et révèle un défaut d'examen réel et sérieux ;
- l'auteur de l'une des signatures apposées n'étant pas identifiable, la commission doit être regardée comme s'étant réunie B... une composition irrégulière ;
- le motif sur lequel s'est fondée la commission et tiré de la tardiveté du jugement supplétif ne peut légalement justifier le refus de visa ;
- les circonstances que l'acte de naissance issu de la transcription du jugement supplétif comporte des mentions ne figurant pas B... ce jugement et qu'il n'ait pas été signé A... le déclarant ne prive pas cet acte de valeur probante ;
- la filiation de son enfant peut également être établie A... possession d'état ;
- le refus de visa opposé à son fils est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'intérêt supérieur de celui-ci protégé A... les stipulations de l'article 3§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
A... un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés A... la requérante ne sont pas fondés.
Mme I... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... une décision du 1er février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les observations de Me Bosquets Mayol, substituant Me Cabioch et représentant la requérante.
Considérant ce qui suit :
1. Mme I..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 11 février 1990, est entrée en France le 1er septembre 2016 et y a obtenu le statut de réfugié. Une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale a été présentée pour le jeune D... J..., ressortissant congolais né 30 novembre 2007, que Mme I... présente comme son fils. Le refus de visa opposé à cette demande A... l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo a été confirmé A... une décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 10 juin 2020. Mme I... relève appel du jugement du 23 novembre 2020 A... lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 10 juin 2020.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises A... les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Aux termes de l'article D. 211-7 du même code : " Le président de la commission est choisi parmi les personnes ayant exercé des fonctions de chef de poste diplomatique ou consulaire. / La commission comprend, en outre : / 1° Un membre, en activité ou honoraire, de la juridiction administrative ; / 2° Un représentant du ministre des affaires étrangères ; / 3° Un représentant du ministre chargé de l'immigration ; / 4° Un représentant du ministre de l'intérieur. / Le président et les membres de la commission sont nommés A... décret du Premier ministre pour une durée de trois ans. Pour chacun d'eux, un premier et un second suppléant sont nommés B... les mêmes conditions. ". L'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prévoit que cette commission " délibère valablement lorsque le président ou son suppléant et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs sont réunis. ".
3. Il ressort des pièces produites A... le ministre de l'intérieur que la commission qui s'est réunie le 10 juin 2020, lors de la séance au cours de laquelle a été délibérée la décision en litige, était composée de son président M. H... et de deux de ses membres, l'un représentant le ministre chargé de l'immigration, l'autre le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Le moyen tiré de l'irrégulière composition de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France doit, A... suite, être écarté.
4. En deuxième lieu, Mme I... réitère en appel le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Il y a lieu d'écarter ce moyen A... adoption des motifs retenus à bon droit A... les premiers juges.
5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'aurait pas procédé à un examen particulier du recours formé A... Mme I....
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 752-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° A... son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié A... une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° A... son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° A... les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint A... ses ascendants directs au premier degré. / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande B... les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés A... l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis A... l'office font foi jusqu'à inscription de faux. / La réunification familiale ne peut être refusée que si le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. / Est exclu de la réunification familiale un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ou lorsqu'il est établi qu'il est instigateur, auteur ou complice des persécutions et atteintes graves qui ont justifié l'octroi d'une protection au titre de l'asile. ". L'article L. 411-2, alors en vigueur, de ce code dispose : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 411-3, alors en vigueur, du même code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".
7. Il résulte de la combinaison des dispositions de l'article L. 752-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles des articles L. 411-2 et L. 411-3, alors en vigueur, du même code, auxquelles le II de l'article L. 752-1 renvoie expressément, que l'enfant du réfugié dont l'autre parent ne sollicite pas en même temps que lui un visa de long séjour sur le fondement des dispositions du 1° ou du 2° de cet article a droit à la délivrance d'un visa de long séjour au titre de la réunification familiale pourvu que soient remplies les conditions fixées A... les articles L. 411-2 ou L. 411-3. Il s'ensuit que l'enfant, mineur de dix-huit ans, souhaitant rejoindre son parent réfugié sans son autre parent, bénéficie de plein droit de la délivrance d'un visa de long séjour soit lorsque son autre parent est décédé ou déchu de l'autorité parentale, soit s'il a été confié à son parent réfugié ou au conjoint de ce dernier en exécution d'une décision d'une juridiction étrangère et est muni de l'autorisation de son autre parent.
8. Pour confirmer le refus de visa opposé à la demande de visa de long séjour présentée pour le jeune D... J..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a relevé que, d'une part, l'acte de naissance produit au soutien de cette demande avait été établi plus de dix ans après la naissance sur le fondement d'un jugement supplétif rendu le lendemain de la requête et postérieurement à l'obtention A... Mme I... du statut de réfugié et, d'autre part, que n'était pas produit de jugement de déchéance concernant le père de l'enfant.
9. D'une part, il ressort du jugement rendu A... le tribunal pour enfants K... G... / C... le 20 mars 2018 que l'enfant D... J... est né le 30 novembre 2007 à G... de " Monsieur F... " et de Mme E... I.... A supposer que ce jugement ait été sollicité en vue de justifier de l'identité de l'enfant et de sa filiation avec la requérante au soutien d'une demande de visa, cette circonstance ne lui confère pas pour autant un caractère frauduleux. A... ailleurs, alors que, hormis le cas de fraude, il n'appartient pas aux autorités françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue A... une autorité juridictionnelle étrangère, les circonstances tenant à ce que le tribunal pour enfants se serait prononcé le lendemain de sa saisine, sur requête du grand-père allégué de l'enfant, sans vérification préalable, ne permettent pas davantage de démontrer le caractère frauduleux de ce jugement. B... ces conditions, le lien de filiation de Mme I... à l'égard du jeune D... J... doit être tenu pour établi A... le jugement du tribunal pour enfants K... G... / C... du 20 mars 2018. A... suite, le ministre de l'intérieur ne peut utilement faire valoir que l'acte de naissance issu de la transcription de ce jugement serait dépourvu de valeur probante. Ainsi, en écartant le jugement supplétif, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'illégalité.
10. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7, que le refus opposé à une demande de visa de long séjour présentée A... l'enfant d'un réfugié dont l'autre parent n'entre pas B... le champ d'application des dispositions du 1° ou du 2° du I de l'article L. 752-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qui ne sollicite pas en même temps que lui un visa de long séjour sur le fondement de ces dispositions peut légalement être fondé sur l'absence de déchéance des droits parentaux de cet autre parent ou encore sur l'absence d'autorisation A... ce dernier de laisser le mineur venir en France et l'absence de décision juridictionnelle confiant l'enfant au parent réfugié au titre de l'exercice de l'autorité parentale. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché le motif de la décision contestée fondé sur cette considération. A... ailleurs, en se bornant à se prévaloir de sa qualité de réfugiée, sans faire état de considérations circonstanciées et étayées, Mme I... ne démontre pas se trouver B... l'impossibilité absolue de justifier de la disparition ou du désintérêt de la personne dont le jugement mentionné au point 9 du présent arrêt a établi la filiation paternelle à l'endroit du jeune D... J.... B... ces conditions, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en se fondant, en dépit de la qualité de réfugiée de Mme I..., sur le défaut de jugement de déchéance, la commission aurait commis une erreur manifeste B... l'appréciation de sa situation.
11. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique B... l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue A... la loi et qu'elle constitue une mesure qui, B... une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " B... toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
12. Mme I... soutient que le père de son fils D..., dont elle ignore le nom, n'a jamais pris part à l'éducation de ce dernier. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir l'absence du père de l'enfant ni même aucune précision sur la situation de son fils depuis son départ pour la France. En se bornant à se prévaloir de sa qualité de réfugiée, la requérante ne démontre pas être B... l'impossibilité absolue de justifier de la disparition ou du désintérêt manifesté A... le père de son fils. B... ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme I... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
14. Doivent être rejetées A... voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées A... la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme I... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... I... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public A... mise à disposition au greffe, le 24 septembre 2021.
La rapporteure,
K. BOUGRINE
Le président,
A. PEREZLa greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00247