Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2021, Mme C..., représentée par Me Gomez, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 12 avril 2018 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 12 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prendre toutes les mesures visant à lui conférer la nationalité française, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont commis des erreurs de droit et d'appréciation ;
- la décision du 12 avril 2018 est illégale dès lors que, son père étant de nationalité française, elle a vocation à acquérir cette même nationalité en application de la loi du 20 juin 1977 relative à l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas ;
- en ne tenant pas compte de l'ensemble des justificatifs de filiation produits au soutien du recours préalable pour requalifier la demande de naturalisation en demande de réintégration et y faire droit, le ministre de l'intérieur a commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que sa décision d'ajournement est légale.
Mme B... C... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 77-625 du 20 juin 1977 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... épouse D..., ressortissante djiboutienne née le 23 février 1977, a formé une demande de naturalisation qui a été ajournée, par une décision du préfet des Deux-Sèvres du 2 novembre 2017. Le ministre de l'intérieur a, par une décision du 12 avril 2018, rejeté son recours administratif et confirmé cette décision d'ajournement au motif que l'intéressée n'avait pas pleinement réalisé son insertion professionnelle. Mme B... C... épouse D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 12 avril 2018.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...), l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". L'article 24 du même code dispose : " La réintégration dans la nationalité française des personnes qui établissent avoir possédé la qualité de Français résulte d'un décret ou d'une déclaration suivant les distinctions fixées aux articles ci-après. ". L'article 24-1 du même code dispose : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation. ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle du postulant ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources.
3. En premier lieu, Mme B... C... épouse D... ne conteste pas le motif de la décision attaquée, rappelé au point 1.
4. En deuxième lieu, Mme B... C... épouse D... a formé une demande d'acquisition de la nationalité française par voie d'une décision de l'autorité publique. A l'appui de son recours formé contre la décision d'ajournement opposée par le préfet des Deux-Sèvres, elle a notamment indiqué être " née avant l'indépendance de Djibouti le 27 juin 1977, qui était un territoire français " et joint différents documents d'état civil délivrés par l'Etat français à son père. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur n'aurait pas pris en considération, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française à Mme B... C... épouse D..., l'ensemble des éléments que cette derrière a entendu faire valoir à l'appui de son recours. Par suite, le moyen tiré par Mme C... épouse D... de ce que la décision du ministre de l'intérieur est entachée d'une erreur de droit doit être écarté.
5. En troisième lieu, à supposer que, comme le soutient la requérante, son père aurait, au moment de l'indépendance de Djibouti, conservé la nationalité française en application de la loi du 20 juin 1977 relative à l'indépendance du territoire français des Afars et des Issas, cette seule circonstance n'est pas de nature, eu égard au motif d'ajournement de la décision en litige et alors que les réintégrations prononcées sur décision de l'autorité publique constituent, au même titre que les naturalisations, une mesure de faveur, à faire regarder la décision contestée comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
6. En dernier lieu, si, en soutenant qu'elle a " vocation à acquérir la nationalité française au regard des seules dispositions de la loi " du 20 juin 1977, la requérante entend revendiquer une nationalité française d'origine du fait de la nationalité de ses parents, un tel moyen est inopérant à l'encontre de la décision attaquée et il lui appartient de souscrire une déclaration auprès du directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou du consul conformément à l'article 26 du code civil.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... C... épouse D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 12 avril 2018.
Sur le surplus des conclusions :
8. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... C... épouse D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... C... épouse D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Douet, présidente de la formation de jugement,
- M. Bréchot, premier conseiller,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2022.
La rapporteure,
K. BougrineLa présidente
de la formation de jugement,
H. Douet
La greffière,
K. Bouron
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00254 2
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