Par un jugement nos 2004680, 2008911 du 8 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mars et 20 août 2021, M. C... A... et Mme B... D..., représentés par Me Bourgeois, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au profit de Me Bourgeois en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France méconnait les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bréchot,
- et les observations de Me Thullier, substituant Me Bourgeois représentant M. A... et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 20 octobre 1994, a épousé en France, le 30 mars 2019, Mme B... D..., ressortissante française née le 22 août 1988. Il a sollicité la délivrance d'un visa d'établissement en qualité de conjoint d'une ressortissante française auprès des autorités consulaires françaises à Oran (Algérie), lesquelles ont rejeté sa demande le 26 novembre 2019. Il a formé un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, lequel a été enregistré le 27 janvier 2020. Par une première requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes sous le n° 2004680, M. A... a demandé à ce tribunal d'annuler la décision implicite qui serait née du silence gardé sur ce recours par la commission. Par une décision expresse du 17 juin 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision des autorités consulaires. Par une seconde requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes sous le n° 2008911, M. A... a demandé au tribunal d'annuler cette décision du 17 juin 2020. Par un jugement du 8 février 2021, le tribunal administratif de Nantes, après avoir regardé les conclusions des requêtes de M. A... comme étant dirigées contre la seule décision expresse de la commission, a rejeté ses requêtes. M. A... et Mme D... relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français, dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire, le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a épousé Mme D... à Nîmes le 30 mars 2019, avant de retourner en Algérie le 18 juin 2019 en vue d'y solliciter, dès le 1er juillet 2019, une demande visa d'établissement en qualité de conjoint de Française. Il est vrai, ainsi que le fait valoir le ministre de l'intérieur, que M. A..., dont une demande de visa de court séjour avait été refusée en février 2017, est entré irrégulièrement en France le 1er juin 2017 et s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français. Arrêté en février 2018 pour vol à l'étalage dans deux magasins, il a déclaré une fausse identité aux services de police et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 21 février 2018, qui lui a été notifiée le lendemain et qu'il n'a pas exécuté. Par ailleurs, si M. A... prétend avoir retrouvé Mme D..., une amie d'enfance, en septembre 2017 lors des ferias de Nîmes, puis avoir entamé une relation amoureuse avec elle dans les mois qui ont suivi, il ressort des pièces du dossier qu'il a déclaré au juge des libertés et de la détention, qui a statué le 24 février 2018 sur une demande préfectorale de prolongation de sa rétention administrative, qu'il vivait alors en Espagne avec une femme qui aurait été enceinte de quatre mois. Ces éléments liés au parcours migratoires et aux déclarations contradictoires de l'intéressé sont de nature à faire naître un doute sur son intention matrimoniale. Pour autant, il ressort également des pièces du dossier, pour certaines versées pour la première fois en appel, que Mme D... a présenté M. A... à sa famille au milieu de l'année 2018, qu'un mariage religieux a été célébré le 9 décembre 2018 et que leur mariage civil, le 30 mars 2019, plus d'un an après l'obligation de quitter le territoire français dont M. A... avait fait l'objet, a eu lieu en présence de nombreux invités. Le couple a par ailleurs résidé à une adresse commune au cours du premier semestre 2019, jusqu'au retour de M. A... dans son pays d'origine, et Mme D... s'est trouvée enceinte le 16 avril 2019, peu de temps après leur mariage. Mme D... a rendu visite à son époux en Algérie pendant deux semaines en février 2020, ainsi qu'en attestent notamment des photographies prises sur place, et fait valoir qu'elle n'a pu s'y rendre de nouveau en raison des contraintes sanitaires. Enfin, de nombreuses attestations circonstanciées rédigées par des membres de leur famille et des proches font état de la sincérité de leur relation conjugale et il ressort de relevés téléphoniques que le couple a continué à échanger régulièrement depuis le retour de M. A... en Algérie. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'apporte pas la preuve que le mariage contracté entre M. A... et Mme D... est entaché de fraude.
4. Par conséquent, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que le mariage était entaché de fraude.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. A..., qui a seul qualité pour relever appel du jugement attaqué dès lors que Mme D... n'était pas partie devant le tribunal administratif de Nantes et n'avait pas à être mise en cause, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit à la demande de M. A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité par M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. A... n'a pas sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 février 2021 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 17 juin 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire droit à la demande de M. A... tendant à se voir délivrer un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... et autre est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Douet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Bréchot, premier conseiller,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2022.
Le rapporteur,
F.-X. BréchotLa présidente,
H. Douet
La greffière,
K. Bouron
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT00853