Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2019, l'association Vent de l'injustice, M D... V... et Mme AE... J..., M. et Mme AB... R..., le Gaec La Fraignaie, M. et Mme B... AG..., M. et Mme P... AG..., M. et Mme W... AF..., M. et Mme T... AL..., Mme AJ... AQ..., le Gaec Le Fort du Lay, M. et Mme H... AN..., Mme AJ... AN..., M. AD... X..., M. AT...-T... AI..., la SCI de la Ricottière, M. et Mme E... L..., M. et Mme O... AS..., M. et Mme AP... U..., M. AB... AC..., la SCI Forestière agricole de la Croisée de la Chapelle, M. et Mme I... AM..., M. et Mme AR... C..., M. AA... AH..., M. N... M... et Mme K... AK..., M. et Mme T... AO..., M. S... F..., représentés par Me Echezar, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 mai 2019 ;
2°) de rejeter les demandes de la société Ferme éolienne de Bournezeau tendant à l'annulation des arrêtés du 8 novembre 2016 refusant des permis de construire pour trois aérogénérateurs et l'arrêté du 9 décembre 2016 en tant qu'il n'autorise pas cette société à exploiter ces aérogénérateurs ;
3°) de mettre à la charge de la société Ferme éolienne de Bournezeau une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur intervention a été admise par le tribunal administratif et leur requête d'appel est donc recevable ;
- le jugement est irrégulier en ce que le principe du contradictoire prévu par l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative a été méconnu ;
- le préfet de Vendée opposait à raison à la demande d'autorisation les inconvénients du projet sur les commodités du voisinage et les impacts sur l'intérêt du paysage ;
- l'étude d'impact présente des insuffisances ;
- le projet porte atteinte à l'environnement et notamment aux chiroptères.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2020, la société Ferme éolienne de Burnezeau, représentée par Me Elfassi, conclut :
- au rejet de la requête ;
- et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'un intervenant en première instance n'a pas qualité pour faire appel et que ni l'association ni les personnes physiques appelantes ne présentent d'intérêt pour agir ;
- aucune irrégularité du jugement ne peut être constatée ;
- aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Douet,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Echezar, représentant l'association Vent de l'injustice et autres, représentant unique des requérants, et les observations de Me Durand, substituant Me Elfassi, représentant la sté ferme éolienne de Bournezeau.
Une lettre envoyée par M. F... a été réceptionnée à la cour le 10 février 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande déposée en préfecture de la Vendée le 3 décembre 2015, la société Ferme éolienne de Bournezeau a sollicité l'autorisation d'exploiter, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, un parc composé de six éoliennes sur le territoire de la commune de Bournezeau et les permis de construire afférents à ces aérogénérateurs et aux postes de livraison. Le projet est constitué de deux alignements de trois éoliennes espacés de trois kms. Par trois arrêtés du 8 novembre 2016, le préfet de la Vendée a refusé d'accorder des permis de construire pour le second groupe d'éoliennes (E4, E5 et E6) aux motifs que les deux micro parcs entraînaient un mitage du territoire et que ce second parc portait atteinte à la qualité du paysage, notamment à la vallée du Lay, ainsi qu'aux monuments et aux lieux habités. Le 9 décembre 2016, il a accordé l'autorisation d'exploiter le premier parc composé des éoliennes E1, E2 et E3. Par quatre requêtes, la société Ferme éolienne de Bournezeau a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 8 novembre 2016 portant refus de permis de construire les éoliennes E4, E5 et E6 et l'arrêté du 9 décembre 2016 en tant qu'il refuse l'autorisation d'exploiter ces trois éoliennes. L'association Vent de l'injustice et d'autres requérants sont intervenus au soutien des conclusions du préfet de la Vendée tendant au rejet de la demande de la société. Par un jugement nos°1703184, 1703972, 1703973, 1703974 du 24 mai 2019, le tribunal, après avoir joint les requêtes et admis l'intervention de l'association Vent de l'injustice, a annulé les arrêtés du 8 novembre 2016 et l'arrêté du 9 décembre 2016 en tant qu'il refuse l'autorisation d'exploiter les éoliennes E4, E5 et E6. L'association Vent de l'injustice et autres relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Elle ne tient pas lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2. ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, le 24 juillet 2018, le tribunal administratif a informé les parties qu'à compter du 28 septembre 2018 l'instruction était susceptible d'être close immédiatement dès lors qu'il n'attendait pas de nouvelles écritures. Des mémoires et des pièces, produits par l'association Vent de l'injustice et la société Ferme éolienne de Bournezeau, respectivement les 27 septembre 2018 et 3 et 4 octobre 2018, ont été communiqués aux parties. Le 29 mars 2019, une ordonnance de clôture d'instruction est intervenue, conformément au calendrier prévisionnel d'instruction, après avoir laissé aux parties un délai suffisant pour répondre aux dernières écritures. Dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait porté atteinte au principe du contradictoire doit être écarté.
4. En second lieu, la régularité d'un jugement ne dépendant pas du bien fondé de ses motifs, les requérants ne sauraient utilement faire valoir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes est entaché d'une erreur de droit.
Sur la légalité des décisions de refus du préfet de la Vendée :
5. D'une part, aux termes de l'article L.511-1 du code de l'urbanisme : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.". D'autre part, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Les dispositions de l'article A11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Bournezeau ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. C'est dès lors, par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité des arrêtés attaqués.
En ce qui concerne l'atteinte aux paysages :
6. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
7. Le projet présenté par la société Ferme éolienne de Bournezeau est composé de six éoliennes, d'une hauteur comprise entre 124, 33 mètres et 144, 38 mètres, implantées en deux alignements de trois éoliennes sur deux sites distincts, le premier (E1, E2 et E3) à proximité de l'autoroute A 83 et le second (E4, E5 et E6) à l'est et au sud de la commune, à proximité de la vallée du Lay. Les refus de permis de construire les éoliennes E 4, E 5 et E 6 sont fondés sur la circonstance que l'implantation de ce second parc est susceptible de porter une atteinte forte au paysage et que cet alignement, de par sa covisibilité avec l'autre alignement de trois éoliennes, porte atteinte aux lieux habités avoisinants. Le refus d'autorisation d'exploiter le second groupe d'éoliennes est également fondé sur l'atteinte excessive au paysage du sud et de l'est de la commune, à la sensibilité marquée.
8. Il résulte de l'instruction que les deux alignements envisagés seront situés au centre d'un vaste plateau au paysage bocager très ouvert, très peu boisé, comportant des haies peu nombreuses, disséminées et éparses. Le plateau est délimité à l'est par la vallée du Lay à plus d'un kilomètre du site. Le périmètre rapproché du second groupe d'éoliennes qui montre un paysage doucement vallonné d'environ 80 mètres d'altitude entaillé par des cours d'eau et ponctué de hameaux, sans être dénué de caractère, ne présente toutefois pas, au vu des photomontages produits au dossier, un intérêt significatif. Tant le paysagiste-conseil de l'Etat que l'autorité environnementale et la commission départementale de la nature, des paysages et des sites font état d'un enjeu paysager limité ou d'une sensibilité du paysage jugée moyenne. Les appelants font également valoir que les éoliennes seront fortement visibles depuis le jardin et les bâtiments du logis de la Touche, ancienne commanderie inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques et située à 2,2 km des éoliennes E4 et E6 mais les vues seront toutefois pour partie atténuées par la végétation existante et aucune autre covisibilité entre ce monument protégé et les installations litigieuses n'est établie en l'espèce.
En ce qui concerne l'atteinte aux commodités du voisinage :
9. Les appelants soutiennent que le territoire d'implantation est parsemé d'habitations, situées pour la plupart sur le plateau, à une altitude comparable à celle des parcelles d'implantation des éoliennes litigieuses, entraînant, en cas de réalisation des deux alignements, perçus comme deux entités distinctes, des perceptions fortes de ces éoliennes et une impression de mitage du paysage. Les avis défavorables de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et du paysagiste conseil de l'Etat retiennent tous deux que l'émiettement en deux parcs séparés de 3, 3 km dans un espace ouvert et parsemé d'habitations entraînera pour les habitants un effet de mitage du paysage et une altération de leurs lieux de vie. Toutefois, les photomontages effectués depuis un certain nombre d'habitations ne démontrent pas une impression d'écrasement et les visibilités ou covisibilités ne sont pas suffisamment prégnantes pour que le projet puisse être regardé comme portant atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Enfin, aucune atteinte excessive relative aux bruits, aux vibrations, aux émissions lumineuses ou à un autre inconvénient de nature à nuire à la commodité du voisinage ne résulte de l'instruction.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que l'association Vent de l'injustice et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 24 mai 2019 le tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés du préfet de la Vendée des 8 novembre et 9 décembre 2016.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Ferme éolienne de Bournezeau, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par l'association Vent de l'injustice et autres ne peuvent dès lors être accueillies. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'association Vent de l'injustice et autres une somme globale de 1 000 euros qui sera versée à la société Ferme éolienne de Bournezeau au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association Vent de l'injustice et autres est rejetée.
Article 2 : L'association Vent de l'injustice et autres verseront ensemble à la société Ferme éolienne de Bournezeau une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vent de l'injustice, représentant unique désigné par Me Echezar, mandataire, à la société Ferme éolienne de Bournezeau et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez président de chambre,
- Mme Douet, présidente assesseur,
- M. L'hirondel, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 février 2021.
Le rapporteur,
H. DouetLe président,
A. PÉREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03070